Le FC Barcelone (Barça) est passé des joutes sportives à un débat politique, vendredi, à la suite de la présentation publiquement par Sandro Rosell, sa démission de la présidence du club. Bien qu'il ait expliqué ses motifs lors d'une conférence de presse, jeudi à Barcelone, les médias ne paraissent pas convaincus de sa version. C'est la raison pour laquelle, les programmes d'analyse de l'actualité politique aux télévisions en ont fait, vendredi, un thème central de leur menu de la matinée. Télé Cinco, TVE 1 et Antena 3 ont converti leurs plateaux en forums de débat avec la participation de journalistes et experts réputés pour leurs analyses politiques pour décortiquer le discours de Rosell. Leur objectif est de placer la démission de Rosell dans le grand débat sur le duel Barça-Madrid ou le conflit entre le gouvernement central de Mariano Rajoy et le gouvernement catalan (Generalitat) en rapport avec les aspirations à l'indépendance en la Catalogue. Les trois grandes télévisions espagnoles d'audience nationale reflètent, à travers cette initiative, un climat d'opinion créé autour du Barça et animé par les médias opérant à partir de Madrid, particulièrement la presse sportive. Dans leurs interventions, certains participants reprochent aux dirigeants du Barça leur implication dans le catalanisme pour défendre des positions nationalistes. D'autres ont proposé de crucifier le président de ce club pour avoir réussi à engager «à n'importe quel prix» Neymar. Rosell a justifié, jeudi, sa démission de son poste de président du Barça devant l'assemblée extraordinaire du club pour les menaces dont fait l'objet sa famille et une «injustice et téméraire accusation d'appropriation illicite» ainsi qu'à une plainte déposée près l'Audience nationale en rapport avec le contrat d'engagement de Neymar Jr. Ce contrat, qui est «correct», a-t-il dit, a provoqué «une déception et une jalousie chez certains de nos adversaires». Selon lui, durant les quatre ans à la tête du Barça «nous avons vu comment nos succès sont le résultat de gains sur les terrains mais aussi les nombreux obstacles extra-sportifs, politiques, externes et internes ». L'écho dans la presse est plus grand. Dans un précédent inédit, les journaux d'audience nationale édités à Madrid en ont fait un thème central, reléguant à un second plan (ou ignorant carrément) les grandes questions préoccupant l'opinion publique. C'est le cas de la publication des résultats de l'Enquête sur la population active (EPA) du 4e trimestre, les derniers chiffres sur le chômage ou les débats parlementaires. La démission du dirigeant d'un club est ainsi devenue une priorité pour les conseils de rédaction des grands journaux d'Espagne. Un simple coup d'œil aux titres de la Une de ces journaux suffit d'en avoir une idée. «La pression judiciaire pour le contrat d'engagement de Neymar provoque le départ de Rosell», titre sur quatre colonnes El Pais. ABC, proche du gouvernement et des cercles conservateurs, consacre sa première page au même sujet en écrivant : «Rosell Démissionne pour n'avoir pas mentionné 37 millions d'euros au contrat d'engagement de Neymar». El Mundo va plus loin et titre à la Une : «Un autre signataire des contrats de Neymar succède à Rosell» alors que La Razon écrit dans toute sa première page : «Rosell, hors jeu». La presse sportive emboite le pas aux journaux d'information générale. Les quotidiens sportifs édités à Madrid, qui se sont spécialisés dans l'apologie du Réal Madrid, se frottent les mains. Ils trouvent dans le départ de Rosell un nouvel argument dans leur croisade pour critiquer le style de jeu du Barça, le comportement de Messi avec ses co-équipiers ou l'arrogance des Catalans. En face, la presse sportive catalane n'est pas restée les bras croisés. Fidèle à sa conception de travail de réserver de grands espaces dans sa superficie rédactionnelle au Barça et à ses joueurs, elle opte pour un style sarcastique dans ses répliques à ses homologues madrilènes. Marca, quotidien des sports édité à Madrid, consacre la Une à un seul titre : «Rosell s'enfuit, le scandale reste». Réputé pour être la caisse de résonance du Réal Madrid, Marca crée un précédent en ignorant totalement le reste de l'actualité sportive en Espagne. Il annonce, en filigrane, que l'affaire n'est pas close. Avec des termes plus modérés, As titre à la Une : «Rosell démissionne sans dire pourquoi». Mundo Deportivo, édité à Barcelone, réplique à ses homologues madrilènes en publiant à la Une les motifs du départ du président du Barça accompagné d'un titre en deux mots. «Rosell démissionne». Sport, l'autre journal catalan des sports, parle de «Neymargate» et titre tout simplement en première page : «Rosell abandonne». L'agenda médiatique précède généralement l'agenda politique. Avec l'éclatement de l'affaire Neymar, l'opinion publique se trouve en Espagne (et ailleurs) incapable d'établir le lien entre le débat politique dans lequel sont impliqués de grands journaux, de sérieux analystes et hommes politiques, et la démission du président d'un club de football. Le cas Rosell est intervenu à un moment où les rapports entre le gouvernement central à Madrid et celui de la Catalogne sont tendus à cause d'un éventuel référendum sur l'indépendance de cette région autonome. D'autres arguments peuvent être retenus, mais ce qui est certain c'est que cet amour-haine entre Madrid et Barcelone ne date pas d'aujourd'hui. Pour le reste des régions autonomes, il s'agit d'un divertissant jeu que les médias madrilènes et catalans perfectionnent à des fins commerciales.