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L'écriture ou la recherche d'une identité introuvable
Publié dans Albayane le 10 - 02 - 2016

Que pourrait-on penser de ces chercheurs d'or toujours acharnés sur leur gisement intime ? Gisement formé de personnages, lieux, situations, matériaux linguistiques et de je ne sais quoi d'autre encore de technique ou d'artistique... Ces solitaires infrangibles, parfois égoïstes à outrance, ces rêveurs jamais revenus de leurs souhaits... J'entends par tout cet amalgame de mots : les écrivains.
Si vous comptez leur poser la question «pourquoi écrivez-vous ?», préparez-vous à voir votre gorge se déployer de rire ! Eh bien oui, car vous aurez affaire à des semblants de silhouettes qui vous donneront parfois «des réponses dérisoires ou cyniques», comme nous l'expliquait Claire Delannoy au tout début du chapitre "Pourquoi j'écris" dans son essai, Lettre à un jeune écrivain.
La question n'est pas moins dérisoire que ne le seront les réponses. Dans notre vécu, nous n'avons pas tendance à demander à un coureur fidèle à son activité sportive pourquoi il court, ni non plus à un peintre pourquoi il dessine, et cela bien qu'ils accomplissent, tout comme l'écrivain, un travail répétitif et généralement non rémunéré.
C'est à partir de cette simple comparaison que la singularité de l'acte d'écrire devient un peu plus claire. L'écriture est une entreprise unique en son genre. Elle provoque chez les autres une curiosité indomptable qu'aucun écrivain ne pourra éprouver pour lui-même dès qu'il réalisera ses premiers exploits dans le vrai champ de l'écriture. Ecrire est donc certainement «une entreprise difficile». Nous devons cette citation concluante à Fatima Mernissi.
Pourquoi donc écrit-on ? Aucune réponse capable d'étancher notre soif de comprendre. Seulement des délires qui soulèvent d'autres questions, à croire que la première, se trouvant à l'origine des suivantes, était une sorte d'interrogation "bactérienne". Oui, demander à un écrivain la raison de son activité d'écriture est une infection aiguë, dont le seul questionneur récoltera les méfaits. C'est comme si, pour une poule, on touchait à l'un de ses poussins. Et on sait combien le poussin est cher à sa maman poule. Elle le protège depuis l'œuf, et elle ne le laisse sortir à l'existence que dans une chaleur intime et des circonstances extrêmement rassurantes.
Des réponses improvisées par certains. Je retiens les plus en harmonie avec l'écrivain en tant qu'être humain s'identifiant à lui-même. Voilà donc Henri Michaux qui déclare : «J'écris pour me parcourir». Je me demande combien de fois il aura à le faire, à l'occasion de chaque ouvrage, et quelle découverte il fera de lui-même. Mais si l'on essaye de revenir à notre quotidien et réaliser combien de fois nous avons parcouru le chemin qui mène à notre travail, est-il toujours le même ? Non, à chaque jour son climat, sa chaleur, son remue-ménage, bref, ses questions existentielles...
Les boutades ne s'arrêtent pas avec Amélie Nothomb qui répétait elle aussi : «Je suis enceinte de mes livres». Quels beaux livres d'ailleurs ! A éprouver une certaine jalousie envers leur(s) supposé(s) père(s) ! Car la beauté de la progéniture hérite bien un peu du père... Voilà une femme qui sait bien éterniser sa fécondité et la propager jusqu'à l'être masculin lui-même, puisque l'acte d'écrire ne reconnaît pas le sexe. Il n'empêche que d'entendre pour la première fois ces dires-là, qu'un écrivain est enceint !... c'est un peu bizarre...
Qu'on s'arrête là, pour cheminer un peu vers la mienne, ma propre boutade, car je pense qu'il y en a une qui me concerne. Si je ne me trompe...
Je commencerai par une déclaration de Simone de Beauvoir : « La littérature apparaît lorsque quelque chose dans la vie se dérègle. » Sans hésiter, je gobe son idée qui a pris la forme d'une gorgée d'eau fraîche devant ma soif. Car je trouve également que les lettres viennent remédier à un déséquilibre psychologique d'origines multiples, même extrinsèques.
En l'écrivain, il y a toujours quelque effervescence, quelque chose de mouvant qui l'empêche d'être «ordinaire» comme les autres, même en dehors de son activité d'écriture. Ecrire prend pour lui la forme d'«une posture dans le monde, qui n'implique pas forcément l'acte d'écrire», comme vient de nous l'enseigner l'essai Dans l'intimité de l'écriture d'Omar Mounir.
L'on ne ressent que l'intimité quand on écrit, comme quand on a affaire à la question «pourquoi écrit-on ?» C'est une question que l'écrivain redoute énormément et il y voit même un ennemi offensant sa chasteté...
Mais où trône cette intimité ? D'où vient-elle ? Et pourquoi n'est-elle pas rendue publique comme le sont les œuvres ?
Toute chose humaine est à l'origine de l'identité de l'homme. Il y a ce que nous partageons en commun ou tout ce qui est nourri du commun, et ce que l'on croit propre au «moi», chose qui nous distingue des autres, comme l'empreinte digitale. Le premier est l'identité sociale et le second, l'identité personnelle.
C'est bien cette dernière qui a abrité l'intimité dont nous parlons, car elle est secrète, privée, voire « intime du moi », comme l'a bien qualifiée Clément Rosset, dans son essai Loin de moi.
Ce qualificatif, « intime », semble porteur de quelque découverte. L'intimité ainsi exprimée n'est rien d'autre qu'un faible que l'on a pour soi-même, pour son identité personnelle.
Rosset avoue dans un autre de ses essais, Le Choix des mots, qu'il écrit pour essayer d'y voir clair sur des sujets qui retenaient son attention mais qu'il ne parvenait à concevoir que confusément. Il a donc tout dit, mais confusément aussi. Pourtant, le vent qui souffle en lui fait de même pour moi. Je pourrais donc décortiquer cette confusion, pour qu'elle soit moins confuse...
Il n'est aucune merveille dans le monde qui puisse préoccuper un écrivain plus que lui-même. La solitude où il est plongé tout le temps en témoigne. La force du «je», même un peu social dont il use pour la consécration de sa position, corrobore cette constatation. Le gisement intime dont nous parlions au début n'est autre que l'identité personnelle de l'écrivain lui-même. Et «l'égocentrique» essaye, à coup sûr, de se définir à travers son texte, en commençant par son identité sociale, avec ses lieux, ses temps, ses personnages... pour finir tant bien que mal dans la confusion.
Pour expliquer cette référence à une confusion, revenons, en effet, à Simone de Beauvoir, pour qui tout dérèglement provoque en l'écrivain un doute existentiel qui nécessite un retour sur soi-même, c'est-à-dire, ajouterai-je, une tentative pour se rassurer sur son identité personnelle, pour la consolider, puis permettre à l'identité sociale de se rétablir. C'est comme une sorte de remise en ordre des choses, le remontage d'un puzzle, une reconstruction. Or, pour foncer vers l'identité personnelle, on doit obligatoirement traverser les couches de l'identité sociale, de la plus récente à la plus ancienne, comme des strates, jusqu'à tomber sur l'identité personnelle, au fond du gisement, car celle-ci est supposée être là, dans ce «jusqu'au bout» exprimé par Kundera. Elle est comme un trésor caché, antique, daté de l'instant de la naissance de l'écrivain, avant qu'il n'ait un nom, avant même qu'il ne se soit tenu dans l'espace ni qu'il ne soit inscrit dans le temps. C'est comme une photographie échappée à toutes les circonstances, perdue dans des archives, ou mutilée ou encore effacée, mais à laquelle on croit dur comme fer. Ainsi est l'identité personnelle : lointaine, introuvable même, mais le long forage qu'entreprend l'écrivain à sa recherche nous fait découvrir ce qu'on appelle le Roman (ou toute création faite selon l'art du roman, y compris quelques nouvelles et films). Action extraordinaire expliquée par Kundera : «L'homme veut révéler par l'action sa propre image, mais cette image ne lui ressemble pas. Le caractère paradoxal de l'action, c'est une des grandes découvertes du roman. »
Je considère donc que seuls les romans qui se font comme une gageure de la découverte de l'identité personnelle méritent le succès, à l'instar de L'Alchimiste très connu de Paolo Coelho, se mettant en quête de ce que l'auteur appelle sa «Légende personnelle», et qui, à mon sens, n'est pas loin d'être son identité personnelle.
«Chaque fois que se produit une crise d'identité, c'est l'identité sociale qui est la première à "craquer " et à menacer le fragile édifice de ce qu'on croit éprouver comme le moi ; c'est toujours une déficience de l'identité sociale qui en vient à perturber l'identité personnelle, et non le contraire comme on aurait généralement tendance à le penser», renchérit Rosset. Mais est-ce que le héros de Paolo Coelho a vraiment retrouvé sa légende personnelle ? A-t-on jamais rattrapé son identité personnelle quand on a décrit et narré son identité sociale dans un roman ? Non, jamais cela ne pourra se réaliser. A moins qu'on ne s'oublie.
C'est pourquoi les écrivains ne cessent de dépendre de leurs mots, leurs étoiles diurnes ! En vérité, on ne fait que forger son identité sociale à travers les personnages, dans le dessein de tomber sur le supposé soi-même, chose, il est vrai fantomale, ainsi que le dit encore Rosset : «L'identité personnelle est ainsi comme une personne fantomale qui hante ma personne réelle (et sociale), qui rôde autour de moi, souvent à proximité mais jamais tangible ni attingible ». L'essence d'un roman est pour cela identique à celle de l'identité personnelle de son auteur. Dans un entretien au Magazine littéraire, Carlos Fuentes expliquait : « Le roman est comme un fantôme du monde que l'écrivain est seul à voir ». C'est-à-dire que le roman, dans sa tentative de cerner l'identité personnelle de l'écrivain, finit par échouer. Ainsi la vraie chute est-elle bien celle de l'écrivain ! Elle correspond à mon sens à la réussite du roman à faire échouer son auteur, à le faire aboutir ne serait-ce qu'à une confusion, à l'acculer au fond d'un labyrinthe, à ne jamais le laisser en somme rattraper son identité personnelle... A peine l'écrivain tend-il la main pour toucher son image que celle-ci disparaît. Le bon roman serait-il donc celui qui triomphe de son auteur et le fait cheminer vers sa vraie chute ?
Mohamed Ouissaden est né en 1979 à Taliouine (Maroc). Juriste de formation et diplômé de l'Ecole nationale d'administration (ENA) de Rabat, il est l'auteur d'un livre juridique et de plusieurs romans, notamment «Le tapis rouge » publié aux Editions Marsam en 2013 et qui a remporté le prix 2M pour la création littéraire. Il est également l'auteur d' «Amina la chamelle» paru également aux Editions Aïni Bennaï en 2013 et «Ainsi parlait Shéhérazade» publié aux Editions Marsam en 2015.


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