Une soirée émouvante que celle vécue, samedi dernier, dans un grand palace d'Agadir. De bout en bout, le grand public de la région a été emporté dans l'univers du propos impétueux et de la mélodie percutante. Envoutée par des moments marquants, l'assistance avait la chair de poule, en compagnie des prestations mémorables. Le frémissement des sens était au paroxysme, cette nuit-là, dédiée par l'omniprésent conseil régional des droits de l'homme, conduit de main de maître par l'éminent enseignant-chercheur Mohamed Charef, président de cette instance. L'idée de gratifier tout ce parterre d'intellectuels, d'artistes et d'acteurs associatifs et de droits humains, autour de la thématique centrale, «Littérature derrière les barreaux», était géniale, au regard de cette affluence accrue et de cet engouement enivrant. En effet, après les douces et fringantes exhibitions du luthiste émérite, Driss Maloumi, très connu pour ses talents à ce niveau, la communauté du Souss avait rendez-vous avec le chantre engagé, Said El Maghribi qui, tout au long de cette rencontre conviviale, avait sorti son répertoire du bon vieux temps de ce qu'on appelait communément les années de plomb. Face à cette intarissable ferveur du verbe rutilant et du son fastueux, l'audience, fortement ensorcelée, vacillait les bras au ciel et les slogans fulminants à souhait. Une à une, les belles litanies du chansonnier marocain déferlaient sur cette ambiance bon enfant, forçant la nostalgie et la réminiscence qui résonnent encore dans les entrailles et bourdonnent aux tympans. «Ce sont ces chansons sincères et vibrantes qui ont amené les jours améliorés que nous vivons aujourd'hui !», martelait Said El Maghribi qui venait d'achever le fabuleux «échange» entre la mère du martyr et le bourreau de son fils. Il est bien évident que, depuis, les temps ont changé, mais il n'en demeure pas moins vrai que ces instants enflammés et ardents que Mohamed Charef du CRDH, organisateur de cette sympathique manifestation, en collaboration avec ses partenaires, nous a fait savourer cette soirée-là, ont suscité, en fait, une exaltation émotive et charnelle d'une intensité rubiconde. Comme l'a si bien expliqué le responsable de cette structure régionale des droits de l'homme, cette activité vise à faire appel au passé si atroce pour en tirer les conclusions qui s'imposent, en matière des droits civiques des citoyens, quels que soient leurs registres. La culture et le patrimoine que les détenus politiques avaient légué, durant leur séjour atroce dans les geôles, servent, effectivement, de matière à réflexion pour bannir, à jamais, les tyrannies attentatoires aux droits de l'homme. Quoi qu'on puisse dire sur les positions et les idées de cette souche séquestrée et flagellée, des années durant, et que l'amour de la patrie avait animé sans cesse, le legs des phases de ces oppressions assassines est toujours vivant dans une société tolérante et réconciliatrice. Saluons très vivement Mohamed Charef et ses collaborateurs pour nous avoir fait vivre ces moments exquis qui renvoient à ce passé générationnel douloureux, mais combien fondateur des édifices et de valeurs du Maroc actuel! Bravo Si Mohamed !