Subsahariens et Ramadan Le silence s'est abattu sur le quartier Douar Jafla à Rabat et ses environs depuis bientôt une demi-heure. Tous les jeûneurs se préparent à mettre fin à une journée ensoleillée marquée par l'abstinence alimentaire. Pour Adidjatou, Hamid, Aboubacar, Khadija et leurs amis, tous de nationalité guinéenne, ce moment se prépare de manière haletante. Les minutes s'écoulent, les secondes s'estompent, c'est bientôt la fin d'une autre journée de jeûne. Tous à la course du temps pour faire de ces heures de la nuit des moments de réjouissance, de discussions, de gaieté, de rassemblement, mais aussi de régal. Le rassemblement, l'ambiance familiale et la communion restent de mise pour ces subsahariens issus de divers horizons. Créer à tout prix une ambiance et une convivialité familiale pour dissiper toute nostalgie. Mettre tous la main à la pâte pour se faire un f'tour «comme au pays». Aboubacar confie : «En ce moment de ramadan, je passe la majeure partie de mon temps avec mes amis. Je passe le f'tour ici en compagnie de ma tante comme au pays pour lui apporter de l'aide dans certaines tâches, comme la plonge.» C'est la fin des préjugés, hommes et femmes se livrent à la manœuvre. Posté devant une gazinière, Hamid se charge de réchauffer habilement le «baghrir» et prépare la table qui accueillera les jeûneurs. Adidjatou assure la fin de la cuisson de sa bouillie à base de blé. Ce sont les derniers préparatifs. Il est 19h35, le muezzin fait l'appel à la prière. C'est l'heure de la rupture. Un moment très expectatif pour tous les musulmans et la communauté guinéenne de Douar Jafla en particulier. Hamid, Adidjatou, Khadija, Aboubacar et leurs amis sont tous réunis autour d'une table garnie de mets préparés pour la circonstance. Au menu, des crêpes, du baghrir, des chebakia, de la bouillie de blé d'origine guinéenne, des dattes. Quelques petits délices pour se préparer à consommer le plat principal du soir après les prières de «tarawih». Un emprunt à l'art culinaire marocain : du «Tfaya» et du «Sefa» au programme. Se réunir autour des délices de la cuisine guinéenne et de quelques plats marocains après une journée de jeûne reste pour ces subsahariens le moment privilégié de ce mois sacré. Adidjatou, étudiante en médecine, confie : «Le moment de rupture est un véritable moment de joie et de réjouissance. Chacun se défoule. Les blagues et les rires sont au rendez-vous. On n'oublie pas aussi l'aspect spirituel.» Le ftour est un rituel religieux, mais aussi un moment d'échange entre culture marocaine et culture d'origine. Une occasion pour renforcer davantage l'identité culturelle et transporter la Guinée à Douar Jafla. Témoignages Bouba Naoual, étudiante camerounaise en droit à la faculté des Sciences juridiques et économiques de Mohammedia. Al Bayane : Que signifie la période du Ramadan pour vous? Bouba Naoual : Pour moi, la période du ramadan signifie un moment de prière et de pénitence qui me permet de renouer avec Allah et surtout de purifier ma relation avec Lui. Suite à vos expériences du ramadan au Maroc, sentez-vous une énorme différence entre la célébration du ramadan dans votre pays et au Maroc? Après cinq ans au Maroc, je peux affirmer qu'il y'a une très grande différence entre le Maroc et le Cameroun dans la célébration du Ramadan. En effet, au Maroc, le Ramadan est plus difficile à cause des horaires. Ici, on jeûne plus longtemps qu'au Cameroun, mon pays natal. Par ailleurs, il y a d'énormes difficultés à jeûner étant donné le climat. Lorsque le ramadan coïncide avec l'été, cela devient plus éprouvant. A quoi vous occupez-vous pendant cette période de jeûne ? Comment vous divertissez-vous? Pendant la période de ramadan, on reste le plus souvent à la maison. La vie suit son cours habituel. On passe du temps entre TV, sites de chat : facebook, twitter, MSN. On s'occupe aussi à préparer le ftour. On se consacre à la prière. Le divertissement ne fait pas vraiment partie du programme de ce moment de recueillement. Quel est votre plat préféré du ramadan ? Pour la table du ftour, le tajine de viande reste mon plat préféré. oOo Ndiaye Kane Sarr, étudiant mauritanien en Master à la faculté des lettres et des sciences humaines de Ben M'sick. Al Bayane : Que signifie la période du Ramadan pour vous ? Ndiaye Kane Sarr : Le Ramadan est un mois béni. C'est un mois de paix pendant lequel le serviteur doit montrer à Allah, le meilleur de lui-même. Un mois de don, de générosité, de pitié et de solidarité. C'est aussi un mois qui permet aux Musulmans de se décharger de leurs péchés auprès du Tout Puissant Allah. Que pensez-vous du jeûne au Maroc ? Sentez-vous une énorme différence entre la célébration du ramadan dans votre pays et au Maroc? C'est ma première fois de jeûner en dehors de mon pays. Dès lors, la différence se fait ressentir énormément car la famille est loin de moi. En Mauritanie, la rupture se faisait en famille et dans une ambiance de convivialité. Ici, je vais la faire seul pendant quelques jours, donc ce ne sera pas dans la même ambiance habituelle. A quoi vous occupez-vous pendant cette période de jeûne? Ce moment est dédié à la prière et à la dévotion. Il ne me reste que 4 jours pour rentrer au pays. Donc en ce moment de ramadan, j'effectue des démarches administratives auprès de la fac et de l'AMCI (Agence marocaine de coopération internationale).