«Nous ne sommes pas là contre vous mais contre l'armée et la police», voilà ce que se sont entendu dire plusieurs habitants de la ville tunisienne de Ben Gardane, située à 25 km de la frontière libyenne, qui à leur réveil en ce lundi 7 mars, ont été pétrifiés de stupeur quand ils ont retrouvé, en bas de chez-eux, postés à certains carrefours de la ville, des combattants de l'Etat islamique armés jusqu'aux dents. Comment donc diable ont-ils pu surprendre à ce point les forces sécuritaires tunisiennes? La frontière tunisienne est-elle donc «sécuritairement» aussi poreuse au point de se voir franchir allégrement par des combattants de Daech venus de Libye? Tout est que l'attaque de lundi - faut-il le dire - est sans précédent. Et la Tunisie n'avait jamais connu, depuis le début des attaques terroristes en 2011, une telle scène de guerre. Une attaque spectaculaire, perpétrée par un détachement de 50 à 60 combattants, qui dès l'aube, ont lancé des assauts simultanés contre le quartier général de la garde nationale, une caserne de l'armée et un poste de police, prenant d'assaut les principales artères de la ville, causant consternation et stupeur au sein de la population. Un précédent qui s'est traduit par des assassinats, à leur domicile, de représentants des forces de sécurité, surpris chez-eux par les assaillants. Ben Gardane, en cette journée naissante du lundi, a ainsi donc bel et bien été, pendant de longues minutes, sous le contrôle des combattants de Daech, qui ont montré à la face du monde que désormais, il faudrait s'attendre à tout, à tout moment et partout. Et si les forces de sécurité ont pu reprendre le contrôle en lançant une riposte sanglante qui a fait 36 morts parmi les assaillants, 11 parmi les forces sécuritaires tunisiennes et 7 civils tués, reste que le mal est fait ; leur vigilance a encore une fois été trompée par la monstrueuse machine de guerre de l'EI, qui crie désormais à qui veut l'entendre : «Dormez sur vos deux oreilles !». Le bilan de ce lundi est lourd, très lourd ; il vient ainsi mettre la puce à l'oreille des autorités de toute la sous-région, leur rappelant encore une fois que nul n'est à l'abri des menaces mutantes des groupes terroristes. D'où la nécessité de mettre en commun les moyens de lutte autant que les renseignements pour faire face au fléau du terrorisme, qui n'épargne aucun Etat. La réaction de la Tunisie est une réaction de colère qui s'entend jusque dans les propos du chef de l'Etat : «Le peuple tunisien est, dans son immense majorité, en guerre contre cette barbarie et ces rats que nous allons exterminer», a lancé le président Béji Caid Essebsi. Mais plus qu'une immense majorité, comme souligné par le président, le peuple tunisien, touché et meurtri par l'attaque de ce lundi, est - sans aucun doute - dans toutes ses composantes, à l'exception des fous conquis aux plans monstrueux de Daech, déterminé à lutter contre la barbarie d'une autre époque qui caractérise les attaques de l'Etat islamique. Le Maroc, grâce à l'expertise de ses forces de sécurité, a pu déjouer plusieurs plans terroristes, tant au niveau national - notamment avec le démantèlement de la cellule djihadiste qui projetait des attaques à l'arme biologique, et avant elle cette autre qui préparait « un vendredi noir » dans le Royaume - qu'international avec notamment sa collaboration avec les services français, danois, espagnols et bien d'autres encore. Il faudrait donc qu'au niveau de la région Maghreb, cette expertise soit mise au service de la sécurité partout où besoin sera, à travers une collaboration interétatique qui saura transcender tous les enjeux quels qu'ils soient, afin que la préservation de la sécurité des populations soit la priorité, et que la paix et la stabilité des Etats de la sous-région, face à l'expansion de l'EI, soient, avant tout et partout, les prérogatives à mettre en avant. Sans une telle initiative, Daech restera une menace qui pourra frapper partout et à tout moment, comme en ce lundi 7 mars, lorsque Ben Gardane s'est réveillée dans la stupeur et la consternation.