Le Maroc connaît depuis la fin des années quatre vingt une floraison de manifestations «culturelles» en allusion aux innombrables festivals qui ont investi les villes. Certains d'entre eux se sont imposés en tant qu'évènement d'envergure internationale marquée par l'affluence des personnalités de renommée et faisant ainsi d'une pierre deux coups : réanimer la scène culturelle pendant longtemps en état de stagnation et de léthargie et en même temps vendre la destination touristique du Maroc. De même que l'émergence des festivals a contribué à une ouverture du Maroc sur les autres cultures. Néanmoins, cette centaine de festivals, dont on ignore même le nombre exact faute d'inventaire et vu que le ministère de la Culture n'exerce aucune tutelle sur la plupart d'eux, ceux financés par le secteur privé ou par des instances régionales, ont-ils tous le même impact et jouent-ils réellement le rôle qui leur incombe. La question est tout à fait légitime et requiert réflexion. Surtout que certains d'entre eux engagent des enveloppes budgétaires énormes jugés par d'aucuns démesurés. La question déclenche ces deux dernières années une vive polémique d'un côté et d'un autre. D'une part, ceux qui cherchent à exploiter ce débat à des fins purement idéologiques taxant les festivals de débauche et prêchant pour l'annulation des festivités ou des concerts. La dernière en question, c'est la sortie médiatique de l'un des dirigeants du Parti de la Justice et de Développement (PJD) qui a appelé à l'interdiction d'Elton John invité à Mawazine. D'autre part, des voix qui s'élèvent ici et là mais d'une manière timide pour une réflexion plus profonde sur ce phénomène. Car, là où le hic se trouve, c'est qu'au moment où l'on dépense à tout va et sans compter sur ces manifestations, le Maroc souffre de déficits flagrants en matière d'infrastructures culturelles toutes disciplines confondues et le budget octroyé à la gestion de la chose culturelle dans notre pays est moins de 1%. Si l'on peut dire que le concept de festival ne peut être globalement que positif, n'empêche qu'il ne doit pas se transformer en espace de folklorisation pure et simple qui ne peut servir nullement notre culture. Il n'est jamais suffisant de rappeler que la quantité ne fait pas nécessairement la qualité.