Il est sept heures et demie. Il fait frisquet ce matin. Un essaim de citoyens attend désespérément ce «Toubiss» qui viendra ou ne viendra pas comme ces deux clochards qui attendaient Godot !... Qu'il vienne ou non, cela dépend de beaucoup de choses. Je ne voudrais surtout pas me risquer à essayer de les expliquer de peur de m'égarer dans les dédales impitoyables de l'administration publique!... Arriverons-nous à temps à notre travail, ce matin ? Moi, je n'ai pas les moyens de prendre un taxi, alors j'attendrai et ... advienne que pourra! Le voilà qui montre enfin sa gueule de monstre mécanique tonitruant au tournant, faisant le bonheur de tous ces gens. On pousse des ouf de soulagement, on se félicite, on sourit de joie. Les femmes ont même envie de pousser des youyous de bienvenue! ...On se prépare physiquement et psychiquement à la bousculade. C'est la ruée vers les places assises. Notre jeu matinal commence dans l'allégresse et la liesse collective. On joue à notre jeu favori «Pousse-moi, je te pousse!» : Rien ne vaut un joli coup de coude fraternel dans les côtes pour accueillir cette belle journée annonciatrice d'enthousiasme et de jovialité populaires ! Je prends une grande bouffée d'oxygène matinal avant d'être transporté comme une feuille morte, malgré mon poids impressionnant, par cette houle humaine vers le ventre du monstre. En une fraction de seconde, toutes les places assises sont prises par les experts en la matière et l'art de prendre et réserver des places... Ceux qui doivent rester debout regardent les « assis» avec jalousie et une envie apparente de les tuer !...De temps en temps, je tâte mon côté gauche pour m'assurer que mon portefeuille n'a pas disparu par la magie de quelques doigts prestidigitateurs dignes de participer au Concours International de Magie de Monte Carlo. S'ils y participaient, ils auraient aisément le premier prix puisque même la «bourse» du prince aurait disparu!...