Saddina, une cité médiévale sortie de terre Une équipe de chercheurs marocains et européens vient de faire une découverte d'une portée historique inestimable: Une cité médiévale de 10 km2 nichée au jbel Saddina, près de Tissa, dans la province de Taounate. La cité remonte à l'époque des Idrissides (IXe siècle), mais des gravures rupestres trouvées dans le site sont plus anciennes et datent de la préhistoire, a confié le doyen de la faculté des sciences humaines de Fès-Saiss, Brahim Akdim, qui fait partie de cette équipe. "C'est un site d'une grande portée historique qui va permettre de percer le secret d'une importante partie de l'histoire de la région et de la tribu Hyayna qui a repoussé plusieurs tentatives d'invasion contre le Maroc", assure Akdim. Des photos de cette ancienne cité prises par les chercheurs montrent notamment des habitations, une muraille, un moulin à olives et céréales et un bassin servant à fournir l'eau aux habitants et à arroser les champs. Bref, tous les ingrédients d'une ville animée, peuplée et qui connaît une importante activité économique. "Les matériaux de construction et les morceaux de porcelaine et de faïence trouvés sur place démontrent qu'il s'agit d'une ville datant de l'époque des Idrissides, et qui était habitée par des agriculteurs sans terres (Khamassa) travaillant pour le compte de riches propriétaires terriens", explique Akdim. L'activité économique repose sur la source et sur les terres fertiles, ce qui fait penser à l'existence d'un système agricole semblable à la Huerta en Espagne (verger), d'où l'importance du site et son intérêt historique aussi bien pour les chercheurs marocains qu'ibériques. Les fouilles et les analyses qui seront menées par l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine (INSAP) de Rabat détermineront avec exactitude l'âge du site, auquel plusieurs sources historiques font vaguement référence. Et comme toutes les découvertes qui n'avertissent pas, cette importante trouvaille, on la doit au célèbre géographe franco-italien Gregori Lazarev, qui a écrit plusieurs études et livres sur la dynamique des populations tribales et rurales au Maroc. Ebahi par cette trouvaille au détour d'une visite à la source Saddina, dans le cadre de la préparation d'une étude sur les structures traditionnelles et la problématique du développement agricole dans la province de Taounate, il s'en ouvra à des collègues marocains. Une équipe s'est constituée alors autour du projet pour approfondir la connaissance du site. Il s'agit, outre MM. Lazarev et Akdim, de Mohamed Naciri (géographe), du directeur de l'INSAP, Omar Akerraz, et de l'archéologue espagnol Virgilio Enamorado Maryinez de l'université de Malaga. Après plusieurs visites de terrain, l'équipe a décidé d'y consacrer un livre qui sortira en avril prochain. Il s'agit de placer le site dans son contexte géographique et historique national, maghrébin et international en cherchant les liens éventuels avec d'autres cités historiques en Algérie, en Tunisie et surtout en Espagne. Quant aux archéologues de l'INSAP, ils doivent entreprendre des fouilles et analyser le matériel de construction, la porcelaine et la faïence pour recueillir davantage d'éclaircissements sur la découverte et en démêler l'écheveau. La cité médiévale de Saddina est à l'abandon après avoir fortement subi la loi de la nature et de l'homme, d'où l'impérieuse nécessité de la sauvegarder et de la faire connaître. Et le meilleur moyen, selon Akdim, est d'entreprendre rapidement les démarches pour faire inscrire le site sur la liste du patrimoine national classé et pourquoi pas à l'avenir sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. "C'est un site à forte charge historique à même d'avoir une grande incidence sur le développement économique de Taounate", dit-il. L'équipe des chercheurs croit dur comme fer que la compétitivité économique, territoriale et touristique qui sera renforcée après l'instauration de la régionalisation avancée, ne sera bâtie que sur des sites historiques ou touristiques comme Saddina, Amergou ou Bouadel, à même de forger une identité pour la province de Taounate. "Ce grand site mérite toute l'attention des scientifiques et des acteurs du développement local parce qu'il montre qu'il y a un potentiel énorme pour le développement d'une identité touristique, culturel et économique de la région de Saddina et de toute la province de Taounate", plaide le doyen de la faculté des sciences humaines de Fès-Saiss. De tels sites sont en effet d'un grand intérêt dans l'élaboration des stratégies et des programmes de développement économique et social. M. Akdim en est conscient et lance un cri de cœur pour que la commune de Ouled Jemaa, dont dépend Saddina, et les autorités provinciales de Taounate agissent vite en vue de protéger le site et le faire connaître du public, à travers l'organisation d'un festival ou d'une foire des produits du terroir. L'université Sidi Mohammed Ben Abdellah de Fès, qui a prouvé de la sorte son ancrage et son ouverture sur son environnement régional et national, se dit disposée à apporter sa contribution à l'émergence de ce projet culturel, en mettant ses compétences à la disposition des autorités et des acteurs de la société civile pour protéger ce patrimoine culturel inestimable.