L'Afrique du Nord connaît l'un des moments les plus forts de son histoire depuis les indépendances, créant une nouvelle dynamique géopolitique dans la région qui devrait augurer d'une accélération des résolutions des différends en suspens, notamment celui du Sahara marocain et un retour rapide au cadre formel des négociations. Après 12 rounds de pourparlers, dont huit informels tenus sous l'égide des Nations Unies en vue de déboucher sur une solution politique à la question du Sahara dans l'intérêt des peuples du Maghreb et de la sécurité régionale, l'impasse n'a jamais été aussi inquiétante. “Même s'il y a déjà eu plusieurs rounds, les perspectives sur le court terme ne sont pas très claires”, constatent des diplomates onusiens. Pourtant, la nouvelle dynamique créée à la faveur du projet de société choisi par les Marocains, mais également par les soubresauts qui secouent le voisinage immédiat et laissent entrevoir de sérieuses menaces quant à la sécurité et la stabilité en Afrique du Nord et au-delà dans la bande sahélo-saharienne, exige un “retour rapide” au cadre formel des négociations. Le “temps est désormais à l'action et à la mise en œuvre prompte et fidèle des résolutions du Conseil de sécurité”, estiment ces diplomates. Tout en reconnaissant “l'utilité et le mérite des rencontres informelles” et des activités parallèles qui les accompagnent, le Maroc appelle de ses vœux à un retour au cadre formel pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité, a déclaré à la MAP, un diplomate onusien. A l'instar du Conseil de sécurité, l'Assemblée générale a appelé, à nouveau, la semaine dernière toutes les parties à apporter la “démonstration de leur volonté politique de dépasser les blocages et les clivages” afin d'entrer dans une phase de négociation intensive et substantielle pouvant garantir la progression vers une solution définitive à ce différend. Une solution négociée basée sur le réalisme et l'esprit de compromis à la question du Sahara revêt un caractère prioritaire dans le nouvel ordre régional au Maghreb marqué par de profonds changements et toujours sous la menace de la nébuleuse terroriste, soulignait récemment à New York, l'ancien représentant spécial du secrétaire général de l'Onu pour le Sahara, Erik Jensen. Dans cette perspective, l'initiative marocaine d'autonomie reste la solution la plus réaliste à ce conflit d'un point de vue américain tout comme français ou espagnol, a insisté cet ancien haut responsable onusien, qui a exercé dans la région de 1993 à 1998. Pour M. Jensen, depuis les évènements qui ont secoué la région d'Afrique du Nord et du Moyen Orient (MENA), l'ancien ordre, quand il n'a pas totalement disparu, a connu de grands défis. Mais dans tous les cas, selon lui, un nouvel ordre doit émerger pour accompagner la nouvelle génération de populations, en majorité des jeunes, bien éduqués, aspirant à une vie meilleure et mieux au fait de leur environnement immédiat et international. Les jeunes séquestrés dans les camps de Tindouf en Algérie s'inscrivent eux-aussi dans cette optique. Dans l'attente d'une résolution définitive de ce différend régional, les séquestrés des camps de Tindouf sont privés des droits les plus élémentaires dont ceux relatifs à la liberté d'opinion, d'expression et de mouvement. Ils n'ont même pas droit au recensement, pourtant garanti par le droit humanitaire internationale et dont a fait appel la dernière résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara. Lassés de la politique attentiste qui a prévalu des décennies durant, ces jeunes aspirent à des temps meilleurs sous d'autres cieux. Que leur restent-ils ? Fuir. Au mieux pour regagner la patrie, car séduits par une place au soleil dans le cadre de la proposition d'autonomie et de la nouvelle Constitution, quand ils ne sont pas interceptés - Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud en a fait l'amère expérience. Au pire tomber dans l'escarcelle de la grande criminalité qui sillonne le Sahel et où les milices terroristes du “polisario” ont élu domicile. Les récents enlèvements d'occidentaux notamment à l'intérieur des camps de Tindouf et dont la complicité d'éléments du polisario y est maintenant établie, ainsi que les incursions dans des Etats souverains confirment cette réalité inquiétante. De nombreux observateurs de la question maghrébine avaient, à plusieurs reprises, tiré la sonnette d'alarme dans ce sens. Le Maroc, vit dans un “voisinage turbulent et dangereux”, soulignait l'ancien ambassadeur américain au Maroc, Marc Ginsberg, alors qu'Erik Jensen mettait en garde contre un “Sahélistan aux portes du Maghreb”. Ces changements en cours dans le monde, à la fois alarmants et porteurs d'espoir, encouragent à discuter, justement, d'une large autonomie respectueuse des spécificités locales, qui reste la “solution la plus réaliste”. De même, la nouvelle Constitution tout en consacrant l'identité plurielle du Maroc élargit les libertés individuelles, promeut les droits de l'Homme et garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire, dans le cadre d'une véritable démocratie parlementaire. Pour de nombreux analystes, “le processus démocratique et le respect des droits de l'Homme permettent à l'initiative d'autonomie de prendre pleinement corps” et démontre à nouveau la volonté politique du Maroc et sa faculté à s'adapter à la nouvelle donne régionale. Aujourd'hui, le moment est venu pour “repenser et saisir” les nouvelles opportunités offertes par les mutations en cours dans la région arabe et maghrébine, estime-t-on. Pour l'ancien représentant du secrétaire général de l'ONU au Sahara, il est évident que le conflit du Sahara constitue le plus grand obstacle devant la réalisation de l'Union du Maghreb. Une union qui offre aux pays d'Afrique du nord de brillantes perspectives de développement économique dans le cadre d'un Maghreb stable et prospère pour faire face aux défis futurs. “L'amélioration perceptible des relations maroco-algériennes peut ouvrir de nouvelles perspectives à cette question dans le cadre de la large autonomie”, proposée par le Royaume, a indiqué à la MAP une source diplomatique onusienne. Un partenariat régional et une coopération effective couplés à une véritable démocratie sont, pour lui, les meilleures armes pour contrer la nébuleuse terroriste. Dès lors, échouer dans la résolution du conflit du Sahara n'est pas uniquement un échec pour les aspirations des peuples de la région, mais une porte ouverte à tous les périls.