Dans ses répliques aux questions des députés, lundi dernier à l'hémicycle, Abdelilah Benkirane a tenu, à sa façon teintée d'obséquiosité, un discours de pondération devant les signes de la crise ambiante. Tout en étant grincheux à l'égard de certains propos provocateurs, à l'instar de cette députée qui taxa déjà son mandat actuel de débâcle cuisante, le chef de gouvernement reconnait la lourdeur de la conjoncture, sans pour autant, verser dans le drame. «Il ne faut pas se leurrer, la crise est dans nos murs. Notre argentier l'a définie clairement dans les chiffres, sans dérobade ni occultation. Mais, nous accusons le coup et maîtrisons la situation. Au-delà des statistiques qui peuvent inciter à l'alarmisme, nous agissons en sérénité, car face au flottement des aléas, l'affolement des esprits ne sert à rien », s'explique-t-il, en martelant, haut et fort, les coups bas des détracteurs. Certes, le responsable de la primature qui garde encore, en dépit de son passage à l'autre côté de la barrière, certains réflexes agitateurs, se trouve en posture de défensive, en face, aussi bien de la récession financière globale aux retombées inéluctables sur le pays, que les émules politiques qui, à couteaux tirés, n'attendent que pareilles aubaines. Il va sans dire que, outre les clivages politiques, les répercussions économiques et sociales sont à considérer avec beaucoup d'agressivité et de méthode. La parenthèse des émeutes protestataires des masses populaires n'est pas définitivement fermée. La cherté de la vie flambe à des cadences infernales. Les prémices de la réapparition d'une nouvelle descente imposante dans les rues annoncent déjà la couleur. Bref, on n'est nullement loin d'un soulèvement tendu des colères. Cette fois-ci, ce n'est pas la révision de la Constitution ni encore la mise en place d'un autre gouvernement qui calmerait les tensions. La confiance ne serait plus là, puisque “usurpée", une fois de plus ! On craindrait fort bien l'impopularité qui commence à se pointer à l'horizon, attisée par les ennemis de la démocratie et les bas présomptueux, lotis en embuscade au tournant. Dans ces camps déstabilisateurs, on ne cherche qu'embraser le front social, pour des calculs réducteurs et sectaires. Devant ces dénégations, on déplorera bien le mutisme incompréhensible de nombre d'intellectuels éclairés sensés s'impliquer dans les affaires publiques de la nation, au lieu de se la couler douce. Il semblerait bien que ceux-là qui s'arrangent exclusivement à rehausser leur registre, se cantonnent dans la soumission et la résignation. Tout en ignorant qu'ils peuvent toujours riposter aux déficiences de leur pays, les intellectuels ne cherchent jamais à se casser la tête ni avec les gouvernants, source de leurs aises, ni avec les gouvernés déshérités, tracas continuel de la société. Ce comportement servile des intellectuels est plus qu'irritant, dans un pays en pleine transition démocratique, où les marges de libertés se sont copieusement élargies. Nul besoin de rappeler que les grandes révolutions opérées dans les nations en quête de démocratie et de progrès, s'étaient enclenchées, par le truchement des sommités intellectuelles. Ce qui fait aujourd'hui leur force et leur rayonnement, à travers la planète. Il est vrai que c'est le peuple qui revendique, se bat et s'approprie les droits. Mais, l'avant-garde de ces mouvements a constamment été déclenché sous l'impulsion des idées illuminées des intellectuels. Notre pays a donc besoin de ces coups de pouce des intellectuels, ceux qui mettent l'intérêt du peuple et de la patrie au dessus de toute considération. On ne cessera alors de leur lancer : «Intellectuels du pays, réveillez-vous, la nation a besoin de vous !»