Il y a plus de trois décennies, un réseau de trafic de nouveau-nés s'activait entre Melilla et d'autres villes marocaines. Au moins 31 personnes sans scrupule formaient ce réseau comprenant des médecins, infirmiers et religieuses. Les victimes étaient bien ciblées et les «preneurs» étaient prêts à verser une contrepartie pécuniaire sans se soucier ni de l'origine du bébé, ni de son avenir ni des conséquences de leurs actes immoraux. Seulement, cette fois la «mémoire historique» a bien fonctionné et plusieurs instances ont réussi à dépoussiérer les dossiers d'au moins 28 bébés marocains qui ont fait le voyage clandestin entre le royaume et la péninsule ibérique avec de faux papiers et fausse identité et en compagnie de faux parents. Les mères biologiques ignoraient tout depuis le sort de leur progéniture. C'est un scandale qui a alimenté en l'espace de 48 heures les débats dans les medias espagnols mais fut immédiatement étouffé. Le mérite du démantèlement du réseau revient à la garde civile espagnole qui a remonté toute la filière en recoupant les données puisées dans les archives de plusieurs hôpitaux et registres civils depuis les années 70. Lors d'une conférence de presse, mercredi à Melilla, le commandant de la garde civile, Arturo Ortega, qui dirigeait l'enquête baptisée «opération occulte» a révélé qu'il a été possible d'identifier 14 des victimes, dont certaines ne se sont jamais rendu compte qu'elles étaient des enfants adoptés. Les présumés responsables de la trame étaient trois religieuses espagnoles, nées à Tétouan, dont deux résidaient à Melilla, et s'étaient spécialisées dans la localisation de couples incapables d'avoir des enfants, alors que la troisième se chargeait de repérer des femmes enceintes au Maroc. La trame marocaine de bébés volés, qui vient d'être démantelée par la garde civile, vendait les nouveau-nés. Les filles étaient plus cotées que les garçons de la part des acheteurs, selon les révélations des inculpés. Ceux-ci seront poursuivis pour une longue liste de délits, dont faux accouchement, détention illégale ou falsification de documents publics. La garde civile précise que 12 parmi les personnes recherchées sont décédées alors que d'autres sont d'un âge très avancé ou dans un mauvais état de santé. Selon la même source, trois membres du réseau qui étaient du personnel sanitaire sont également décédés. Sur les trois religieuses impliquées, une est déjà décédée.Tous les bébés étaient conduits à Melilla avant d'être envoyés dans la péninsule ibérique munis de faux documents avec l'apparence d'être des enfants biologiques des femmes qui les portaient dans leurs bras. L'enquête a été enclenchée à la suite de deux plaintes déposées près le procurer général de l'Etat par l'Association des victimes des adoptions irrégulières (ANADIR), fin novembre 2011.Les membres de la trame remettaient les nouveau-nés à des couples acheteurs en contrepartie d'une importante somme d'argent après les avoir emmenés d'une ville marocaine à Melilla. La transaction comprenait aussi un certificat de naissance délivré par un agent de santé ou par une autre personne prête à le faire moyennant 300 euros. De cette manière, il serait facile d'inscrire le nouveau-né dans le registre civil comme fils biologique. Deux voies étaient utilisées pour avoir un nouveau-né. Dans certains cas, les membres du réseau réussissaient à l'avoir à Melilla où ils bénéficiaient de la complicité des mères aux ressources bien limitées qui acceptaient de céder leur enfant en contrepartie de la promesse d'une vie meilleure ou simplement d'une bonne somme d'argent. Dans d'autres cas, les nouveau-nés provenaient directement du Maroc où le réseau disposait de contacts avec le personnel sanitaire et travailleurs d'hôpitaux des villes d'Oujda et Nador qui les aidaient dans la remise et le transport des nouveau-nés. Les premiers résultats obtenus ont permis, selon la garde civile espagnole, de se rendre compte de la coïncidence des noms de certaines personnes, dont des sages-femmes et médecins, dans les faits objet de l'enquête, et qui ont eu un rapport permanent avec les trois religieuses espagnoles nées à Tétouan. La garde civile a ainsi découvert que la trame avait acheté au moins 28 bébés au Maroc qui ont été introduits à Melilla pour être vendus par la suite à des familles espagnoles dans la péninsule ibérique dans les années 70 et 80 dans une opération qui a conduit à l'inculpation de 31 personnes, dont 12 sont déjà décédées. L'opération, supervisée par le tribunal de première instance de Melilla, est le premier pas accompli pour éclaircir la trame organisée qui se consacrait au trafic de bébésmarocains dans les années 70 et 80. Un des religieuses espagnoles, révèle la garde civile, a reconnu 28 cas localisés, dont 14 ont été identifiés à Valence, Malaga, Grenade, Palma de Majorque ou Las Palmas de GranCanaria. Certaines personnes identifiées ignoraient totalement qu'elles étaient des enfants adoptés, précise la garde civile. Affaire à suivre.