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La normalisation de la langue amazighe
Un principe inéluctable
Publié dans Albayane le 21 - 02 - 2013


Un principe inéluctable
Certains détracteurs de l'amazighité, pour justifier la politique linguistique d'exclusion de la langue amazighe durant des décennies, prétendent que les langues comme l'amazigh sont condamnées à disparaître du fait qu'elles ne répondent plus aux exigences de la société moderne. Une pareille allégation ne tient pas la route. Il faut bien constater que le recul d'une langue a des raisons essentiellement politiques.
Une langue se développe, ou dépérit, selon qu'elle soit prise en charge par l'Etat ou qu'elle reste à l'abandon, au gré des circonstances politiques ou idéologiques. Cette attitude de mépris de la différence culturelle et linguistique qui tente d'instaurer l'usage d'une langue et d'une culture uniques dans les frontières de l'Etat revêt en fait la forme concrète d'une politique linguistique et culturelle dite d'assimilation.
Depuis des décennies, la langue amazighe s'est trouvée cantonnée dans l'oralité, sans statut reconnu, refoulée vers des domaines de communications non institutionnalisées, et tenue à l'écart des institutions publiques. Son état actuel s'explique donc aujourd'hui. Son oralité, le manque de contact et d'inter compréhension entre les différents géolectes, son existence sporadique dans l'enseignement et dans les médias, son absence dans les domaines publics, ont eu pour résultat son recul et une forte dialectalisation qui se réalise grosso modo en trois variantes. Les conséquences de cette exclusion aujourd'hui sont de plus en plus graves. Dans certaines régions plus exposées géographiquement mais autrefois majoritairement amazighophones, la langue s'est appauvrie de tout un vocabulaire non communiqué, a introduit de plus en plus le lexique de la langue arabe (du français ou espagnol à moindre degré), jusqu'à s'atrophier et dépérir quelquefois. Dévalorisée, marginalisée, exclue de toutes les institutions publiques, maintenue dans cet état d'infériorité, l'ingurgitation de la langue amazighe est entamée et se fait plus rapidement de nos jours, sans doute davantage à cause de l'accélération due aux prodigieux moyens de communication. Simultanément un matraquage psychologique a consisté et consiste encore essentiellement à convaincre par tous les moyens les locuteurs de la langue amazighe que leur parler n'est pas digne du nom de Langue; mais que ce ne sont qu'une multitude de dialectes archaïques, pour les amener à y renoncer définitivement.
Notre langue amazighe est en danger
D'une manière générale, on peut dire qu'une langue est menacée dans sa survie dès qu'elle n'est plus en état d'expansion, dès qu'elle n'est plus transmise d'une génération à une autre, dès qu'elle n'est plus pratiquée quotidiennement pour les besoins usuels de la vie, et dans les domaines public et privé.
Cette menace qui pèse sur la langue et la culture amazighes est d'autant plus dangereuse que ses adversaires, après s'être farouchement opposés à son «officialisation» par la constitution en 2011, agitent aujourd'hui de nouveau comme un épouvantail, la «normalisation» de la langue amazighe. Ignorants tout du domaine des langues, ils se hasardent en s'improvisant linguistes ou didacticiens et avancent des arguments tellement absurdes qu'ils frôlent le ridicule. Toutes les langues du monde ont été normalisées et standardisées par une institution étatique, quand le pouvoir en place l'a décidé. L'arabe, le français, l'hébreu et bien d'autres. Cette normalisation est aussi un travail de longue haleine. Quand la langue amazighe a été introduite en 2003 dans le système éducatif marocain, la question de sa normalisation s'est posée naturellement aux chercheurs. Aujourd'hui que la langue amazighe est devenue langue officielle, c'est amplement à l'ordre du jour. L'unité de la langue amazighe étant indéniable et incontestable selon les spécialistes de l'amazigh. La tâche des linguistes et des didacticiens est de mettre en relief ce qui est commun et pertinent à l'ensemble des géolectes pour constituer ce qu'on nomme l'amazigh standard. La normalisation de la langue amazighe ne peut être que progressive, souple et convergente si l'on veut garantir aux différents géolectes leur vitalité et s'assurer de son appropriation par la société. Ce travail de longue haleine a démarré tout d'abord à l'école puis plus ou moins dans les médias et les espaces publics, et intégrera prochainement les institutions publiques. Contrairement aux dires de certains adversaires de la normalisation, la «langue amazighe standard» telle qu'elle est conçue par les linguistes et didacticiens, qui ont travaillé d'arrache-pied ces dernières années, n'est pas coupée de la réalité langagière des locuteurs, bien au contraire. A l'école primaire, cette démarche progressive se décline comme suit sur 6 ans :
- Lors des deux premières années de l'école primaire, on enseigne exclusivement dans une des trois variantes de la langue amazighe selon qu'on se trouve au nord, au centre ou au sud. La variante elle-même est standardisée par le biais de la synonymie et en utilisant le lexique de bases commun au niveau de chacune des trois régions. La culture de chacune des régions est mise en évidence. L'objectif est de ne pas couper avec le milieu social afin d'assurer une continuité
- Lors de la troisième et la quatrième année du primaire, on continue à enseigner dans une des variantes selon chacune des régions mais en s'ouvrant cette fois-ci vers les deux autres variantes, s'enrichissant ainsi par le biais de la synonymie, la variation lexicale et morphosyntaxique qui constitue une source de richesse qui doit être sauvegardée et transmise aux jeunes générations. L'objectif ici est de permettre l'intercompréhension entre les locuteurs des trois parlers et préparer à une normalisation de la langue amazighe.
- Lors de des deux dernières années du primaire, une initiation à une perméabilité inter variantes permettra une meilleure intercompréhension orale et écrite en utilisant à la fois des textes authentiques régionaux (poèmes, contes...) et des textes «standards» à base d'un ou l'autre des trois géolectes. Cette démarche implique dès le départ, l'adoption d'une même graphie standard, d'une même règle orthographique, d'un lexique fondamental commun, des mêmes formes néologiques, et d'une sensibilisation des apprenants aux variantes phonétiques, morphologiques et syntaxiques, le tout pour une meilleure approche équitable et convergente.
Au niveau collège et lycée, les apprenants, initiés alors à la langue amazighe normalisée, seront à même de lire et produire dans cette langue normalisée. Néanmoins, les variantes de la langue amazighe, portées par les expressions artistiques et culturelles régionales, resteront toujours vivaces comme le sont restées d'ailleurs les variantes arabes, face à l'arabe standard utilisé à l'école et dans les médias.
Le projet est d'abord marocain, pour des raisons de faisabilité seulement. Mais des relations de collaboration académique et universitaire en cours, avec des chercheurs amazighs d'Algérie des universités de Tizi ouzou et Bejaïa, des chercheurs touaregs du Mali et du Niger et des chercheurs amazighs de Libye, avec des projets à moyen et à long terme qui englobent toute l'aire amazighophone en Afrique, sont en train de se mettre en place pour construire un meilleur avenir pour notre langue amazighe en péril dans plusieurs de nos régions.
Mais encore une fois, il est toujours bon de le répéter : la normalisation d'une langue est l'apanage des spécialistes comme cela l'est pour l'arabe, le français, l'espagnol et toutes les autres langues. Néanmoins, le retard accusé par la promulgation de la loi organique, donne par là l'occasion à quelques amazighophobes, absents jusque là du débat sur l'amazighité, de surenchérir et de polémiquer sur un des principes inéluctables du mouvement culturel amazigh, la normalisation de la langue amazighe.
Certains détracteurs de l'amazighité, pour justifier la politique linguistique d'exclusion de la langue amazighe durant des décennies, prétendent que les langues comme l'amazigh sont condamnées à disparaître du fait qu'elles ne répondent plus aux exigences de la société moderne. Une pareille allégation ne tient pas la route. Il faut bien constater que le recul d'une langue a des raisons essentiellement politiques.
Une langue se développe, ou dépérit, selon qu'elle soit prise en charge par l'Etat ou qu'elle reste à l'abandon, au gré des circonstances politiques ou idéologiques. Cette attitude de mépris de la différence culturelle et linguistique qui tente d'instaurer l'usage d'une langue et d'une culture uniques dans les frontières de l'Etat revêt en fait la forme concrète d'une politique linguistique et culturelle dite d'assimilation.
Depuis des décennies, la langue amazighe s'est trouvée cantonnée dans l'oralité, sans statut reconnu, refoulée vers des domaines de communications non institutionnalisées, et tenue à l'écart des institutions publiques. Son état actuel s'explique donc aujourd'hui. Son oralité, le manque de contact et d'inter compréhension entre les différents géolectes, son existence sporadique dans l'enseignement et dans les médias, son absence dans les domaines publics, ont eu pour résultat son recul et une forte dialectalisation qui se réalise grosso modo en trois variantes. Les conséquences de cette exclusion aujourd'hui sont de plus en plus graves. Dans certaines régions plus exposées géographiquement mais autrefois majoritairement amazighophones, la langue s'est appauvrie de tout un vocabulaire non communiqué, a introduit de plus en plus le lexique de la langue arabe (du français ou espagnol à moindre degré), jusqu'à s'atrophier et dépérir quelquefois. Dévalorisée, marginalisée, exclue de toutes les institutions publiques, maintenue dans cet état d'infériorité, l'ingurgitation de la langue amazighe est entamée et se fait plus rapidement de nos jours, sans doute davantage à cause de l'accélération due aux prodigieux moyens de communication. Simultanément un matraquage psychologique a consisté et consiste encore essentiellement à convaincre par tous les moyens les locuteurs de la langue amazighe que leur parler n'est pas digne du nom de Langue; mais que ce ne sont qu'une multitude de dialectes archaïques, pour les amener à y renoncer définitivement.


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