Conformément à la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, tous les acteurs sociaux ont un rôle à jouer dans la défense et dans la promotion des droits humains. Par ailleurs, tous les citoyens du monde sont tenus d'œuvrer conjointement afin d'assurer le développement de la protection de ces droits fondamentaux et inaliénables, et d'exiger des autorités politiques qu'elles garantissent ces droits, consacrés dans la Déclaration précitée. Or, dans certaines régions du monde, les autorités publiques ainsi que certains milieux où s'exerce indirectement le pouvoir, à l'instar de certains groupes armés et de leurs responsables politiques, s'adonnent à des pratiques qui sont en fondamentale opposition avec le respect des droits humains. Il s'agit vraisemblablement pour ces entités de maintenir une sorte de statu quo social, dès lors que le fait d'accorder une place importante à la promotion des droits humains remet en question les structures de pouvoir existantes. Si l'adoption de mesures constitutionnelles par la « République Arabe Sahraouie Démocratique » (RASD), afférentes aux droits de l'Homme peut sembler constituer un gage de démocratie et de volonté d'établir un Etat de droit, la réalité observée par un certain nombre d'organisations internationales et les témoignages de personnes ayant connu les camps de Tindouf, font état d'une réalité aux antipodes des prétentions démocratiques de la « RASD ». À l'examen du « texte constitutionnel » de la « RASD », république factice, et outil de pression internationale dans les mains de la junte militaire polisarienne, on se rend compte, dès le « préambule », que celle-ci a affirmé «(...) sa détermination à créer des institutions démocratiques, qui garantissent les libertés et les droits fondamentaux de l'homme, les droits économiques et sociaux, les droits de la famille, cellule de base de la société (...)». Autant dire que l'intégration des droits humains dans le contenu du « texte constitutionnel » fait partie intégrante d'une stratégie algéro-polisarienne visant à transposer sur la «RASD» les caractéristiques d'un Etat moderne. En effet, la reconnaissance et, à plus forte raison, la constitutionnalisation des droits et libertés fondamentaux, fait partie des conditions d'institution d'un Etat de droit. A défaut d'avoir un Etat effectif, remplissant les conditions politiques et sociologiques de son existence, le mouvement séparatiste s'emploie à entretenir la confusion en articulant les institutions de la «RASD», théoriquement seulement, sur des valeurs démocratiques modernes. Stratégie d'autant plus efficace que toutes les démocraties actuelles se fondent sur la défense et la promotion des droits de l'Homme, à travers la doctrine de l'Etat de droit. Le Front Polisario crée la confusion autour de ce principe, dans la mesure où il essaie d'assimiler, dans le texte de sa « Charte fondamentale », le respect des droits de l'Homme et le caractère démocratique de l'« Etat ». Considérés sous ce prisme, les droits de l'Homme, dans leur dimension purement déclaratoire, intègrent la stratégie polisarienne en tant qu'enjeu de lutte des séparatistes. La « Constitution » de la « RASD » reprend ainsi, dans les articles consacrés aux droits de l'Homme, la quintessence des principes universels ainsi que les droits individuels, reconnus d'ordinaire par les lois fondamentales des Etats libéraux modernes. Ainsi, l'égalité entre les genres, le droit au logement, la non-discrimination, les principales libertés individuelles, l'inviolabilité de la personne et du domicile, le droit à la justice, le droit à la santé, le droit au travail, à la propriété privée, sont-ils promus au rang de valeurs constitutionnelles, dans le quatrième chapitre de la « Constitution » polisarienne, ne comptant pas moins d'une vingtaine d'articles. De plus, le Polisario pousse la fiction encore plus loin lorsqu'il envisage l'opposabilité des droits énumérés dans la « Constitution » à l'Etat. Ainsi, les articles 39 à 44 disposent respectivement que « L'Etat veille à promouvoir un logement pour chaque citoyen (...) L'Etat garantit (...) les droits matériels et moraux (...) L'Etat œuvre à la promotion de la femme (...) L'Etat veille au perfectionnement constant des capacités de la jeunesse (...) L'Etat garantit la défense des droits et des biens privés (...) ». Dès lors qu'un droit n'est effectif que s'il existe un recours sanctionnant son aliénation, et que la « Constitution » polisarienne ne prévoit aucune voie de recours crédible ni même plausible, les droits figurant dans le texte constitutionnel se retrouvent vidés de toute substance. Côté opérationnalisation, il est évident que les détenteurs du pouvoir politique au sein de la junte polisarienne imposent un silence systématique quant au respect des droits de l'Homme dans les territoires sous contrôle du Polisario. « Gouvernement » de fait d'une population établie en plein désert algérien, dans des conditions particulièrement difficiles et peu propices au développement, les dirigeants du front séparatiste infligent aux populations séquestrées des abus à l'encontre des droits de l'Homme. Pis encore, les victimes ne disposent, dans la majorité des cas, ni de voies de recours ni d'aucune possibilité d'opposer leurs droits à une quelconque institution. Et pour cause : il n'existe simplement pas d'Etat sahraoui. Il apparaît donc clairement que, de tous les droits énumérés dans la «Constitution» de cette république factice, aucun ne peut être assuré en pratique, puisqu'en plus de n'avoir prévu aucun mécanisme effectif de protection opposant ces droits à l'Etat, qui est censé en être le garant suprême, force est de relever que cet « Etat » est fictif puisqu'il n'existe pas au yeux de la Communauté internationale. De plus, la réalité, observée sur le terrain par un certain nombre d'associations humanitaires, ou tout simplement rapportée par des témoins ayant passé une partie de leur vie dans les camps de Tindouf, fait état d'une situation humanitaire aux antipodes de ce que laisse entendre la « Constitution » précitée. Les populations n'ont le droit ni de quitter les camps de Tindouf, ni d'exprimer une quelconque forme de résistance vis-à-vis des instances décisionnelles du Polisario, sous peine de subir des traitements des plus dégradants, violant de la sorte les droits humains les plus fondamentaux. La propriété privée relève également du domaine de l'impossible, dès lors que les campements sont établis sur le sol algérien. Ce sont autant de contradictions qui mettent en exergue une certaine forme de mauvaise foi, corroborée par la rude réalité de la vie dans ces camps. Pour sa part, l'Algérie qui continue de soutenir, financièrement et logistiquement de telles violations, brandissant la bannière idéologique de l'autodétermination, et continuant de fonder sa politique étrangère sur l'héritage idéologique de la guerre froide, endosse en grande partie la responsabilité internationale des exactions commises sur son propre sol. L'Algérie, Etat peu réputé pour le respect des droits de l'Homme en son sein, se projette quelque part clairement dans la «Constitution» de la «RASD», qui, in fine, n'est qu'un prolongement de la Charte fondamentale algérienne. Zoom sur le CEI Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires ». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.