La réforme du marché du travail, en vigueur en Espagne depuis son approbation par décret – loi par le conseil des ministres quelques jours seulement après l'accès au pouvoir du Parti Populaire (PP, conservateur) est mise, à partir de jeudi, à examen au congrès des députés pour adoption. Ce qui est certain est que cette réforme, bien qu'elle soit violemment critiquée par les syndicats et les partis de gauche, sera adoptée sans difficulté grâce surtout à la majorité absolue dont dispose le PP et le soutien de partis régionalistes de droite. Le débat sur la réforme intervient à un moment où l'Espagne compte plus de 4,7 millions de chômeurs, dont près de 220.000 immigrés marocains, et le nombre d'affiliés à la Sécurité Sociale est à son plus bas niveau. De même, l'économie espagnole risque d'entrer en récession au cas où la destruction de l'entreprise continue se poursuit selon le même rythme. D'autant plus, avec la détermination du gouvernement de ramener le déficit public à 5,4% du Produit Intérieur Brut (PIB), il serait impossible pour l'économie de récupérer un signe positif. L'austérité appliquée aux dépenses des gouvernements régionaux, principaux promoteurs des grands projets et de l'emploi n'aidera nullement l'entreprise à créer de l'emploi. C'est la raison pour laquelle, la ministre de l'emploi et de la sécurité Sociale, Fatima Banez, a défendu, lors de son intervention jeudi matin au parlement, cette réforme en sollicitant un vote majoritaire et la présentation d'amendes pour améliorer son contenu. Son argument se base sur le fait que l'Espagne traverse «un moment exceptionnel» et le devoir d'œuvrer ensemble pour récupérer le rythme de croissance et de l'emploi. Selon elle, il s'agit d'une réforme «complète et équilibrée» conçue dans « l'intérêt général» et vise à freiner le chômage. L'attitude de l'opposition socialiste est claire puisque son porte-parole à la chambre basse, Soroya Rodriguez, qualifie la réforme de «très mauvaise», qui «crée de l'emploi précaire» et réduit les droits des travailleuses en limitant, par exemple, les congés de maternité et le droit de lactation pour les femmes. Le décret de loi, mis en application par le gouvernement, apporte plus de souplesse à l'heure de déterminer les montants de salaires et l'horaire de travail. Il crée également une nouvelle figure de contrat pour l'entreprise de 50 travailleurs qui engagent des travailleurs de moins de 30 ans et prévoit des bonifications en cas d'engagement de chômeurs de longue durée. Elle ouvre la porte devant l'entreprise et les travailleurs pour pouvoir négocier leurs conditions en périodes de difficultés, garantit la formation, modifie les contrats à temps partiel et clarifie les causes de licenciement tout en réduisant les indemnités en cas de rescision de contrat. L'attitude de l'opposition de gauche au parlement s'explique par l'absence d'effet immédiat de la réforme dans la création de l'emploi puisque le gouvernement avait, la semaine dernière, estimé que 2012 connaîtra 600.000 nouveaux chômeurs et que des travailleurs titulaires pourraient être remplacés par des saisonniers avec moins de droits. La réforme, selon l'opposition, réduit la capacité de négociation des travailleurs et des syndicats face à l'entrepreneur en cas de conflit social. Les socialistes comptent présenter un amendement à la totalité de la réforme et proposer une alternative s'inspirant de la réforme élaborée en 2010 par l'ex-gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero. Ce qui attire l'attention, dans la bataille en relation avec la récupération de l'emploi, est que l'Espagne a connu 52 réformes depuis l'adoption du Statut des Travailleurs en 1980.La crise que vit actuellement l'Espagne n'est pas fortuite mais obéit dans une large mesure au changement de tendance enregistré par les politiques adoptées par les pays les plus avancés. L'évolution du marché du travail en Espagne durant le dernier cycle économique (1995 -2007) a permis la création d'un important volume d'emploi, raison pour laquelle il n'était pas cohérent de défendre une rigide régulation de l'emploi. Lorsqu'en 1980 fut adopté le Statut des Travailleurs pour instituer un cadre légal des relations professionnelles, l'Espagne comptait deux millions de chômeurs (chiffres de 1981), soit 13,6% de la population active. Ce chiffre est passé à trois millions en 1985 (21,5%). La réforme de 1984 a accordé plus d'importance au travail à temps partiel. En 1992, lorsque les premiers indices du chômage commencèrent à apparaître (trois millions : 17,7%), le gouvernement adopta une nouvelle loi pour faire face aux dépenses entraînées par le paiement d'indemnités de chômage. En 1997, fut signé un accord entre le gouvernement, le patronat et le syndicat sur la stabilité de l'emploi et à partir de 2001, entre en jeu une nouvelle législation sur la baisse de l'indemnité pour licenciement et l'accès aux prestations de chômage. En 2007, est adoptée une loi organique pour l'égalité effective entre femmes et hommes. La crise économique a poussé le gouvernement à recourir à des mesures visant à réduire le déficit public tout en encourageant la souplesse dans les relations professionnelles et les prestations pour chômage. En juin 2010, ont été adopté par décret royal des mesures d'urgence pour la réforme du marché du travail. Un dernier décret a été approuvé par le gouvernement socialiste en juin 2011 sur les réformes urgentes pour la promotion de l'emploi des jeunes, le développement de la stabilité dans l'emploi et le maintien du programme de requalification professionnelle des personnes qui ont épuisé les indemnités de chômage.