Le derby Barça-Real Madrid, disputé lundi dernier au Nou Camp de Barcelone, a éclipsé en l'espace de quelques heures le reste des événements en Espagne en provoquant un large débat au niveau des supporters des deux clubs, des plateaux de télévision et studios de radio et de la classe politique. Le score inscrit à la fin du match (5 buts à zéro en faveur du Barça) invite à l'analyser soit comme une large victoire du FC Barcelona soit comme une grande défaite du Real Madrid. Dans les deux cas, le résultat relance le débat sur les styles de jeu et tactiques adoptés par les entraîneurs des deux clubs, Josep Guardiola et José Mourinho, mais aussi sur le duel entre les deux stars du football mondial, Léo Messi et Cristiano Ronaldo. Le résultat est suffisant pour notifier la suprématie du football créatif et la valeur du jeu collectif. Fidèle à son jeu offensif, le FC Barcelone a appliqué son habituelle tactique basée sur trois défenseurs, quatre milieux de terrain et trois avants-centre. Le Real Madrid a entamé le match avec quatre défenseurs, trois milieux de terrain, deux avant-centre et une pointe. En deuxième mi-temps, avec un score de deux buts à zéro en faveur du Barça, le Real Madrid a aligné une défense à cinq en faisant reculer de quelques pas Di Mari, un efficace passeur de balles. La bataille, au niveau tactique, a été jouée au milieu de terrain. Grâce à des joueurs habiles, tels Iniesta, Xavi et Alves, le Barça a pu neutraliser la ligne d'attaque madrilène en privant Ronaldo des passes décisives que lui servaient habituellement Xavi Alonso, Di Maria o Ozil. La ligne de défense a été, de son côté, assiégée constamment par la ligne d'attaque formée par Messi, Pedro et Villa, des joueurs qui sont capables de s'infiltrer dans la surface de réparation grâce à de courtes et rapides passes. Les cinq buts encaissés par le Real Madrid ont été finalement le résultat d'un jeu collectif et de shoots des derniers mètres des bois gardés par Iker Casillas. Le Real Madrid avait entamé le match comme leader avec un point d'avance sur le Barça, et, la pleine conviction de donner le coup de sacre à la Liga en creusant la différence en points avec son immédiat adversaire. Son coach, José Mourinho, a voulu rééditer la tactique qui lui permit d'éliminer, la saison dernière, le Barça de la Champion´s League, alors entraineur de l'Inter de Milan. En montant une défense en ligne avec cinq éléments, il a sacrifié son milieu de terrain en créant une profonde fosse entre la défense et la ligne d'attaque. Karim Benzema et Cristiano Ronaldo, qui recevaient dans de précédents matchs une infinité de passes, ont été en fin de compte isolés et sans possibilité d'avancer la balle au pied. Au plan tactique, la défaite du Real Madrid (ou la victoire du Barça) peut servir de leçon à tout entraîneur. Le jeu créatif est la recette magique. D'autres clubs, de moindre audience que le Real Madrid, avaient donnée du fil à retordre au Barça puisqu'ils avaient opté pour la construction du jeu entre ses trois lignes (défense, milieu de terrain et attaque). Ni le marquage individuel, ni le marquage de zone des joueurs talentueux tels Messi ou Cristiano Ronaldo, ne sont des méthodes efficaces face au jeu collectif. Le résultat du match (ou clasico) a surpris, en outre, les amateurs du foot ball mais également les commentateurs connus pour leur objectivité. A la « une » de la presse sportive d'Espagne, les titres suffisent pour former une idée de l'impact du match sur l'opinion publique. Marca, le journal des sports le plus lu et le plus vendu en Espagne, titre : « trop de Barça » et compare ce club à « une machine » de foot ball. As, autre grand journal des sports de Madrid, titre : « Submergés de buts et désarticulés » et note que Le Real Madrid était « absent » et « sans âme » face au festival de buts monté par Xavi, Pedro, Villa (2) y Jeffren. Sport, un quotidien édité à Barcelone, titre : « 5-0 : humiliation » et rappelle qu'il y a 16 ans, le Barça avait gagné le Real Madrid sur un score identique, le 8 novembre 1994, lorsque Romario avait inscrit trois buts, Koeman et Iván Iglesias, un but chacun. Mundo Deportivo écrit en titre : « Bain pour le Madrid » et qualifie la victoire du Barça d' « œuvre maitresse au Nou camp ». En l'espace de quelques heures, les Espagnols ont laissé de côté leurs préoccupations pour la crise économique, le chômage ou les discours crispés échangés entre les socialistes et les « populaires ». Les rues de la capitale sont restées désertes sans piétons ni véhicules. Dans un café à Madrid, où Albayane a pu prendre le pouls du Match, les clients étaient divisés entre deux clans adversaires. Débordement de passion, insultes lancées à l'dresse de l'arbitre ou explosion de joie. Chacun des deux clans essayait d'exhiber son enthousiasme pour son propre club. Pendant deux heures, l'ambiance était chauffée à blanc. Les buts qui pleuvaient sur les bois gardés par Casillas furent célébrés avec des gestes d'impuissance et de désolation par les supporters du Real. De l'autre côté, les supporters du Barça, et aussi, ceux de l'Atletico de Madrid, l'autre grand club rival des « blancs », les accueillaient avec davantage de commande de boisson et de plats préparés. Il était impossible d'engager un dialogue avec les uns ou les autres. Les commentaires lancés au hasard par cet échantillon de public suffisaient pour juger de l'importance que représente le derby pour les espagnols. Au sifflet final du match, tout est entré dans la normale. Les fans des deux clans sont revenus à la réalité, la dure et la vraie, et ont pris des chemins séparés pour rentrer chez eux. Les écharpes, frappées aux symboles du Barça et du Real, ont disparu pour annoncer que l'euphorie du derby est terminée. L'analyse du jeu et des conséquences du résultat est aujourd'hui l'affaire des entraîneurs et des commentateurs aux médias.