Entretien avec l'artiste plasticienne, Halima Doua L'artiste plasticienne Halima Doua, vient de remporter l'un des prix de la peinture «Lorenzo il Magnifico» de la Biennale internationale de l'art contemporain de Florence. Ce prix a été décerné par un grand jur,y expert en critique d'art et en science de «beauté». C'est une vraie concrétisation de l'art et de la peinture marocains qui ont été vraiment honorés en Italie. Halima est une artiste autodidacte qui a suivi une formation personnelle en art, surtout en peinture à l'huile. Coté depuis 2010 par la grande maison française Drouot cotation, elle a exposé ses toiles à travers le monde, à Paris, New-York, Londres, Mulhouse, Lavandou et Creil, ainsi qu'au Maroc à Casablanca, Tanger, Tétouan, El Jadida et Rabat, et à la Bibliothèque nationale du Maroc en juillet 2012. La participation de Halima Doua à cette Biennale vient juste après son exposition lors d'une grande manifestation d'art contemporain sous le thème «l'Art est vivant» organisée par la maison des artistes de France au Grand Paris Montreuil Palais des congrès. Entretien. Al Bayane : Vous venez de recevoir le prix Lorenzo de la peinture de la Biennale internationale de l'art contemporain de Florence. Quel était votre sentiment à cette occasion? Et quel est l'apport pour votre expérience artistique? Halima Doua : Puisque c'était ma première visite à Florence, j'ai joint l'utile à l'agréable. Donc, pendant la semaine de la biennale j'ai profité de mon temps pour visiter la ville, ses musées et ses belles avenues et artères. Ceci à fait que ma présence à l'exposition à côté de mes toiles n'était pas permanente. Les membres de jury passaient plusieurs fois sans me rencontrer alors qu'ils cherchaient à qui appartient le travail. Et ce n'est qu'aux derniers jours, qu'une dame, en me croisant, s'est présentée comme étant membre du jury de cette édition. Elle m'a félicité pour mon travail. Pui nous avons entamé une discussion sur mes œuvres. Elle a ainsi présenté son avis critique et son impression sur l'ensemble des mes travaux. Sincèrement, en participant à cet évènement, j'ignorais qu'il y avait un prix et donc, j'ai pensé que c'était des simples félicitations comme celles des gens qui venaient discuter devant mes toiles. La veille de la cérémonie des prix, un monsieur est venu me féliciter sans se présenter cette fois, et a insisté à chaque moment en disant que ce que je fais est un grand art, et ce sans lever les yeux des toiles. Le jour de la cérémonie, c'était la découverte. Le monsieur était un des membres du jury et vu sa réaction et celle de la femme devant mes toiles, une un petit espoir de gagner un prix est né en moi. La peinture est la 4e section à présenter. On cite mon nom parmi les cinq gagnants. Mon cœur commence à battre fort surtout avec les applaudissements de l'audience. C'était un moment très fort, un grand moment. C'était pour moi un moment de reconnaissance réel de ce que je fais, et j'en avais besoin, d'abord pour moi. Une reconnaissance à mon art pour lequel je me suis beaucoup investie, avec des études et recherches, et aussi avec plein de sentiments d'amour. Vraiment c'était un grand moment car à travers l'expertise du jury dans la critique de l'art, j'ai pu évaluer la qualité et la valeur artistique réelle de mon travail, surtout que la concurrence n'était pas des moindres du fait que la grande majorité des participants était des enseignants universitaires des arts, des doctorants en art ou des artistes qui ont fait des écoles des beaux-arts. Le défi était grand, mais réussi. Comment avez-vous participé à ce prix ? Il y a juste une année, j'ai reçu un mail d'invitation pour participer à la présélection de la Biennale internationale de Florence qui sera faite par un jury. En cherchant sur internet j'ai pu évaluer l'ampleur de l'évènement comme étant l'une des grandes manifestations artistiques du monde. Donc, j'ai confirmé ma participation à cette pré-sélection. Et ce n'est qu'a la suite de la réception d'un mail m'informant que j'ai été sélectionné par le jury de la Biennale que j'ai entamé la démarche d'inscription pour participer. Vous avez fait vos études d'ingénieur d'Etat en génétique. Alors, comment êtes-vous venue au monde de la peinture ? Depuis mon enfance, j'étais attiré par toutes les formes d'art. Dès que je vois un magasin d'antiquité et d'art j'entre pour découvrir les sculptures, les toiles et aussi les meubles d'antiquités. Avec l'âge, j'ai commencé à visiter les expositions d'artistes chaque fois que l'occasion le permet et j'ai commencé à œuvrer dans tous les arts sans être engagée dans aucune discipline artistique. Ce n'est qu'après l'obtention de mon diplôme d'ingénieur d'Etat en génétique, et suite à la rareté d'emploi dans ce domaine, que j'ai travaillé dans le design paysager, du fait que ma qualité d'études me le permet aussi. J'ai commencé alors à pratiquer le dessin et à réaliser des plans de jardins en insérant les couleurs avec une habilité et créativité personnelles. Avec le temps et discrètement, la peinture est devenue mon univers. Comme qualifiez-vous votre conception d'art ? Je ne peux juger mon travail artistique, ni le rattacher à une école. On le rapproche au néo-impressionnisme, mais pour moi, c'est seulement une manière de m'exprimer, personnelle. Chaque toile constitue un voyage, une errance entre le rêve et le conscient. Mes sens se laissent absorber par la matière et la constitution progressive du dessin. Je trouve qu'il n'y a pas plus convaincant que les empâtements à l'huile pour faire communiquer dans des gestes simultanés la couleur et le trait. C'est vraiment une continuité à mes rêves et mes imaginations à travers des souvenirs lointains qui résistent dans mes profondeurs, surtout celles que j'ai passés dans un petit village de la province d'Errachidia, qu'on appelle Gourrama, il y a une vingtaine d'années, accompagnée de mon mari qui était affecté comme médecin dans ce patelin où on a vécu quatre bonnes années. Là-bas, tout est différent, un sentiment de choc au début qui s'est transformé en amour à cette vie simple et mature, pleine de respect et de sagesse et aussi d'une nature fabuleuse. Rien que marcher tout le long de l'oued de Gourrama fait rêver. Bref, c'est cette période et ces paysages, entre autre, qui se reflètent dans mes toiles, en tout cas pour moi. Quel regard portez-vous sur les arts plastiques au Maroc ? Personne ne peut nier que l'art et la conception d'art au Maroc ne cessent d'évoluer. Surtout ces dernières années, à travers des personnes qui se sont engagées avec tous leurs moyens et efforts pour réussir ce défi. On sent une effervescence de l'art qui touche de plus en plus toutes les catégories de la société marocaine de loin ou de près. Mais, on ne peut aussi nier que l'art au Maroc est nouveau, l'art plastique n'est pas une tradition, ce qui fait que notre marché d'art est trop jeune et donc encore fragile, surtout en l'absence d'une vraie vision professionnelle et d'une vraie critique basée sur les critères académiques de l'art, qui rendent service à l'artiste et à l'art en général. Qu'en est-il de vos projets d'avenir ? Après ces deux dernières expositions, Paris et Florence - surtout que les préparations mentales et matérielles prennent beaucoup de temps - c'est le moment de réflexions sur la création artistique.