n pleine crise économique et sociale, le gouvernement, les syndicats et le patronat en Espagne ont laissé de côté leurs divergences idéologiques et intérêts politiques pour s'entendre, autour d'un grand Pacte Social et Economique qui a été cautionné solennellement, mercredi à Madrid. Ce pacte, qui a été atteint à l'issue d'une longue période de gestation, a été dicté par une sensible conjoncture, le pragmatisme et la nécessité de doter le pays d'un nouveau modèle économique et social qui protégerait l'entreprise, la main d'œuvre et les jeunes en quête d'un emploi contre de futurs désastres économiques. Il va aussi servir pour préparer de meilleures conditions d'adaptation au marché du travail pour les immigrés, particulièrement les Marocains, employés dans des secteurs utilisant une nombreuse main-d'œuvre peu qualifiée ou sans qualification. Le pacte constitue un chantier ambitieux pour englober la réforme des Retraites, la réforme des politiques actives d'emploi et de la formation professionnelle, la négociation collective, la politique énergétique et la politique de l'investissement/développement/innovation (I+D+I). “C'est un accord destiné à ranimer la croissance de l'économie, de l'emploi et de garantir les pensions”, a indiqué une source proche de la Présidence du gouvernement espagnol. C'est aussi un accord qui est le fuit d'un consensus et efforts déployés par les parties signataires “parce qu'il enrichit les réformes, mises en marche, par les réflexions, idées et positions exprimées par les syndicats et les entrepreneurs pour progresser ensemble”, a ajouté la même source. C'est enfin un accord qui corrobore “l'engagement réciproque à l'égard des réformes (adoptées) et leurs objectifs » afin de pouvoir “vaincre les défis » qu'affronte l'économie espagnole et « donner confiance » aux citoyens, travailleurs et investisseurs. Une série d'accords ont été atteints d'un seul coup, un résultat qui paraissait irréalisable il y a quelques mois lorsque les syndicats avaient appelé (29 septembre 2010) à une grève générale pour protester, précisément, contre la politique sociale du gouvernement socialiste. D'abord, la Reforme des Politiques Actives d'Emploi consiste à préparer les personnes en chômage pour améliorer leurs conditions d'accès au marché du travail par le biais de la formation et l'orientation de cours de formation vers des activités offrant davantage d'opportunités d'emploi. Au plan professionnel, cette réforme apporte une réponse aux besoins des entreprises. Les services de Recrutement relevant de l'Institut National de l'Emploi (INEM) seront de leur côté dotés de meilleurs instruments pratiques dans leur mission d'aider le travailleur à accéder à un emploi et répondre aux besoins exprimés par l'entreprise. Un « plan de choc » sera mis en application, en 2011, pour encourager le recrutement des jeunes de moins de 30 ans et les chômeurs de longue durée, ainsi qu'un programme pour la « requalification professionnelle et l'aide économique » au profit des personnes qui ont épuisé leur indemnité de chômage, dont une aide de 400 euros (4.400 DH environ). L'accord sur la Formation Professionnelle est en concomitance avec la précédente réforme puisqu'il a pour objectif de garantir au moins, dans quelques années, à 85% des jeunes une formation professionnelle moyenne. A titre d'exemple, des études internationales signalent qu'en 2020, seules 15% de l'emploi en Union Européenne seront réservés aux personnes sans qualification professionnelle. Parmi les mesures à prévoir, dans cette réforme, l'on retient particulièrement l'élargissement de l'offre de la formation professionnelle on-line de niveaux moyen et supérieur, qui sera portée de neuf cycles actuellement à cent cycles pour la prochaine année, à partir de septembre. Le volet de l'Accord global relatif à la Politique industrielle et énergétique a pour objectif de générer de l'emploi par le renforcement du poids de l'industrie dans l'économie, et instaurer un croissement durable à long terme. Enfin la Réforme des retraites Les concertations sur la « Réforme du système public des retraites » ont été les plus ardues, les plus dures et les plus compliquées depuis l'annonce, début 2010, par le gouvernement socialiste de promouvoir une série de réformes afin de juguler la crise socio-économique. Il devait faire face à la fois à la contestation des syndicats et aux critiques de l'opposition aussi bien de gauche que de droite. L'accord, cautionné mardi par le gouvernement et les acteurs sociaux, a pour objectif de renforcer le système des retraites pour relever les défis pour les prochaines décennies aux plans démographique et social. De manière, a expliqué une source proche de la Présidence du gouvernement, la réforme devra « éliminer toute sorte de risque de déséquilibre financier, garantir les pensions à l'avenir, et instaurer un climat de tranquillité et de confiance en l'Etat du bien-être et en un des meilleurs systèmes des retraites d'Europe ». Cette réforme est dictée particulièrement par le vieillissement de la population et le prolongement de l'espérance de vie en Espagne, deux facteurs qui rendent indispensable de porter l'âge légal de départ à la retraite à 67 ans. Toutefois, il sera possible de cesser l'activité professionnelle à 65 ans avec un 100% de la pension lorsque le travailleur aura cotisé à la Sécurité Sociale pendant 38 ans et six mois. La retraite à l'âge de 67 ans garantit une pension complète après avoir cotisé pendant 37 ans. Les travailleurs qui exercent des activités considérées comme « dangereuses et pénibles » ainsi que les mères qui ont été obligées d'interrompre la vie professionnelle pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants, peuvent partir à la retraite avant d'atteindre cet âge. La retraite anticipée interviendra à partir de 63 ans (contre 61 ans actuellement) sous réserve de l'application d'un coefficient réducteur à condition d'avoir cotisé à la sécurité sociale un minimum de 33 ans. En situation de crise, les travailleurs peuvent exceptionnellement cesser leur activité professionnelle à partir de 61 ans et 33 ans de cotisation à la sécurité sociale. En tout cas, pour avoir droit à une pension, le travailleur devra verser ses cotisations à la Sécurité sociale pendant au moins quinze ans. Cette durée sera portée graduellement à 25 ans pendant une durée transitoire de dix ans. La reforme vise à améliorer l'action d'assistance et de protection du système de la sécurité sociale en améliorant les pensions minimales des retraités d'âge avancé qui vivent seuls telles les pensions de retraite, d'incapacité ou de veuvage. Il s'agit du “premier accord social depuis la restauration de la démocratie auquel sont parvenus le gouvernement et les interlocuteurs sociaux en pleine période de crise », a commenté une source officielle proche du gouvernement dans une note parvenue à Al Bayane. Pour les secrétaires généraux des centrales syndicales, Union Générale des Travailleurs (UGT) et Commissions Ouvrières (CC.OO), le Pacte économique et social représente une opportunité pour combattre la crise économique et pour récupérer la confiance des travailleurs et des familles. Le Pacte constitue, en fin de compte, un gain politique pour le gouvernement socialiste, réduit son isolement sur la scène politique et apaise le climat social devant le mécontentement des travailleurs et les chefs d'entreprise.