Décidément, l'Espagne restera au centre de notre identité nationale comme une plaie qui peine à cicatriser. Hier, c'était le Sud marocain qu'il fallait ôter graduellement à l'appétit colonial espagnol. Plus d'un demi-siècle après notre indépendance, le remembrement de notre territoire demeure à l'ordre du jour. Par la seule faute de notre voisin du nord. Après Tarfaya en 1958, Sidi Ifni en 1969 et le Sahara marocain en 1976, l'achèvement de notre intégrité territoriale ne s'est toujours pas réalisé. Situées sur une terre africaine chapeautant le territoire marocain, Sebta et Mellilia sont toujours occupées. Le Roi Juan Carlos a choisi d'y effectuer une visite à la veille du 32ème anniversaire de la Marche verte et au lendemain d'une résolution pertinente du Conseil de sécurité de l'ONU qui a salué expressément les « efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l'avant vers une solution politique ». L'attitude pour le moins alambiquée de l'Espagne, tant au chapitre saharien qu'au sujet des deux villes marocaines qu'elle continue d'occuper, n'est pas digne de la modernité et de l'Etat de droit de notre voisin du Nord. A dire que le virus colonial qu'on a cru mort et enterré garde toute sa superbe au bord du Détroit de Gibraltar. D'autant que le conflit hispano-britannique sur le Rocher du même nom a été résolu en 2006 au moyen de l'outil référendaire. Si l'on fait l'inventaire des initiatives du Maroc qui ont emprunté la voie du dialogue pour recouvrer sa souveraineté tant au nord qu'au sud, on ne peut qu'admirer la patience et le courage d'un Royaume qui n'aspire à rien d'autre que la paix. En effet, au lendemain de notre indépendance, il avait fallu faire montre de sang froid pour faire évacuer les Espagnols de la zone nord, Sebta et Mellilia exceptées. Il fallut autant pour décoloniser Tarfaya et des trésors de diplomatie à Feu Hassan II pour reprendre Ifni en 1969 au Caudillo espagnol. Six ans plus tard, le Roi défunt fit appel à l'arbitrage de la Cour internationale de La Haye avant d'imaginer la plus grande épopée pacifique de l'histoire moderne. Même si le territoire saharien fut recouvré, le désir de paix marocain s'est manifesté avec éclat pour aboutir à l'accord de Madrid. Malgré cela, le Maroc a répondu favorablement à l'appel de ses amis pour proposer à Nairobi en 1981 un référendum confirmatif. Plus tard, alors que la mauvaise foi algérienne, dans un environnement marqué par la guerre froide, se déployait sur le continent et sur toute l'étendue du tiers-monde, le Maroc continuait à soumettre patiemment sa cause à la conscience universelle. Sous Aznar, qui s'est permis de pointer ses missiles sur le Maroc, nous avons choisi de répondre d'une manière civilisée à une provocation sauvage. L'année dernière, notre pays s'est illustré par une initiative spectaculaire qui a recueilli le soutien de l'ensemble de la communauté internationale. Il s'agit, ni plus ni moins, de doter nos provinces sahariennes d'un statut avancé d'autonomie interne. Défi militaire Toutes ces initiatives marocaines ont en commun le souci constant de rechercher la paix dans le strict respect du droit. Y compris lorsque l'armée algérienne s'est permis d'attaquer nos concitoyens à Amgala avant d'armer les bras du Polisario au moyen de missiles SAM. En vérité, nos voisins du Nord comme ceux de l'Est ne nous ont point épargné depuis l'opération Ecouvillon et la «guerre des sables». Nous nous trouvons toujours «enclavés» au Nord et à l'Est. Dans un cas comme dans l'autre, nous ne pouvons disposer pleinement de notre espace national. Les gouvernants d'Alger encouragent cyniquement la perméabilité criminogène de la frontière commune, non encore définitivement finalisée. Au Nord, Sebta et Mellilia se présentent à nous comme un défi militaire constant et un réservoir de contrebande. Notre modernité se trouve ainsi altérée par un voisinage dont le comportement varie entre l'humiliation constante et la provocation systématique. Cette semaine encore, le gouvernement espagnol s'est octroyé l'arrogance d'acculer le Roi Juan Carlos à une visite qui n'était ni nécessaire ni a fortiori urgente. Malgré son caractère agressif, chacun a pu constater que cette visite a été affrontée par les Marocains avec les moyens les plus pacifiques. La Nation a refusé d'insulter l'avenir. Le premier ministre a rappelé le souci du Maroc de régler le contentieux des deux villes marocaines spoliées exclusivement avec « la même méthodologie qui a débouché sur la fin de la présence coloniale espagnole à Tarfaya en 1958, à Sidi Ifni en 1969, et dans les provinces du Sahara, début 1976 ». C'est précisément en cela que le dossier du Sahara marocain et le contentieux de Sebta et Mellilia s'apparentent à une affaire de décolonisation. Car, comme naguère sur notre sol saharien, dans l'extrême Nord de notre territoire, pourtant bien africain, se dressent les casernes espagnoles les plus fournies en armements. Non loin de là, à Cadix, des armes sophistiquées sont pointées vers notre territoire. Ni le traité de bon voisinage signé en 1991, ni l'ampleur de la coopération bilatérale n'ont été pris en ligne de compte par nos voisins espagnols. En vérité, même dans le conflit algéro-marocain autour de nos provinces sahariennes, la responsabilité espagnole est flagrante. Parce qu'elle importe d'Algérie 60% de son gaz, l'Espagne refuse de crier la vérité sur notre droit. Sous Aznar, la duplicité a atteint son paroxysme. Celui qui a perdu le pouvoir pour avoir menti à son peuple au lendemain des attentats de Madrid portait une intense haine raciste à l'encontre du Maroc, des Arabes et des Musulmans. Même si Zapatero a remis le train hispano-marocain sur les rails de la coopération et de l'entente, il n'est pas parvenu à se départir du populisme qui veut qu'«el Mauro» ne peut être que rustre et frustre. D'ailleurs, la visite du Roi d'Espagne à Sebta et Mellilia répond avant tout à un souci électoraliste des socialistes ibériques. Au détriment des relations multiséculaires qui ont été longtemps trempées autant par l'histoire que par la géographie. Il aura fallu que Moratinos annonce la visite de son Roi aux deux villes spoliées deux secondes avant de quitter son homologue marocain au pied de l'avion ! Est-ce digne de la qualité exceptionnelle de nos rapports ?