Lors d'une précédente chronique consacrée essentiellement aux productions télévisuelles destinées au mois sacré de ramadan, nous avons été assez intransigeant à l'égard de ces médiocrités à mettre à genoux tout un mastodonte. Ce jour-là, certainement on a pris un courroux justifié, nous avons fustigé fortement ces bêtises qui malmènent notre détente dès la rupture du jeûne. Il convient aujourd'hui, d'en soustraire, pour mettre en évidence, un chef d'œuvre qui, incontestablement, émerge de ces tripatouillages de pacotille. Il s'agit, en fait, du feuilleton « Bnat Lalla Mennana », reconversion inspirée du fameux ouvrage « la Casa De Bernarda Alba », de la sommité ibérique Garcia Lorca. Cette exception ravive les cœurs des citoyens par le raffinement et la grâce de cette pléiade d'artistes, la suavité et la limpidité du texte interprété, le chatoiement et la majesté du cadre nordique, la fulgurance et le panache des événements dramatiques, le pincement et la virtuosité de la rhétorique fringante...On aurait injustement pénalisé toute cette prouesse artistique hors pair si on l'avait mise dans le même sac de toutes ces sottises ramadaniennes. Fort heureusement, « Bnat Lalla Mennana » est, assurément, cette étincelle phosphorescente qui revigore la fierté de l'art marocain qui s'en va dénicher les gisements intarissables de notre patrimoine et en confectionner des merveilles dans tous leurs états. Tout au long de cette série pétillante, on a affaire à une somptueuse cohérence de tous les détails : décors, costumes, accessoires, récits, effets sonores, fonds musicaux, répliques, verbes, ambiances...Rien n'est laissé au hasard ! Tous ces ingrédients articulés d'une sobriété hallucinante, convergent vers une confection enseignementale de notoriété sociétale. Le cynisme conservateur et la tolérance libertine, deux antagonismes mis à rude épreuve, à travers des scènes alternant subtilement la légitimité des désirs individuels et la frustration des contraintes sociales. Sans, pour autant, verser dans le mélodrame démesuré ni dans la linéarité monocorde, puisque, par ricochet, on a droit à des passages de fortes charges aussi bien pathétiques que festives. Ces prestations à dominante féminine renvoient à des complicités d'une harmonie poignante, marquées à la fois par des grincements divergents, mais également des affectivités latente de haute intensité. Y compris la mère (Sâadia Azgoun) aux apparences despotiques manifestes, dissimulant un profond et latent glamour pour ses filles, abattues par la privation charnelle. Noura Skalli, Sâadia Ladib, Samia Akariou, Nadia Alami, Hind Sâadidi, actrices de talent, lauréates de l'Institut Supérieur d'Art Dramatique et d'Animation culturelle (ISADAC) auront, sans doute, sauvé ces piètres soirées ramadanesques, par ce respect ardent de la noblesse de l'art, ce civisme engagé envers les citoyens et cette sublimité chevaleresque du jeu. On ne passera pas sous silence cette sensualité saisissante de cette anthologie de la rampe marocaine qui n'est autre que la prodigieuse Naima Lemecherqui. Une présence imposante qui, à coup sûr, donna du punch et de la verve à ses petites filles, tout feu tout flamme.