Espagne-Rétrospective 2013 Parmi les indicateurs d'évaluation de l'état de santé économique dans tout pays, sont retenus le niveau du pouvoir d'achat de ses citoyens, une offre du marché du travail supérieure à la demande et une comptabilité nationale saine et équilibrée. L'Espagne a malheureusement, échoué dans ce test pour ne pas remplir toutes ces conditions en 2013. En ces jours de fête de fin d'année, les Espagnols ont émis le vœu que leurs enfants trouvent un emploi, qu'il n'y ait plus de hausses tarifaires et que leurs revenus s'améliorent. Ce sont d'innocents souhaits que toute personne puisse formuler dans un pays immergé dans une crise qui dure depuis 2008. Un coup d'œil sur les indicateurs macroéconomiques, les effets des réformes structurelles adoptées par le gouvernement et les rapports des institutions publiques sur l'érosion des revenus des ménages décrivent un environnement économique qui résiste á sortir de la zone des turbulences. Comme conséquence, la grogne citoyenne s'est emparée de la rue et l'indignation s'est généralisée unissant, à la fois, diverses catégories sociales. Les étudiants protestent contre les réductions des budgets du ministère de l'éducation, de l'université et des stages mais aussi contre la diminution des bourses d'études et de la recherche. Des personnes en blanc et vert (médecins, infirmiers et cops paramédical) rejetant la privatisation de la santé, manifestent aussi fréquemment. Les scènes de délogement de force de simples citoyens de leurs appartements pour défaut de paiement d'hypothèque, occupent quotidiennement des espaces dans les télé-journaux et presse écrite et programmes radiophoniques. L'emploi, une récurrente préoccupation L'enquête sur la population active (EPA) du 3e trimestre révèle que le dernier bilan du chômage du mois de novembre et les registres de la Sécurité sociale (janvier-novembre) corroborent un marché de travail qui est loin d'absorber une bonne partie des personnes en quête d'un emploi. En dépit des multiples réformes et mesures adoptées par le gouvernement, 2013 sera bouclée avec 126.700 nouveaux sans-emploi au moment où les chômeurs de longue durée (ou chroniques) ont augmenté de 12,5% (EPA). Le sort de l'Espagne passe, en outre, par la récupération en force et plus rapide du marché du travail. Bien que ce marché ait un comportement positif depuis la fin de l'été, ce qui est certain est qu'il ne sera en mesure de créer de l'emploi qu'à partir du moment où le Produit Intérieur Brut (PIB) commence à croître de son côté d'au moins de 1%. Les résultats de l'EPA du 3e trimestre révèlent que l'occupation s'est réduite à un rythme annuel de 2,7% en 2013 contre 4,7% en 2012. Jusqu'à fin novembre, le chômage avait légèrement baissé mais en octobre dernier il y avait déjà 4.808.908 de chômeurs, un chiffre inférieur à celui du même mois de l'exercice précédent. Le secteur public a toutefois vécu une destruction de l'emploi de l'ordre de 3,6%. L'emploi dans le secteur secondaire a chuté, pour sa part, de 6,6%. Certaines branches industrielles ont par contre créé de l'emploi, telles le papier, la chimie, les plastiques ou les équipements électriques. Devant la persistance du chômage chronique, l'Etat a dû réduire la rubrique destinée aux prestations de chômage de 6,29% par rapport à 2012 et ramener les fonds réservés au développement de l'emploi à 3,771 milliards d'euros (- 34,64% par rapport à 2012). La timide accélération de l'emploi pendant les deux derniers mois (octobre – novembre) n'est qu'un simple mirage. C'est le résultat de l'augmentation du travail à temps partiel de 4,1% et des postes d'emploi de moins de 30 heurs e 3,8%, deux variables du travail précaire, qui ont maquillé les chiffres. Dans l'étude générale du marché professionnel, il est indispensable de se référer à des sources fiables et quantifiables. De ce fait, sur les 22,7 millions de personnes actives (16-65 ans) seules 16.623.200 sont occupées alors que les autres 5.904.700 sont en chômage (25,9%). L'Espagne a atteint ce chiffre comme conséquence d'un rythme accéléré de destruction de l'emploi depuis 2008, année où le pays comptait 2.174.200 chômeurs (13,9% de la population active). Pour avoir une idée de l'hécatombe du marché du travail, il faut remontrer à 2005 où il y avait 2.099.00 sans-emploi, soit seulement 8,7% des personnes actives sans emploi. Ce processus va suivre une courbe ascendante : 2008 (2.174.200: 13,9%), 2009 (4.010.700 : 18,8%), 2011 (4.910.200 : 22,9%), 2013 (1er trimestre 6.202.700: 27,2% ; 2e trimestre 5.977.500: 26,3% ; 3e trimestre 5.904.700: 25,9%). Comme conséquence directe, 636.000 ménages espagnols sans aucune source de revenus (2e trimestre de 20013), contre 353.300 en 2008. Dans l'ensemble, la vague de chômage a balayé 3,8 millions de postes de travail depuis 2008 De même, le Produit intérieur brut (PIB) per capita s'est situé au 3e trimestre à 20.200 euros alors qu'il était de 21.800 en 2017, un an avant le début de la crise, plaçant l'Espagne en tête de l'Union européenne en termes de chômage (le double que celui des autres grandes puissances économiques dans la zone). La dernière EPA et les registres des Instituts de l'emploi ont également apporté d'autres précisions en la matière selon lesquelles près de la moitié des 5.904.700 chômeurs sont de longue durée pour avoir perdu leur emploi depuis plus d'un an. Autre conséquence à tirer de la persistance du chômage : sur les 17,3 millions de ménage recensés en Espagne, le nombre de ceux dont tous les membres sont sans emploi s'élève à 1,8 million. De même, selon l'EPA, il y a 4,5 millions de ménages qui ne comptent aucun actif et dépendent dans leur majorité des pensions de retraite. Selon les registres actualisés de la sécurité sociale, les affiliés sont constitués de 82% de salariés et 18% d'entrepreneurs autonomes (dont plus de deux millions n'ont aucun salarié à leur charge). La majorité des travailleurs salariés dépend du secteur privé (13,9 millions) ou du secteur public (2,8 millions). A cause de la mise en marche de réformes gouvernementales pour réduire le déficit public, 336.000 fonctionnaires ont été licenciés en 2013, soit 67,5% du total des emplois détruits. Les finances vont bon train La société espagnole contemple avec stupeur les contradictions provoquées par la crise du fait que le secteur bancaire se porte bien. La lecture des bilans de comptes de janvier à septembre des grandes entités bancaires révèlent que les bénéfices de Banco Santander ont progressé de 77,2% par rapport à 2012. Elle est devancée par sa concurrente, la BBVA, qui a amélioré ses bénéfices de 85,8% et CaixaBanc de 164,5%. La même tendance est connue chez les entreprises électriques (Iberdrola et Endesa surtout) qui vont boucler l'exercice de 2013 avec des taux de bénéfices supérieurs à ceux de leurs homologues en Europe. Les grandes entreprises cotisant à la Bourse de Madrid ont, en général, augmenté de 9% leurs bénéfices en moyenne. De la même manière, les entreprises du bâtiment sont en mesure de se frotter les mains devant la progression de 30% de leurs chiffres d'affaires grâce surtout à leurs opérations à l'étranger. L'Espagne paraît comme alors une locomotive à deux vitesses. La crise a attisé les disparités régionales en divisant le pays en une Espagne riche et une autre moins riche. Les derniers comptes de la Comptabilité régionale, rendus publics jeudi par l'Institut espagnol de la statistique (INE), établissent la radioscopie d'un pays attrapé dans des contrastes avec dix communautés autonomes (gouvernements régionaux) dont le niveau de régression de l'économie a été supérieur à 1,6%, ce qui a conduit à la baisse de leur richesse. A titre d'exemple, l'économie de la région de Castille-La Manche a reculé de 3,1% et celle de l'Estrémadure de 2,8%. Ce sont deux régions réputées pour leurs activités agricoles et avaient connu un grand mouvement de constructions. Dans l'autre extrême, les Baléares enregistre un taux de croissance économique de 0,8 % et la Galice 0,9%, deux régions à vocation touristique et de pêche. Toutefois, le Pays Basque compte le PIB per capital le plus haut avec 30.430 euros par habitant, suivi de Madrid (28.906 euros/ habitant) et Navarre (28.491 euros/ habitant). En face, d'autres régions se maintiennent loin de la moyenne nationale du PIB per capital (qui est de 22.291 euros/habitant), telles l'Andalousie (16.739 euros/ habitant) et l'Estrémadure (15.129 euros/ habitant). Quatre régions espagnoles (Pays Basque, Madrid, Navarre et Catalogne), se placent au-dessus de la moyenne européenne qui est de 25.600 euros/habitant. Les vœux pour 2014 A quelques jours de la fin de 2013, le gouvernement espagnol a remis aux médias un document, intitulé «Deux ans de réformes», englobant des perspectives et bons espoirs de voir l'économie quitter définitivement la zone de la crise. Dans une conférence de presse, vendredi, Mariano Rajoy, président de l'exécutif, n'a pas hésité à dire qu'il «espérait que 2014 soit meilleure». Des indices jouent à sa faveur. L'Ibex-35 de la bourse de Madrid est sur le point de boucler l'année avec une hausse de 20% de transactions; le secteur des exportations est devenu la locomotive du commerce alors que le retour des investissements étrangers est devenu notable avec l'entrée de 200 milliards d'euros, alors qu'il y a un an, 45 milliards d'euros avaient quitté le pays. Si 2012 fut l'année des ajustements et de restructuration, 2013 a été celui des réformes mais 2014 sera l'année du «début de la récupération». C'est ainsi que Rajoy a résumé le bilan de l'action de son gouvernement. En dépit de ce message d'optimisme, la société espagnole n'est pas en mesure d'oublier les réductions budgétaires des rubriques destinées à la santé publique (-3,07%), l'éducation (-12,4%), des infrastructures (-13,5%), de la recherche scientifique et du développement (-1,24%) ni non plus la hausse de la dette publique (+33,76%). Déjà, le citoyen a été avisé des nouvelles hausses tarifaires qui affecteront en 2014 le reçu de l'électricité (+2,3%), le ticket du transport ferroviaire (1,9%) ou les péages aux autoroutes, (1,85%). 2014, sera-t-il réellement meilleure avec moins de licenciements de travailleurs, de réductions budgétaires et de chômage ?