Le Maroc a signé successivement une série d'accords de libre échange avec l'Union Européenne, les Emirats Arabes Unis, les USA, la Turquie, l'accord dit d'Agadir regroupant quatre pays, à savoir la Tunisie, la Jordanie, l'Egypte et le Maroc. Un premier bilan de ces ALE montre, on ne peut plus clair, que le Maroc, contrairement aux attentes, n'a pas tellement tiré profit des opportunités qui lui sont offertes. Loin d'améliorer sa position commerciale en exploitant les possibilités que lui offre un marché formé de près d'un milliard de consommateurs, une aubaine, il a au contraire subi de plein fouet les risques de l'ouverture. Et si la théorie libérale, telle qu'elle est enseignée depuis l'école classique anglaise, admet que le libre échange est le système qui assure la prospérité à tous les participants, force est de constater que l'expérience du Maroc, et celle des autres pays, apporte un démenti cinglant à de telles prédilections. Le gain du libre échange n'est pas aussi évident que le préconise la théorie libérale. Il faut souligner que le débat entre libre-échange et protectionnisme n'est pas nouveau. Déjà au moment où Ricardo défendait le libre-échange, un auteur allemand, F. List, soutenait une thèse tout à fait contraire en considérant que le libre-échange sert d'abord les intérêts des grandes puissances, de l'Angleterre plus précisément ! C'est ainsi que l'Allemagne ne s'est pas fait piéger par le dogme du libre-échange et de la libéralisation à tout crin. Elle ne s'est libéralisée qu'une fois qu'elle a consolidé son tissu productif et commencé à voler de ses propres ailes. Le Japon et les autres puissances qui comptent de nos jours, dont la Chine et l'Inde, ont suivi la même voie. Seuls ceux qui ont pris leurs désirs pour réalité et ont cru, naïvement ou sous pression, aux bienfaits du libre-échange et aux lendemains qui chantent, se sont laissés séduire par la théorie des avantages comparatifs. Bien sûr, notre propos ne consiste pas ici à plaider pour un retour à une certaine forme de protectionnisme. C'est simplement pour dire que les «erreurs de la jeunesse» se paient cher ! C'est parce que nous n'avons pas su bien négocier notre adhésion au libre-échange et nous nous sommes mal préparé à la mondialisation que notre pays se trouve aujourd'hui dans une mauvaise posture en subissant une érosion sans précédent par le biais des échanges extérieurs : des déficits abyssaux de la balance commerciale, et tout particulièrement avec les pays auxquels le Maroc est lié par des ALE ! Avec les USA, le taux de couverture s'établit à peine à 26% en 2011. La même situation est enregistrée vis-à-vis de la Turquie et qui plus est, vis-à-vis de la Tunisie et de l'Egypte !! C'est une situation pour le moins inquiétante. Elle interpelle sérieusement les responsables politiques et les opérateurs économiques. Il est grand temps de procéder à une évaluation objective de tous ces accords comme s'y est engagé le gouvernement dans sa déclaration devant le parlement. En attendant que ce balisage soit effectué, nous sommes en mesure de reconnaitre dès à présent que le mal réside en nous. Nous tablons sur l'exportation sans avoir grand chose à exporter. N'est-ce pas là une voie qui mène droit à la faillite ! *Membre du Bureau Politique du PPS et Professeur à la FSJES, Rabat Agdal