Rabat, capitale des lumières et des arts, vibre aux rythmes de la musique d'ici et d'ailleurs. C'est sous le signe des sonorités de l'Afrique et du Moyen-Orient que le bal de la 2e édition du Salon professionnel des musiques a été donné mercredi soir, au théâtre national Mohammed V, en présence des professionnels de l'industrie musicale et des mélomanes. En ouvrant ses portes mercredi dernier, «Visa for music» a invité le public à un voyage artistique et musical sans frontières et sans visa. Dans la salle archicomble du théâtre Mohammed V, le musicien Saïd Chraïbi a livré les beaux morceaux de son répertoire puisant dans la musique arabo-andalouse. Une ouverture qui a été poétisée musicalement par le chanteur Blick Bassy venu tout droit du Cameroun pour charmer le public présent et faire découvrir son art aux professionnels de la filière. Son style, à mi-chemin des sonorités modernes et du patrimoine musical camerounais, a fait bouger les mélomanes présents dans la salle. Le public a profité entre autres des moments de dégustation musicale, en voyageant musicalement avec les rythmes du groupe colombien Créole et du groupe égyptien Cairokee. C'est une tradition voire un rite annuel : rendre hommage aux figures qui ont marqué le champ musical international. Le geste de reconnaissance et de gratitude envers les figures de proue du monde musical oblige. Pour sa 2e édition, Visa for music n'a pas voulu déroger à la règle. Lors de cette inauguration du salon, des hommages ont été rendus à plusieurs artistes dont le chanteur Aziz Sahmaoui. Une figure emblématique du domaine musical qui a contribué à l'enrichissement du paysage musical marocain, africain et mondial et a collaboré avec plusieurs artistes du Moyen Orient, d'Afrique et d'ailleurs. Fidèle à sa vocation en matière de promotion de la musique et des arts, le Conseil international de la musique pour la promotion des droits musicaux a décerné cette année le prix «Five Music Right Awards» à «l'European Choral Association-Europa Cantat» et à la «Chorale Fayha». Organisé sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI, ce salon professionnel unique en Afrique et au Moyen-Orient œuvre pour la promotion de la filière musicale en donnant plus de visibilité aux artistes africains et ceux du Moyen-orient à travers le monde. C'est une plateforme professionnelle qui réunit les professionnels du domaine pour profiter davantage de la créativité et de la richesse artistique en Afrique et au moyen Orient. «Visa for music est un salon professionnel à l'image des grands salons professionnels qui existent à travers le monde. Ce salon, dès la première édition, s'est positionné comme l'un des premiers salons en Afrique et au Moyen-Orient. Nous voulons que ce salon continue à grandir et à travailler, en partenariat avec les autres salons professionnels qui s'organisent en Afrique pour que l'Afrique ait sa place dans les spectacles organisés en dehors de l'Afrique», indique Mohamed Amine Sbihi, ministre de la culture, au journal Al Bayane. Al Abayane : Peut-on parler d'un véritable marché musical au Maroc ? Mohamed Amine Sbihi : Le marché professionnel de la musique au Maroc est en formation. Un marché de la musique ou du moins, la filière musicale suppose beaucoup d'aspects, entre autres une création musicale. Celle-ci est tributaire de la créativité. Il suppose également des sociétés de production qui accompagnent les créateurs et qui assurent la diffusion de leurs produits ainsi que le soutien des pouvoirs publics et du ministère de la culture. Par ailleurs, il nécessite des outils pour faciliter la commercialisation, l'exportation des produits musicaux ainsi que l'existence des entrepreneurs de spectacles et des tourneurs qui organisent des tournées à travers le Maroc et à l'international. C'est cela un marché musical, sans oublier bien entendu les points de vente des CD, le positionnement sur le numérique et sur le streaming, des produits marocains. C'est en effet l'ensemble de ces composantes dont a besoin la filière musicale et c'est dans ce sens que s'inscrit l'approche du ministère de la culture. Nous travaillons sur l'ensemble de ces composantes pour que demain, nous ayons un réel marché musical. Nous travaillons avec plusieurs partenaires engagés, surtout des producteurs musicaux, diffuseurs, radios privées...pour la mise en place d'un véritable marché de la musique. Nous sommes sur la bonne voie. Cela va nécessiter du temps parce plusieurs éléments manquants ne permettaient pas à ce marché de se mettre en place. J'espère qu'à court terme nous pourrons parler d'un véritable marché musical marocain. L'augmentation du soutien au secteur de la musique (10 millions de dirhams en 2015 contre 15 millions de dirhams en 2016) va-t-elle mettre ce secteur sur de bons rails ? C'est un aspect. Parmi les composantes de cette filière, il y a également le soutien des pouvoirs publics. Celui-ci est passé de moins de 3 millions de dirhams en 2012 à 15 millions de dirhams en 2016. L'industrie culturelle, d'une manière générale et musicale, en particulier est une industrie à risques qui a besoin du soutien des pouvoirs publics. Bien entendu, les entreprises qui travaillent dans le secteur musical doivent également investir pour créer un véritable marché. Pour le prolongement de ce salon, y a-t-il un accompagnement des artistes marocains ? Pour sa première édition, le salon a fait des chiffres intéressants : 4 millions de dirhams de ventes de produits comme première estimation. Cette deuxième édition permettra d'avoir des retombées professionnelles plus grandes. On peut déjà prévoir que la deuxième édition générera des chiffres de près de 10 millions de DH de vente de produits qui seront présentés lors de ce salon. Au-delà de cela, le salon a programmé des mini-concerts de 30 /45 minutes. Il y en a 4 ou 5 par soirée, ce qui permet aux professionnels présents dans les salles de spectacle et au contact du public de suivre ces prestations et de choisir ce qu'ils comptent promouvoir. Il y a également des rencontres dans une grande salle avec une quarantaine de tables et de chaises en vis-à-vis. Ces lieux de rencontre réunissent tourneurs de spectacle, producteurs et agents artistiques ou représentants des groupes qui peuvent trouver un terrain d'entente pour se produire à l'international et pour vendre un produit. Ainsi, les retombées professionnelles pourront être plus importantes d'année en année. Pour Brahim El Mazned, directeur de Visa for Music, le premier salon professionnel de la musique du Moyen Orient et d'Afrique se veut une plateforme pour les professionnels marocains afin de leur donner plus de visibilité à travers le monde. Il vise, notamment à créer un marché régional de la musique. Les propos. Al Bayane : D'où est venue l'idée de créer un salon professionnel de la musique au Maroc ? Brahim El Mazned : Ce type de rencontres existe un peu partout dans le monde, principalement dans les pays du nord. Le Maroc connait depuis une vingtaine d'années une mutation assez exceptionnelle dans son paysage culturel, avec des centaines de festivals. Nous invitons des artistes du monde entier mais notre présence à travers le monde reste assez timide par rapport à la richesse dont dispose le Maroc. Nous avons voulu créer ce projet pour qu'il soit une plateforme pour les professionnels marocains afin de leur donner plus de visibilité à travers le monde. Nous avons voulu aussi créer un marché régional pour accompagner les artistes d'Afrique et du Moyen Orient pour qu'ils puissent développer des projets, d'où l'intérêt de ce marché. Ce salon est un focus sur cette diversité ainsi que sur ces territoires, notamment de la région, qui connaissent une mutation assez incroyable et des turbulences. Les professionnels qui viennent des quatre coins du monde considèrent le Maroc comme une fenêtre vers ces territoires. C'est grâce à cette opportunité que cet événement a eu tant de succès auprès de l'ensemble des professionnels venus de part et d'autres du monde. Comment se positionne l'industrie musicale marocaine sur le marché mondial ? L'industrie musicale marocaine n'est pas encore arrivée à s'intégrer véritablement dans la mutation que connait le marché mondial. Aujourd'hui, on est passé du physique au téléchargement et maintenant, du téléchargement au streaming. Donc, il y a une mutation poussée par le développement numérique. Nous sommes obligés d'appartenir au temps moderne. Dans ce cadre, nous essayons d'accompagner les artistes et de leur donner plus de visibilité dans le monde. Cet accompagnement s'inscrit dans le cadre d'une diplomatie culturelle dont les retombées économiques touchent l'ensemble des acteurs culturels et l'ensemble de l'industrie au Maroc. Dans quelques pays, comme la Corée et la Colombie, certaines expériences dans le domaine musical ont eu des retombées intéressantes sur l'économie nationale. Avez-vous le chiffre d'affaires de ce marché au Maroc ? On n'en a pas malheureusement parce que ce secteur évolue dans l'informel. Donc, il est difficile de donner des chiffres exacts. En tout cas, nous concernant, les artistes qui se sont produits ici l'année dernière ont signé des contrats et se sont produits à des dates précises dans le monde. Cela donne un cachet et un rayonnement à la culture marocaine. On a chiffré ces retombées à presque 3 et 4 million de dirhams. C'est extraordinaire d'avoir de tels résultats dès la première édition.