Le gouvernement conservateur d'Espagne dirigé par Mariano Rajoy, a accompli 100 jours au pouvoir qui ont été marqués par un rythme frénétique de réformes, de mesures budgétaires drastiques et de taux record de chômage. En l'espace de quatorze semaines, le gouvernement espagnol a adopté une infinité de mesures qui ont été accueillies avec un énorme scepticisme par la société. Les plus importantes et les plus douloureuses sont la réforme du marché du travail et la réduction du déficit public qui placent l'ensemble de la société devant le fait accompli et l'exigence d'accomplir les objectifs fixés par l'Union Européenne (UE). Pourtant, le chômage, qui avait piégé les socialistes et hâté leur départ du pouvoir, ne cesse d'augmenter affectant plus de 50% des jeunes. Mariano Rajoy ne cache pas non plus son amertume en affirmant, lundi, que « je ne suis pas en mesure de vous donner de bonne nouvelles ». Cette phrase décrit le panorama actuel et promet de durs moments qui attendent la société espagnole, particulièrement les catégories les plus vulnérables, tels les immigrés, les personnes en chômage et les jeunes. Dans un bilan remis à Albayane par la présidence du gouvernement espagnol, le cabinet de Rajoy se déclare « fier » du travail qu'il avait réalisé. Il fait état également du « courage » qu'il a démontré pour adopter de difficiles décisions qui seront, estime-t-il, appréciés par les citoyens. « L'Espagne avait besoin d'urgence de réformes et c'est ce qui avait amené à mettre en marche un agenda réformiste qui est encore ouvert », ont indiqué des sources proches de Rajoy. La dernière en date, est le projet de loi de finances de 2012, déposé mardi, au congrès des députés après son approbation vendredi dernier par le conseil des ministres. Ce projet doit être adopté le 26 avril par le parlement. En tout, aussi bien les réformes adoptées que le projet de loi de finances, qui introduit une ferme discipline et une grande austérité budgétaires, ont été favorablement accueillies par l'UE. Ces mesures ont eu pour conséquence l'organisation d'une grève générale, jeudi dernier, et l'échec du Parti Populaire de s'emparer du pouvoir à la communauté autonome d'Andalousie. Que peut-on retenir des 100 premiers jours de Rajoy à la tête du gouvernement espagnol ? Mariano Rajoy est le sixième président de gouvernement de l'Espagne démocratique. Il a succédé aux socialistes dans un pays débordé par la crise économique, le chômage et le désespoir social. Sa mission était de récupérer la stabilité financière et réduire le déficit public, comme l'avait promis durant la campagne électorale. Cependant, la plupart des mesures adoptées par son équipe ont été qualifiées d'impopulaires, anti-sociales et destructrices du pouvoir d'achat et du bien-être. Au plan socio-économique, Rajoy a ordonné une réforme du marché du travail qui lui a coûté une grève générale. Des milliers de travailleurs avaient occupé, jeudi dernier, les rues pour protester contre la souplesse dans le licenciement des employés et l'octroi de facilités à l'entreprise pour modifier les conditions de travail. De même, le gouvernement a ordonné des hausses des tarifs du gaz naturel, des postes, des péages des autoroutes et d'électricité. L'Impôt sur le revenu interprofessionnel a augmente de 2 à 7%. Parallèlement, le gouvernement a paralysé les subventions et aides aux énergies renouvelables. En éducation, il a modifié le cycle d'éducation secondaire et le programme des concours de promotion pour les professeurs. Toutefois, le gouvernement s'est engagé à préserver le pouvoir d'achat des retraités en actualisant les pensions selon l'Indice des Prix à la Consommation (IPC) et réduisant les salaires des directeurs de banques bénéficiant de subventions publiques qui ne devraient pas être supérieurs à 600.000 euros par an. De même, il a promis de mettre au point un mécanisme permettant aux administrations publiques d'honorer leurs dettes à partir de mai prochain. Le gouvernement a décidé de ramener le déficit public à 5,3% comme l'exige l'UE au lieu de 5,8% proposé initialement, ce qui entraînera une réduction additionnelle de cinq milliards euros de la rubrique dépense des budgets de l'Etat. Il a finalement approuvé la loi de transparence, d'accès à l'information publique et de la bonne gouvernance qui établit une série de principes éthiques généraux pour les membres du gouvernements, les hauts cadres de l'administration publique et des entités du secteur public assortis de dures sanctions en cas de non observance. Le même jour de la célébration des 100 jours au pouvoir, la Commission Européenne a tiré les oreilles au gouvernement espagnol à la suite des dernières statistiques sur le chômage qui atteint, en février dernier, 23,6% de la population active, le taux le plus haut en UE. Pour la Commission Européenne, ce haut taux de chômage n'est pas dû à la crise économique mais à des déséquilibres internes. C'est la raison pour laquelle elle a manifesté sa « préoccupation » pour la hausse du taux de chômage en Espagne qui est plus que le double de celui de l'UE (10,2%) et dans la zone-euro (10,8%). « Un allemand qui suit l'évolution du chômage a une perception très différente que celle d'un citoyen en Espagne pays où le chômage ne cesse d'augmenter et la récession économique se fait noter”, a dit le porte-parole des Affaires économiques de l'UE, Amadeu Altafaj. Le chômage affecte particulièrement les jeunes dont, selon le Bureau de statistiques communautaires, l'Eurostat, 50,5% de moins de 25 ans sont sans - emploi contre 8,2% en Allemagne et 8,3% en Autriche, par exemple. L'Espagne se situe avec 23,6% en février dernier en tête de l'UE en termes de chômage pour le deuxième mois consécutif cette année. Derrière viennent le Portugal (15%), l'Autriche (4,2%), les Pays-Bas (4,9%), le Luxembourg (5,2%) et l'Allemagne (5,7%). Ces données ont été confirmées, mardi, par le ministère espagnol du Travail et de la sécurité sociale qui fait état de 4.750.867 personnes inscrites aux bureaux professionnels de placement à fin mars, un chiffre qui est supérieur de 38.769 personnes par rapport à celui de février dernier (hausse de 0,82%). C'est la huitième augmentation consécutive en nombre de sans-emploi depuis août dernier. En termes interannuels, le chômage a augmenté de février 2011 à février 2012 de 417.198, soit une progression de 9,6%. A la lumière de cet ensemble de données, il paraît clair que le marché du travail en Espagne est confronté à une crise structurelle et que le gouvernement n'a pu en l'espace de 100 jours endiguer la crise économique.