Entretien avec Ayad Lemhouer, fondateur et président d'honneur d'ATCAS Née d'un groupe social créé sur facebook par Pr. Ayad Lemhouer en septembre 2011, l'association «Tous contre l'abandon scolaire» (ATCAS) mène ses actions au profit des enfants des populations démunies dans les régions enclavées du royaume. Pr. Lemhouer, fondateur et président d'honneur de cette association, a bien voulu nous livrer plus d'explications en ce se sens. Al Bayane : Un mot sur votre association «Tous contre l'abandon scolaire". Comment et pour quel but a-t-elle été créée ? Ayad Lemhouer: Suite à la création d'un groupe social nommé «Tous contre l'abandon scolaire» sur facebook, un groupe qui compte actuellement plus de 13.500 membres, l'idée de créer une association a été initiée par les membres eux-mêmes afin de sensibiliser les citoyens à l'importance de la mission, et surtout afin de faire face aux nombreuses demandes d'aide et d'assistance émanant de différentes régions du Royaume. L'association TCAS est bien sûr à but non-lucratif, et s'inscrit dans l'effort national qui s'inspire des orientations de SM le Roi Mohamed VI, de promouvoir le sens de solidarité et l'esprit d'aide et de partage pour venir en aide aux populations démunies, pour lutter contre l'abandon scolaire et pour sensibiliser la jeunesse à l'importance de l'éducation et du sport tout en luttant contre les dangers du tabagisme, de la toxicomanie et de l'alcoolisme. L'idée de lutter contre l'abandon scolaire est aussi née de mon expérience personnelle, ayant failli en être moi-même victime, si ce n'était l'aide d'un bienfaiteur, et aussi de mon expérience dans le domaine du parrainage direct qui a permis à mes filleuls dans des zones isolées de continuer leurs études, et dont deux ont eu leur baccalauréat l'an dernier et poursuivent actuellement leurs études universitaires. Ainsi, et après la création du groupe TCAS, des dizaines de citoyens ont adhéré à l'idée, et de nombreux enfants sont actuellement parrainés dans différentes régions du royaume, dont Anfgou, Taridalt, Jbel Sarghou, et autres. Bientôt la rentrée scolaire, quelles sont les activités que vous envisagez organiser aux profits des enfants et des populations dans les zones enclavées ? L'association «Tous contre l'abandon scolaire» organise des actions à longueur d'année et dans toutes les régions du Royaume. Pour cette rentrée scolaire, nous venons juste d'inaugurer le centre socio-éducatif «Mohand U Hammou Alwarayni» à Douar Al Ansar, Maghrawa, Taza. Ce centre a été construit grâce aux dons des membres de ATCAS, et comprend deux salles de 50 m2 chacune sur une superficie de 400 m2, l'une dédiée à la réinsertion des filles déscolarisées et l'autre à la promotion de la femme rurale artisan de tapis. Le délégué du ministère de l'Education nationale de Taza, présent à cette inauguration, nous a assuré de son implication dans la mise en œuvre de programmes au profit des groupes ciblés pour les réinsérer dans les cycles de l'école publique. Des journées de sensibilisation aux aléas de l'abandon scolaire et aux méfaits du tabagisme et de la toxicomanie au profit des enfants et des populations sont programmées pour l'année scolaire 2013-2014. On peut citer SOS Village d'Enfants d'El Jadida prévu pour le 14/9/2013 avec la participation de la Fondation Mustafa Lakhsem, ACCESS, et d'autres associations membres de notre réseau associatif, Imouzzer Marmoucha, le 28/9/2013 et El Mers Boulemane le 29/9/2013, en compagnie de nombreux sportifs, avec une visite à l'école primaire de Douar Ait Lmane, réaménagée grâce aux dons des membres d'ATCAS, Nous avons de nombreuses demandes de diverses régions du royaume : Anfgou, Midelt, Imi N'oulawne, Ouarzazate, Tinghir, Chefchaouen, Laayoune, Azilal, et bien d'autres pour des journées de sensibilisation et pour la construction de centres socio-éducatifs et de salles de classe dans les douars isolés. Nous avons aussi programmé, à l'instar de l'an dernier, des journées au profit des enfants hospitalisés dans les CHU (Rabat, Fès, Casablanca). Où en est-on aujourd'hui en matière d'abandon scolaire ? L'abandon scolaire est à son summum au Maroc. Nous ne pouvons permettre que la situation empire. Près de 400.000 élèves quittent l'école chaque année pour une raison ou pour une autre, les conditions socio-économiques des familles étant la cause principale. On s'attendait à ce que le gouvernement actionne la Caisse de lutte contre l'abandon scolaire annoncée il y a plus d'une année. Malheureusement, rien n'a été fait. Nos actions restent insignifiantes par rapport à ce qui est fait par les instances gouvernementales, mais notre stratégie émane de notre conviction qu'il ne faut pas vivre dans l'attentisme et toujours espérer que tout soit fait par le gouvernement. L'éducation de nos enfants est un droit inaliénable. Leur droit est notre devoir, en tant que parents et en tant que citoyens. Notre approche à ATCAS est unique de par son aspect pragmatique : les besoins ressentis dans les régions isolées, en plus des routes et infrastructures de base, restent avant tout les moyens financiers pour faire face aux exigences de l'éducation et de la santé. Par conséquent, une aide matérielle est toujours la bienvenue de la part des bienfaiteurs, et l'édification de structures scolaires et socio-éducatives est une aide inestimable. Nos actions se concentrent, en plus de la construction, sur le parrainage direct des enfants sous condition qu'ils soient gardés à l'école, et ce en offrant une aide matérielle permanente - 500 à 600 dirhams par trimestre - aux familles démunies dédiée à la scolarité de leurs enfants. Notre stratégie de parrainage qui consiste en une aide directe et sans intermédiaire de parrain à enfant s'est avérée efficace et nous espérons que les Marocains y adhèrent, surtout que les besoins ne sont pas élevés, 160 dirhams par mois par enfant est une somme suffisante pour que l'enfant reste scolarisé. Dans ce cadre, quelles sont les principales actions qui ont été menées par votre association ? Nos actions se sont étendues, au-delà du parrainage, à la construction de locaux à usage scolaire et socio-éducatif, au développement de bibliothèques dans les établissements scolaires, à l'organisation de journée de sensibilisation au profit des élèves dans différentes provinces, au profit des enfants malades, etc. et à la contribution matérielle aux efforts d'autres associations. Il m'est difficile d'énumérer les actions entreprises sur ces deux dernières années, tellement elles étaient nombreuses. En plus du parrainage de nombreux enfants à travers le royaume et des actions multiples de sensibilisation à l'importance de l'école et du sport, on peut citer le développement de bibliothèques, notamment à l'hôpital pédiatrique de Rabat, dans un collège à Skhirat, au lycée de Guigou, au collège à Zrarda, à l'école à Boukhaled, la construction d'une salle de classe à Tisguiwilte Imi N'Oulawne Ouarzazate, un centre pour la réinsertion des filles déscolarisées et la promotion des femmes artisans à Tagourast, Maghrawa, Taza, l'équipement de Dar Talib El Mers en lits, draps, couvertures, rideaux, l'équipement d'écoles en ordinateurs et en encyclopédies, etc. Il est important de noter que nous n'avons jamais reçu ni subventions de l'Etat ni aide d'aucune organisation nationale ou internationale. Toutes nos actions sont financées parce que certains membres convaincus arrivent à prélever sur leur salaire ou sur leur pension, s'ils sont retraités comme moi. Nous sommes cependant assistés dans nos efforts par certaines associations nationales ou établies à l'étranger qui apportent leur contribution, et surtout par des sportifs, à citer Mustafa Lakhsem, Nezha Bidouane, Abdelouahd Chammami, Meriem Borja et d'autres, par des artistes peintres dont Khadija El Hattach, aussi présidente de ATCAS, Abdelilah Zokhrouf, Hammouda Zaoui et d'autres, par des bienfaiteurs dont Anissa Cherkaoui notre présidente d'honneur, Lahsen Boulahcen, Ilham Laraki et d'autres. Je tiens à exprimer ma gratitude à toutes ces personnes qui m'ont fait confiance, qui ont répondu à mon appel, et qui ont vite compris que la lutte contre l'abandon scolaire devient possible si on s'y mettait tous ensemble.