La pratique internationale a bien démontré que l'application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, en dehors des situations de décolonisation, ébranle la mise en œuvre du sacro-saint principe d'intégrité territoriale. Pour remédier à cet état des choses, l'Organisation des Nations Unies (ONU) a toujours essayé d'emprunter une voie médiane afin de surmonter les difficultés pratiques afférentes à l'applicabilité du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est le cas, à titre d'exemple, pour la question du Sahara occidental où les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité depuis 2007, année de présentation par le Maroc aux Nations Unies de son Initiative d'autonomie destinée au territoire saharien, n'ont cessé d'encourager la tenue de négociations directes entre les parties intéressées en vue de parvenir à une solution politique et consensuelle. Or, ces résolutions n'identifient pas les parties en question, sans doute pour ménager l'Algérie qui agit par Polisario interposé. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes peut s'avérer, dans certains cas, inapplicable si l'on prend en considération des circonstances historiques particulières liées à quelques conflits tels que celui de Gibraltar. Ce rocher, approprié par la couronne britannique en 1704, avant qu'il ne soit rétrocédé par le Royaume d'Espagne en 1713, en vertu du traité d'Utrecht, est loin d'entrer dans le champ d'application de la résolution 1514, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1960. A vrai dire, depuis que les britanniques s'y sont installés, le rocher du Gibraltar s'est développé de manière plus importante que sous le règne espagnol. De ce fait, lors du référendum organisé en 1967, 99,6% des habitants du rocher ont exprimé leur attachement à la couronne britannique, alors que devant une telle situation, la logique impose de décoloniser Gibraltar sans heurter la volonté et les intérêts des habitants dudit territoire. Aussi, l'Assemblée générale de l'ONU, dans sa résolution 2353, datée du 19 décembre 1967, avait estimé que le référendum est contraire aux dispositions de la résolution 2231 du 20 décembre 1966, ayant invité la Grande-Bretagne et l'Espagne à opter pour des négociations bilatérales pour «(…) mettre fin à la situation coloniale existant à Gibraltar (…)». Ce qui signifie que ce différend territorial «(…) n'était pas celui de l'autodétermination d'un groupe humain, mais celui de la restauration de l'intégrité d'un territoire (…)». Plus encore, il existe des situations qui rendent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes impraticable, comme ce fut le cas pour l'archipel des Comores. A titre de rappel, lors de la tenue du référendum d'autodétermination, le 22 décembre 1974, trois îles, Anjouan, la Grande-Comore et Mohéli, optèrent pour l'indépendance tandis que l'île de Mayotte préféra le rattachement à la France à raison de 60% des suffrages. La France reviendra sur la question plus tard en organisant, en deux temps, les 8 février et 11 avril 1976, une deuxième consultation référendaire. Celle-ci a été surveillée par les mahorais qui ont confirmé leur volonté d'attachement à la France avec un taux de votes positifs dépassant les 97%. Cependant, l'Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution 31/4, adoptée le 21 octobre 1976, a émis des critiques virulentes au sujet de la tenue des référendums précités et les a jugés «(…) comme nuls et non avenus (…)». Elle a même déploré la présence française à Mayotte, «(…) qui constitue une violation de l'unité nationale, de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores». On déduit de ce qui précède que le principe de l'intégrité territoriale, même au regard des textes fondateurs du droit international, surclasse le libre choix de la population des territoires litigieux. Ce qui traduit l'importance dudit principe et sa primauté par rapport au droit à l'autodétermination des peuples autres que coloniaux. Assurément, la pratique de l'ONU conforte ce postulat en faisant valoir l'inapplicabilité du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dans des contextes post-coloniaux et en proclamant la suprématie du principe de l'intégrité territoriale des Etats. * Le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion et d'analyse basé à Rabat. Acteur actif du débat afférent à la conflictualité saharienne et à certaines thématiques nationales fondamentales, le CEI a publié, en 2010, auprès des éditions Karthala, un ouvrage collectif intitulé : «Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) ». En janvier 2011, le CEI a rendu public, auprès du même éditeur, un second ouvrage titré, « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile ». Il vient également de faire paraître, auprès des éditions précitées, un ouvrage portant sur « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies ». Outre ses revues, libellées, «Etudes Stratégiques sur le Sahara» et «La Lettre du Sud Marocain», le CEI compte à son actif plusieurs supports électroniques dont, www.arsom.org, www.saharadumaroc.net, www.polisario.eu et www.ibn-khaldoun.com.