Delphine Maury, scénariste et productrice française regrette de ne pas avoir rencontré des professionnels du cinéma marocain lors du Festival International du cinéma d'animation de Meknès. «Ce serait vraiment génial de rencontrer les professionnels du métier d'ici pour aller plus loin parce que nous avons un tas de choses à discuter», confie t-elle. Delphine encadre et accompagne les jeunes dans le cadre de la première résidence francophone d'écriture pour le film d'animation à Meknès qui se poursuivra jusqu'au jeudi 21 avril. Les propos. Al Bayane : Parlez-nous du projet de la 1ère résidence francophone d'écriture pour le film d'animation? Quid de la qualité des projets présentés ? Delphine Maury : La 1ère résidence francophone d'écriture implique des gens de qualité qui ont déjà réalisé des films d'animation. Nous avons affaire à des projets très diversifiés, entre autres le documentaire animé, la fiction. On y trouve même des films non narratifs. Tous les participants sont à des stades très différents de préparation. Quant à moi, je suis chargée de les accompagner et de les amener le plus loin possible dans le processus d'écriture et de réflexion sur leurs projets dans le but de les traduire en films. Nous allons travailler sur l'écriture et les recherches graphiques. C'est un volet très important surtout quand on se lance dans un projet d'animation. Ceci dit, je vais les accompagner et leur donner des films à voir, des choses à lire pour nourrir leur travail. Pensez-vous qu'un bon scénario est forcément égal à un bon film ? Je viens du monde de l'écriture et je pense que oui. Le plus important dans n'importe quelle histoire c'est l'histoire, et par la suite, la façon avec laquelle on la traduit graphiquement. C'est un outil au service de la narration. Mais un très beau film, qui ne raconte rien, n'a jamais le même impact qu'une très bonne histoire, même réalisée d'une façon très sommaire. Je pense qu'une très bonne histoire, on peut toujours la raconter de n'importe quelle manière. Un très mauvais scénario, on ne peut pas le sauver avec du visuel, mais je pense que les humains ont besoin quand même d'une histoire bien faite. Au fil des ans, comment trouvez-vous ce festival ? Cela fait quatre ans que je viens au FICAM. Je considère ce festival comme un oasis d'autant que le format du festival et l'ambiance amicale que Beyoud, directeur artistique du FICAM, arrive à installer ici est vraiment unique. Pour nous les étrangers qui venons ici, c'est un très beau lieu de rencontres. C'est également un lieu de réflexion et de discussion sur nos métiers. C'est l'occasion de voir des films qu'on n'a pas forcément le temps de voir dans notre travail de tous les jours. Ici, on peut rencontrer de jeunes créateurs, connaitre le Maroc ainsi que ce monde de l'animation qui est entrain de fleurir de ce côté. Je vois qu'année après année, la programmation s'enrichit. Il y a des gens qui reviennent. Cela veut dire qu'il y a un réel bagage artistique qui est entrain de se créer ici. Le seul regret que j'ai c'est de ne pas pouvoir rencontrer ici les gens du cinéma, de la télévision ou des producteurs marocains. En d'autres termes, nous venons avec beaucoup d'idées, d'expériences, que ce soit les réalisateurs, les scénaristes ou les producteurs, mais nous ne trouvons pas ces gens-là au FICAM. Ce serait vraiment génial de rencontrer les professionnels du métier d'ici pour aller plus loin parce que nous avons un tas de choses à discuter. Nous avons tissé des contacts avec des étudiants, surtout des beaux arts. On constate qu'il y a une véritable envie de partage et d'apprentissage. Je travaille avec des Marocains depuis 2 ans dans des ateliers d'écriture. Je suis fascinée par les sujets d'histoire qu'ils ont et qui sont ancrés dans la réalité actuelle. Les jeunes ont un tas de questionnement sur la modernité, la tradition, la relation des hommes et des femmes... Une vraie photographie de la société telle qu'elle est. Nous venons pour leur donner confiance dans la mesure où leurs histoires sont valables. Ces jeunes ont envie de changer des choses même dans leurs fictions... Donc il faut les encourager pour que leurs projets puissent voir le jour. Le regard des artistes sur le monde est hyper nécessaire, à savoir que ces jeunes ont une vision importante sur les choses et le monde. Comment se porte le cinéma d'animation français, notamment en termes de production et de diffusion ? Ce que je pourrais vous dire c'est que l'industrie cinématographique française est l'industrie audiovisuelle qui s'exporte le plus au monde. Donc c'est un secteur qui se porte bien. Nous sommes environ 5000 personnes employées dans le secteur. En France, nous avons 25 écoles qui forment des techniciens chaque année. 500 nouveaux techniciens et réalisateurs sortent annuellement des écoles, avec une grande qualité. L'industrie d'aujourd'hui s'est développée parce que dans les années 80, il y avait une réelle décision politique pour faire émerger cette industrie. Effectivement, sans décision politique, on ne peut faire émerger des industries dans un pays. Chez nous, il y a eu des décisions qui ont été prises, à savoir que les chaines de télévisions nationales et privées doivent consacrer chacune une partie de leurs chiffres d'affaires à la production cinématographique française. C'est à partir du moment où il y a eu cette décision qu'on a pu avoir une industrie locale qui emploie beaucoup de monde. En ce moment, en France, nous sommes en mouvement. Nous sommes allés fabriquer des films en Chine, en Corée et en Inde.