Ali Yata (Suite) Un autre chapitre de la vie du lutteur s'ouvrit depuis que le pouvoir passa entre les mains de la monarchie légitime dès 1956. Ce furent d'autres mots d'ordre que lança le leader du Parti Communiste Marocain en position incontestée dans les instances dirigeantes régies par le principe du centralisme démocratique. Pendant plusieurs mois, entre 1957 à 1960, il fut en butte constamment aux harcèlements de la police et des tribunaux pour ne jouir que d'un répit relatif, rompu par l'interdiction, en juridiction d'appel, de ce parti qui fut le sien depuis le début des années quarante. Pugnace, le chef communiste ne baissa pas les bras, continuant avec ses camarades, dont les rangs se renouvelaient visiblement, à mener un travail patient mais soutenu dans le cadre d'une espèce de tolérance qui ne disait pas explicitement son nom. L'hebdomadaire «Al Moukafih» jouait un rôle non négligeable de porte-parole jusqu'à ce qu'il soit remplacé par ce «Al Kifah Al Watani» que le pouvoir ne supporta pas de voir l'influence s'affirmer et s'accroître spectaculairement - qui fut fermé à son tour par décision administrative. En 1966, après le fameux troisième congrès du P.C.M., tenu dans une stricte clandestinité, le Parti de la Libération et du Socialisme, après quelques années de cela, avait pris en fait la suite du P.C.M., avec l'élection à l'unanimité et la désignation de Ali Yata à sa tête. Le P.L.S. fut stoppé dans son ascension auprès d'une gauche en renouvellement par son interdiction brutale en raison du fallacieux motif de « reconstitution de ligne dissoute ». Cela lui valut, personnellement, un emprisonnement en 1969 avec une condamnation à dix mois de prison. Le P.L.S. ne put réapparaître légalement qu'après que le Roi Hassan II ait accordé une audience importante en septembre 1972, après laquelle Ali Yata put faire paraître les deux titres d'«Al Bayane» en arabe et en français pour qu'enfin en 1974 prenne place en toute légalité dans le paysage national le «Parti du Progrès et du Socialiste», héritier et maillon ultime de la lignée inaugurée des décennies auparavant par le fondateur Ali Yata, le flamboyant pionnier. Avec énergie et persévérance cette haute figure de proue de la gauche nationale s'installait à la place éminente qui lui était due, pour tout son passé de lutte opiniâtre et sa persévérance. Lorsqu'il fut décidé de bâtir les fondements de l'union institutionnelle entre les partis nés du mouvement national afin d'enraciner dans la nation, durablement et solidement, la culture du régime de la monarchie démocratique et constitutionnelle. Le lutteur militant, chef de file de la mouvance néo-communiste devenait incontournable. Il le restera, respecté et écouté par ses pairs jusqu'à sa disparition passant le flambeau à de dignes successeurs pour tenir le gouvernail du P.P.S. : à Ismaïl Alaoui puis à Mohamed Nabil Benabdallah, aux profils et caractères peut-être pas dissemblables mais réellement différents. Après la Marche Verte qui a ouvert la voie à la reprise de la vie parlementaire, Ali Yata fidèle à sa ligne pragmatique se fit élire, en 1977, député du premier arrondissement de Casablanca et le restera jusqu'à sa mort. Le membre de la Chambre des représentants, quand il était l'unique mandataire à siéger au nom de la mouvance d'extrême gauche, s'est rapidement imposé comme parfaitement atypique. Rompant avec une déplorable pratique de l'absentéisme chronique, Ali Yata s'est distingué pour sa part en respectant une présence de tous les instants, intervenant à propos de tous les sujets d'actualité ou de fond - trouvant même des créneaux pour se rendre, quand cela lui était possible, aux réunions spécialisées des diverses commissions. Il faut dire que le député qui nous intéresse ici a su notamment s'entourer en coulisses d'une équipe de militants aussi dévoués que compétents pour préparer et mettre au net les divers dossiers qui requerraient analyses fines et prises de position claires. La légende veut que le député ayant été une fois la seule personne présente sur les travées de la Chambre, avait tenu fermement à ce que la présidence de séance inscrive dans le procès verbal qui avait à faire lever formellement les travaux, prenant acte de l'absence de la quasi-totalité des élus, mais qu'il était lui-même peut-être solitaire mais n'avait pas fait défaut en ce qui le concerne. N'était le coup du sort qui a brisé un certain jour d'août 1997 cette vie exaltée, altruiste et pétrie d'abnégation, ce député solitaire appelé Ali Yata d'alors aurait été, n'en doutons pas, heureux et fier de voir le P.P.S. aligner au Parlement aujourd'hui, en 2013, deux dizaines de représentants portant le même fanion progressiste en un groupe organisé et cohérent. (suivra)