Face au blocage persistant des négociations de paix imposé par les Israéliens, qui ne veulent entendre ni d'un Etat palestinien viable, ni de l'arrêt de la colonisation rampante des territoires palestiniens, le président Mahmoud Abbas a été contraint de sortir des tiroirs une solution de rechange. Ce sésame, que les Palestiniens dénomment le «Plan B», consiste à s'adresser soit directement au Conseil de sécurité de l'ONU pour que la communauté internationale reconnaisse la Palestine comme un Etat membre à part entière de l'ONU, soit, à défaut, à l'Assemblée générale des Nations Unies pour lui attribuer, un cran en dessous, un statut d'Etat non-membre. Cela fait maintenant plus de deux ans que les négociateurs palestiniens et israéliens n'ont pas pris langue. La dernière tentative américaine en ce sens remontant à septembre 2010, les deux belligérants sont restés sur leurs positions, légitimes pour des Palestiniens qui conditionnent les pourparlers au seul arrêt de la colonisation de leurs territoires, et extrémistes pour les Israéliens qui exigent un dialogue selon leur propre agenda (colonisation continue, refus d'aborder le dossier d'Al Qods...). Face à ce blocage, dont rien ne laisse présager une issue, les Palestiniens se sont trouvés dans l'obligation d'activer une autre option pour parvenir à leur objectif primordial, celui de créer leur propre Etat, vivant en paix à côté de celui d'Israël. L'on se rappelle que lors de la précédente assemblée générale des Nations Unies en 2011, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a été dissuadé de présenter, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, le dossier d'admission de l'Etat palestinien en tant que membre à part entière de l'ONU. Pour le convaincre d'ajourner cette démarche légitime, les puissances occidentales lui avaient proposé un deal, qui s'est finalement avéré être un marché de dupes : surseoir à cette demande en contrepartie d'une relance immédiate des négociations de paix avec Israël. Mieux, ces négociations, lui avait-on promis, se dérouleraient sur la base de l'objectif de la création d'un Etat palestinien dans ses frontières de 1967, avec Al Qods-Est comme capitale du futur Etat. Finalement, et tout en sachant que cette demande n'avait aucune chance de passer au Conseil de sécurité, face à la menace des Etats-Unis d'y opposer leur veto, Mahmoud Abbas a lâché du lest, conscient qu'il dispose toujours d'une autre carte pour revenir à l'ONU. C'est chose faite aujourd'hui, puisqu'un an plus tard, et face à la persistance du statu quo imposé par Israël, la Palestine est en passe de devenir un «Etat observateur non-membre» de l'ONU, un statut bien plus consistant que celui de simple observateur dont elle disposait, mais qui aura le mérite de mettre les Israéliens dos au mur. Car ces derniers seront désormais considérés comme les occupants d'un «Etat» aux frontières internationalement reconnus. Un Etat qui aura aussi la capacité juridique de saisir la Cour internationale de justice (CIJ) ou la Cour pénale internationale (CPI) pour acculer Israël à se conformer au droit international. C'est justement cette dernière perspective qui donne la trouille à Israël et à ses alliés. Ces derniers continuaient hier à exercer une intense pression sur les Palestiniens afin d'inclure dans leur demande d'admission une clause de non recours aux juridictions internationales. «Certains Etats sont très inquiets de notre possible recours à la CPI et nous ont donc pressés de nous engager à ne pas emprunter une telle voie, mais nous avons refusé», a déclaré hier le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad al-Malki à la radio officielle Voix de la Palestine. Hanane Achraoui, membre du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a pour sa part fait montre de la même détermination. «Nous savons qu'Israël tentait, par l'intermédiaire des Etats-Unis et du Royaume-Uni, d'obtenir des engagements qu'il ne serait pas traduit devant la Cour pénale internationale (CPI. Si Israël n'est pas coupable de crimes de guerre ni de crimes contre l'humanité, il n'a aucune raison de redouter la CPI ou la CIJ», a-t-elle souligné. Si les Palestiniens sont assurés d'un vote de la majorité écrasante (plus de deux tiers) des membres de l'ONU pour obtenir leur nouveau statut, surtout grâce au soutien des pays africains, latino-américains et arabes bien sûr, les pays de l'Union européenne iront en rang dispersés. Faute d'une position unifiée de l'UE, on apprend déjà que l'Allemagne ne votera pas oui, la Grande-Bretagne s'abstiendra, et la France votera en faveur des Palestiniens. Pour les Etats-Unis, et contrairement à la Russie et la Chine, c'est un niet catégorique, mais non déterminant, qu'ils opposeront... Pour la forme. In fine, il faut reconnaître que, bien qu'il coïncide symboliquement avec la Journée internationale de solidarité avec les Palestiniens, célébrée chaque 29 novembre, le nouveau statut que la Palestine est en train d'acquérir est porteur de beaucoup d'espoirs mais aussi de multiples dangers.