L'impact de la crise et des mesures d'austérité sur les immigrés Le collectif des immigrés paie au prix fort les conséquences de la récession économique après une décennie de prospérités en Espagne. A cause des mesures d'austérité appliquées par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy et la débâcle des secteurs employant une nombreuse main d'œuvre moins qualifiée, les immigrés forment désormais la catégorie sociale la plus vulnérable. Actuellement, 35% des étrangers sont en chômage. Le collectif marocain, fort de 854.501 membres, compte 64.093 personnes qui touchent des prestations de chômage et 153.614 demandeurs d'emploi. En octobre dernier, les statistiques officielles faisaient état de plus de 4,8% de sans emploi, soit un record historique de chômage supérieur à 25% de la population active. Selon les données de la dernière enquête sur la Population Active, l'Espagne compte actuellement 1,7 millions de ménages dont tous les membres sont en chômage mais seuls 67% bénéficient d'aides ou de prestation sociale de la part des services publics. Dans ces circonstances, le collectif d'immigrés est le plus affecté par la crise dans la mesure où l'immigré en situation irrégulière perd la possibilité d'accès à certains services publics telle la couverture sanitaire gratuite (à l'exception des soins primaires et dans les urgences). En réalité, il y a près de 40% des étrangers en Espagne sans emploi et plus de 25% de la population occupée étrangère est démunie de couverture de la part du système de protection sociale, révèle le dernier rapport de l'ONG Intermon Oxfam 2012, intitulé « crise, inégalité et pauvreté » parvenu à Albayane. Cette ONG a pour mission la lutte en faveur des populations défavorisées et participe au mouvement global qui se propose d'éradiquer l'injustice et la pauvreté et dénoncer la situation des personnes vulnérables dans le monde. Le taux de pauvreté dans les ménages d'immigrés est estimé à 31%, soit un taux supérieur de 13 points à celui de la population autochtone de moins de 65 ans. A cause de la crise, le niveau de pauvreté sévère touche 11% de la population totale immigrée. Deux causes essentielles sont à retenir en ce qui concerne la situation des étrangers, selon Intermon Oxfam. D'abord, son réseau social de soutien est plus réduit, plus fragile et s'est épuisé depuis longtemps dès le début de la crise. Ensuite, les immigrés sont vulnérables parce qu'ils souffrent plus de la discrimination, de la perte de postes d'emploi et de la diminution de la qualité des conditions de travail (précarité, peu d'heures effectives d'occupation, travail moins rémunéré mais plus instable). Ils sont doublement touchés par la récession économique puisqu'ils sont aussi victimes, comme l'ensemble de la population, des réductions budgétaires généralisées, de la diminution des ressources sociales, des difficultés d'accès aux services sociaux et de la discrimination structurelle. L'opinion publique réagit également de manière défavorable à la présence des immigrés sous l'effet de la crise dans la mesure où 43% des personnes interrogées appuient l'expulsion des chômeurs immigrés durables, selon le rapport « Impacts de la crise sur la population immigrante », élaboré à partir de sources officielles et l'Organisation Internationale des Migrations (OIM). Ceci intervient en un moment où des milliers d'espagnols ont pris la décision d'émigrer en quête d'opportunités de travail dans d'autres pays. Entre janvier 2011 et octobre 2012, ce sont 927.890 personnes, dont 117.523 espagnols, qui ont abandonné le pays. De ce fait, l'Espagne vit à son tour une perte de capital humain En dépit de la grande campagne concernant le retour volontaire des étrangers, des données auxquelles a eu accès Albayane estiment que seuls 120.000 immigrés ont quitté l'Espagne de janvier à octobre dernier. L'immigration se trouve ainsi dans une situation délicate dans la mesure où le modèle migratoire espagnol ne prévoyait pas à moyen terme la brutale dégradation des conditions de travail et de vie des immigrés. D'ailleurs, les perspectives ne sont guère optimistes puisque près de 12,7 millions de personnes en Espagne se trouvent dans une « situation de pauvreté et d'exclusion sociale », ce qui représente 27% de la population et une augmentation de 2,1 millions de personnes dites pauvres depuis 2008. Au cas où cette tendance se maintient, le nombre de «personnes pauvres pourrait atteindre 18 millions, soit 38% de la population», mettent en garde les rédacteurs du rapport 2012 d'Intermon Oxfam. Les immigrés, seront par conséquent la catégorie majoritaire de cette «population pauvre».