De nombreux amis proches ou lointains ou d'autres, du Maroc et d'ailleurs, qui ont pu à un moment ou un autre s'intéresser à cette épopée du Festival et de son Forum, m'ont interrogé sur les raisons de mon départ de la Direction de la Fondation "Esprit de Fès". Cela est également le cas de la Presse à laquelle je n'ai pu, depuis quelques semaines, qu'apporter des réponses évasives. Il m'a semblé opportun d'y apporter une réponse depuis précisément qu'un nouveau Directeur, Tajeddine Baddou, vient d'être nommé. C'est aussi une forme de courtoisie que je dois à tous ceux, visiteurs, artistes, conférenciers et journalistes, et ils sont forcément nombreux, avec lesquels j'ai eu des échanges passionnés et fructueux pendant près d'un quart de siècle (j'avais organisé le premier événement, qui préfigurait la création du Festival des Musiques Sacrées, en 1991). Comme toute entreprise collective qui implique une certaine complexité d'organisation une telle aventure n'a pas manqué de tensions, de conflits, de divergences d'approches et de visions. Comment peut-il en être autrement ! Mais c'est aussi ainsi que l'histoire s'écrit à grande comme à petite échelle, dans cette dialectique des conflits et de leur dépassement. La raison, la seule, la vraie, est la sensation naturelle que cette vingtième édition venait clore pour moi une première phase de cette aventure qui en elle même est illimitée, ce Festival faisant désormais partie de la mémoire et du patrimoine de Fès et du Maroc. La Festival étant une propriété culturelle collective il est important que celui- ci puisse se perpétuer au- delà des personnes qui on en eu l'initiative et quel moment pouvait être plus propice que celui d'une édition qui semblait être comme un rappel de toutes les autres sous le titre emblématique (inspiré de l'œuvre de Attâr) :" Conférences des Oiseaux; lorsque les Cultures voyagent". Cette même vision philosophique et spirituelle du Festival fut exprimée à travers la création, marocaine (sans y voir le moindre chauvinisme) , de la soirée d'ouverture. Cette soirée même et sa réussite, saluée par tous, est le résultat d'une expertise et d'un savoir-faire que l'évolution de cette aventure de Fès a permis d'atteindre. Un livre aussi a été édité à cette occasion, qui en vingt mots clés vient jalonner, non pas la chronologie événementielle mais celle, intellectuelle, réalisée un thème après l'autre au fil des années. Un beau livre qui restera aussi comme un témoignage vivant de l'aventure d'une intelligence et d'une vision collectives. C'est le Maroc selon moi, en particulier ce Maroc du Roi Mohammed VI où une telle liberté de créer existe et est encouragée , dans le cadre d'une effervescence de la société civile où les initiatives peuvent avoir le temps d'être semées, de fleurir et de porter leurs fruits qui rend de telles aventures possibles. J'aimerais aussi dire mon profond respect et toute mon amitié à une personne qui m'est chère et avec laquelle nous avons développé ce projet à coups de "désaccords féconds". Je veux parler de Mohammed Kabbaj, qui a toujours accepté avec courage de prendre des risques lorsqu'il pensait que le résultat en valait la peine, et qui m'a toujours impressionné par son sens de la responsabilité et de l'engagement. Il sera peut être le premier étonné de cette attestation mais Mohammed Kabbaj fut pour moi, toutes ces années durant, une véritable école de vie et je l'en remercie profondément. J'aimerais souhaiter un plein succès à l'équipe actuelle, le nouveau Président Abderrafih Zouitene, qui s'est saisi de cette nouvelle fonction avec passion, le nouveau Directeur l'Ambassadeur Tajeddine Baddou, qui est un ami très cher et de longue date , un homme de culture qui a déjà réalisé de très beaux projets et dont je sais qu'il apportera à celui de Fès une amplitude et une richesse supplémentaires et à Ali Benmakhlouf, désormais Directeur du Forum de Fès , qui a su initier des passerelles , à un niveau profond, entre pensées d'Orient et d'Occident. Il faut saluer et remercier bien d'autres personnes avec lesquelles se sont créés des liens de travail et d'amitié essentiels. Je ne peux le faire ici mais ils se reconnaîtront. La Simurgh est encore loin mais les Oiseaux de Attâr continuent de voler pensant sans doute à cette parole de Faulkner qui disait que " notre rêve doit être assez grand pour ne pas le perdre de vue en cours de voyage.