A la différence de plusieurs villes du royaume qui ont eu, et auront sans doute, leur cinéma respectif, la capitale du Souss en sera privé cette année. Du moins pas pour sa date initialement mentionnée. Un communiqué, récemment rendu public par l'association Al Moubadara, initiatrice de cet événement thématique, annonçant son report pour «des contraintes budgétaires», était tombé comme une douche froide sur les cinéphiles nationaux et étrangers. La dixième édition du festival cinéma et migrations n'aura donc pas lieu, comme attendu, en ce début de mars et, probablement, ajourné aux ultimes mois de l'année en cours. Selon les organisateurs, cette décision prise, non sans regret et indignation, résultait d'un manque de moyens, après que certains bailleurs de fonds auraient failli à leurs engagements, à l'égard d'une tradition culturelle, faisant, chaque année, ses preuves de pionnière de la recherche à thème. Après une décennie d'activité artistique hors pair, drainant une pléthore de penseurs, de critiques, de cinéastes, d'intellectuels, traitant par l'image et le verbe leurs soucis de société, entourés par un public en liesse, il semble bien qu'on s'évertue à tourner le dos, sans scrupule, à toute cette splendeur indescriptible. La célébration de la première décade de cette rencontre conviviale de haute notoriété est donc renvoyée aux calendes grecques, suscitant aussi bien chez les organisateurs directs que les différents habitués et mordus du septième art, une profonde amertume. Avec ce report/annulation, la ville d'Agadir, second pôle économique du pays, aura, en fait, planté le dernier clou sur le cercueil du cinéma, après l'estompe du fameux ciné-club, la fermeture, respectivement, des cinémas Salam et Rialto. Seul le cinéma Sahara vivote, mais dans quel état ! Depuis déjà dix ans, le festival cinéma et migrations constituait, pour tous les orphelins du cinéma, le refuge du grand salut et le substitut de l'atroce frustration. La fête du cinéma n'aura donc pas lieu, au rendez-vous coutumier, comme annoncé précédemment. Une autre gifle aussi cruelle que vexante qui vient de s'abattre sur toute une communauté, profondément affectée aussi par la discrimination de voir que le cinéma des autres jouit de toutes les largesses, à coups de centaines de millions. Pour les initiateurs, il y a bel bien disparité de traitement entre les festivals de cinéma qui se tiennent, un peu partout dans notre pays. Pourquoi donc se comporter avec beaucoup de dédain avec celui d'Agadir, alors qu'on n'hésite guère de doter les autres de tous les moyens, ne cessent-ils de déplorer. Et pourtant, le cinéma d'Agadir dont la thématique féconde et porteuse n'est plus un secret pour personne, puisqu'elle s'incruste dans le registre le plus étendu de la planète, se veut un espace privilégié de débat et de réflexion judicieuse sur les soubassements du phénomène migratoire à travers le globe, notamment lié aux compatriotes installés en Europe et partout dans le monde. Qui remettra de la chaleur dans les veines dans cette manifestation en péril ? C'est ce que les foules et leurs fans attendent avec ferveur, pour que leur cinéma renaisse de ses cendres, car personne n'a plus le droit d'avorter une naissance de dix ans !