Adonis s'épanouit à Agadir Mohamed Charef, président de la commission régionale des droits de l'homme et Leila Errhouni, présidente du forum Founoun, étaient comblés, ce soir-là au palais des roses, d'avoir réussi leur fabuleux coup. Celui de faire venir à Agadir la sommité incontestable de la poésie universelle, Adonis. Ils étaient des centaines de «chanceux», intellectuels, chercheurs, artistes, étudiants... qui ont pris d'assaut l'enceinte du palace pour savourer les moments somptueux que leur a offerts cette idylle emblématique de la modernité. De bout en bout, le souffle fut retenu, face au charme, à l'ensorcellement et à l'admiration. L'instant était beau et unique. Il ne pouvait pas mieux tomber! La 4e manche du festival Founoun des poésies marocaines aura donc levé la barre tellement haut que son chef de file, Leila Errhouni, obnubilée par le faste qui s'empare des sens, bute sur le nom de son collègue, Hassan Wahbi, pertinent témoin de la circonstance qu'Adonis agrémentait à merveille. Epaté par la sublimité fringante et joviale de l'invité de marque, le narrateur ruisselant exhibait, avec envoûtement, les mille et un tours de prestidigitations du radieux invité. Auparavant Salah El Ouadia, un autre témoin de taille, fredonnait son exaltation en ces termes : «D'habitude, le poète écrit pour soi-même, mais Adonis, lui, écrit pour nous, en nous, à travers nous !». Et c'est toujours un immense plaisir d'écouter cet érudit. Comme disait Garcia Lorca, «la poésie s'annonce et s'énonce, celle, transcrite n'a pas d'âme», conclut-il, d'un lyrisme frémissant. Et puis trône sur la scène vermeille, avec vista et majesté, l'homme tant attendu, sous une rafale d'ovations de l'audience guillerette, sur les pointes des pieds. Adonis était bien là, en chair et en os, balbutiant, de long en large, des compliments à toutes ces amours. Les mots lui faisaient défaut pour rendre la monnaie de la pièce de toutes ces convives. «Tout espace non «féminin» ne compte nullement», s'esclaffe-t-il, devant cette marée pléthorique de femmes dont la salle bonde à craquer. Et, comme les éloges de reconnaissance ne lui suffisaient, il sortit de ses entrailles une métaphore exquise à l'adresse de la cité adoptive «Relève-toi et danse avec les pieds d'Agadir !». Toute la salle se met debout et acclame l'illustre instigateur, aux regards profonds et furtifs. Après quoi, dans un silence bouillonnant, le poète égrenait, avec fascination, le chapelet de la magie sensuelle. Le verbe tonnait tel le massif rocailleux, mais l'image captivante se faufilait dans les cœurs, pareille à l'eau de roche. Adonis maniait magistralement la complicité de l'idéel et de l'idéal. La splendeur de l'expression, sous ses diverses facettes, est au paroxysme ! Le texte et le contexte ne font plus qu'un, chez le vieux routier des antagonismes féconds. «Plus Adonis est pluriel dans la mosaïque de l'univers, plus il est uni dans la clarté de la vision», disait l'autre. On ne peut trouver mieux que de sacraliser la caravane des droits de l'homme que revigore Mohamed Charef, pour des lendemains enchanteurs où le bonheur est plénitude.