L'accessibilité aux médicaments, ou plus exactement l'équité de l'accessibilité aux médicaments est un sujet qui ne cesse de revenir au devant de la scène. Tous les médias se sont intéressés et ne cesse à ce jour de témoigner un grand intérêt à ce problème , surtout quand il est question de baisse des prix, ce qui de facto signifie une plus grande accessibilité aux médicaments pour un grand nombre de Marocains, des prestations de qualité meilleur , une amélioration de la prise en charge des soins de santé des citoyens car les médicaments représentent un aspect fondamental dans la lutte contre les maladies sans oublier le poids qu'ils font peser dans les dépenses de l'assurance maladie obligatoire. Au total, ce sont 400 produits médicamenteux dont les prix seront revus à la baisse, alors que les spécialités enregistrées sont de l'ordre de 6.000 Pour ce qui est de savoir quels sont les médicaments qui seront assujettis à la baisse, pour l'heure, rien ne filtre sur les familles de médicaments concernés par cette mesure gouvernementale. Pour le moment, la seule chose que l'on sait, c'est que cette mesure sera effective à partir du 1er Décembre 2012. Pour répondre a cette question, il est important de revenir un peu en arrière et plus exactement en 2009. A cette époque, une commission d'enquête parlementaire baptisée mission d'information du Parlement, supervisé par Mr Khalid Hariri, député USFP, avait mené une étude approfondie sur le prix des médicament au Maroc. Cette étude a permis de démontrer de manière scientifique que le médicament au Maroc est cher comparé aux prix dans des pays similaires. Ce que beaucoup reprochaient souvent aux laboratoires pharmaceutiques et au ministère de la santé sans jamais pouvoir le prouver de manière chiffrée. Trous éléments essentiels sont apparus : 1er : les prix des médicaments sont anormalement élevés au Maroc. 2éme : la responsabilité incombe à la fois au secteur industriel et à l'administration chargée de la fixation des prix, en l'occurrence le ministère de la santé. 3éme : il est possible de baisser rapidement les prix en appliquant un certain nombre de mesures. Pour évaluer le niveau de la cherté, la mission a adopté plusieurs approches : la comparaison avec le pouvoir d'achat des catégories à revenus limités, un benchmark avec d'autres pays (Tunisie, France et Nouvelle-Zélande) et un rapprochement des prix des mêmes molécules sous des marques différentes. Le résultat est sans appel. Les prix des médicaments (un panier de 14 princeps) sont supérieurs de 31 à 189% par rapport à la Tunisie. Pour les 12 produits les plus vendus au Maroc, les patients ont payé, entre 2004 et 2008, 1,13 milliard de DH de plus que leurs voisins tunisiens. Par ailleurs, sur les 14 princeps retenus, les prix de 11 produits sont 30% plus élevés au Maroc qu'en France, un des pays européens où les médicaments coûtent le plus cher ! En ce qui concerne les génériques, le Maroc reste également plus cher que la Tunisie et la Nouvelle Zélande et moitié moins cher par rapport au marché français. Enfin, la comparaison avec la Tunisie révèle que sur les 13 génériques les moins chers retenus dans l'étude, 10 sont plus chers au Maroc. La différence va de 6 à 135%. Il est évident que ce rapport ainsi que les recommandations inspirées du rapport commandé par le ministère au bureau d'études Business Consulting Group (BCG), avaient tous deux abouti aux mêmes conclusions : les prix des médicaments sont chers au Maroc. Pourquoi une baisse des médicaments en ce moment précis ? Le nouveau ministre de la santé, le Pr Houssein Louardi, avait au lendemain de sa nomination fait sienne la question de l'accessibilité aux médicaments. Il n'a jamais caché que le droit pour tous à la santé, tel que le stipule la nouvelle constitution, implique de facto le droit aux médicaments, et surtout à leur accessibilité pour tous. Le Pr Louardi dans un soucis d'équité, de justice sociale, de cohérence, de respect de l'éthique et de la déontologie et du serment d'Hippocrate qu'il a prêté en tant que professionnel de santé ne pouvait rester insensible face aux drames que vivent bien des citoyens démunis ou au pouvoir d'achat limité, des drames qui découlent quand les prix des médicament sont anormalement élevés. Aujourd'hui, nul besoin d'un quelconque rapport ou étude pour dire que les prix de beaucoup de médicaments restent chers. Une grande frange de nos concitoyens n'a pas les capacités financières d'acquérir les médicaments prescrits par les médecins, les plus pénalisés sont ceux qui n'ont pas de couverture médicale de type AMO (pas plus de 34%), d'assurance privée ou autre, ce qui explique la faible consommation des médicaments. et comme toujours, ce sont les pauvres, les économiquement démunis, les chômeurs, la veuve et l'orphelin qui sont les premiers à en pâtir. Dans ces cas précis a-t-on le droit de détourner les yeux et de laisser ces citoyens souffrir ou voir leur état de santé se détériorer ? L'industrie pharmaceutique, un fleuron de notre industrie, doit contribuer à cet élan de solidarité en procédant à la baisse des médicaments qu'elle fabrique. Les grossistes doivent eux aussi faire preuve de cohésion et participer à cette action pour le plus grand bien des malades dont les moyens sont limités . Les pharmaciens d'officines doivent absolument laisser parler leur cœur et agir en citoyens, en professionnels de santé soucieux de contribuer au développement et à l'essor de la santé dans notre pays. Les citoyens supportent depuis des décennies des contraintes qui sont liées à l'accès aux médicaments, cela est dû en grande partie à l'archaïsme de l'arsenal juridique puisque l'arrêté qui fixe le prix des médicaments (N°465-69) date du 19/09/1969, il est dépassé et ne réponds plus aux exigences actuelles en matière de médicaments. A ce sujet, il est utile de rappeler ici la position et les déclarations de Mr Abdelghani El Guermaï, président de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique, qui se félicite de l'accord auquel l'AMIP a abouti avec le Pr Louardi ministre de la santé, concernant un cadre juridique réglementant la détermination des prix des médicaments. Avec l'avènement du RAMED celui-ci va alléger un tant soi peu ce lourd fardeau, mais il n'en demeure pas moins vrai qu'il y aura toujours des médicaments que le malade devra acheter. C'est pourquoi le médicament doit être accessible à toutes les franges de notre population et ce conformément aux dispositions contenues dans la nouvelle constitution (article 31). Transparence, clarté et démocratie Telles sont les valeurs qui habitent l'actuel ministre de la santé pour insuffler une nouvelle dynamique au secteur de la santé, redonner confiance aux citoyens, placer le malade au centre des préoccupations des professionnels de la santé, permettre à chacun d'avoir accès aux soins dont il a besoin en fonction de son état de santé, des soins de qualité et permettre aussi une meilleur accessibilité aux médicaments. Le secteur de la santé dans notre pays est arrivé à un tournant important de son histoire, il s'agit de saisir toutes les opportunités qui se présentent pour le hisser haut et fort afin qu'il soit plus performant, plus juste et plus équitable. Il importe aujourd'hui plus qu'en d'autres temps d'adopter une vision concertée en matière de médicaments. C'est ce que vient de faire le ministère de la santé. A ce sujet, le professeur El Houssaine Louardi a présidé lundi 23 juillet 2012, à Rabat, la première réunion de la commission consultative du médicament et des produits de santé qui a pour objectif la mise en place de la politique nationale de médicaments, de la pharmacie et des dispositifs médicaux. Dans un souci de transparence, de clarté, de démocratie et afin de permettre au plus grand nombre d'acteurs d'être impliqués directement ou indirectement dans le médicament, le ministre de la santé, comme à son habitude, a tenu à associer tous les intervenants pour permettre d'avoir un large consensus autour d'un problème qui nous concerne tous, car il s'agit après tout de prendre des décisions qui touchent chaque citoyen marocain en ce qu'il a de plus cher , à savoir sa santé. Dans ce registre, une nouvelle politique du médicament est la seule à même de pouvoir remédier aux multiples incohérences et lacunes qui existaient depuis des années. Une nouvelle politique du médicament, plus adaptée au contexte actuel, plus juste, plus cohérente, plus équitable et plus efficiente, constitue le meilleur moyen pour se donner une vision commune des différents intervenants pouvant guider l'ensemble des actions qui pourront être décidées. En outre, cette nouvelle politique, devrait permettre de concilier la capacité de payer des uns et des autres que ce soit l'état ou les citoyens si l'on veut être cohérent avec un usage optimal des médicaments, d'une part, et les intérêts de l'industrie biopharmaceutique et le développement économique, d'autre part. Le citoyen doit être au cœur des réflexions tout au long du processus d'élaboration de cette nouvelle politique du médicament, ce qui se traduira dans un très proche avenir par des mesures concrètes pour améliorer l'accès aux médicaments au plus grand nombre de nos concitoyens, particulièrement les personnes que l'on considère vulnérables au point de vue économique. Il faut savoir raison garder La baisse des prix des médicaments est une décision qui a reçu un accueil favorable de la part de l'AMIP qui fait preuve d'une solidarité acquise à la bonne cause, chose qui honore tous les membres de cette industrie citoyenne. Même chose du côté des grossistes qui montrent eux aussi leur adhésion à cette décision cohérente juste et justifiée. Mais les pharmaciens d'officines réagissent autrement, ils se sont d'abord retirés de la Commission Consultative du Médicament et des Produits de Santé (CCMPS), ils entendent par ce geste contester contre la baisse de prix de certains médicaments qui sont au nombre de 400 sur un total de 6.000 spécialités enregistrées. Tous les produits qui sont en vente au niveau des pharmacies ne sont pas concernés par ces baisses de prix, et croyez moi, ils sont nombreux ces produits. Dans ces conditions, la petite baisse de certains médicaments reste insignifiante autant dire une goutte d'eau dans un océan. Il faut revenir à la raison, sans vouloir prendre un quelconque parti, mais tout de même en étant soucieux de défendre le pouvoir d'achat des citoyens démunis, et de leur permettre d'avoir accès aux médicaments à des prix raisonnables, je m'inscrits dans une logique évidente qui découle du vécu de chaque citoyen face à la maladie. La baisse des prix des médicaments est inéluctable, il faut que chacun puisse prendre conscience que c'est un choix irréversible, c'est ce que demandent les citoyens, c'est ce qu'ils attendent, c'est ce qu'ils espèrent. Le ministre de la santé en avait fait une de ses priorités, il ne peut de ce fait décevoir des millions de nos concitoyens pour satisfaire 12.000 pharmaciens qui eux aussi ont des droits et qu'il s'agira de trouver des solutions pour satisfaire tout le monde. Les pharmaciens d'officines sont des acteurs incontournables du système de santé, ils jouent un grand rôle dans la promotion et la préservation de l'état de santé de notre population, ils sont très sollicités, chaque jour ce sont plus d'un million de nos concitoyens qui entrent dans les 12.000 pharmacies réparties sur l'ensemble du territoire national, ce sont plus de 100 clients par pharmacie et par jour, c'est important, il faut tenir compte de toutes ces données. C'est pourquoi je suis tenté de dire que le ministre de la santé, Houssein Louardi, n'a pas ignoré les droits des pharmaciens d'officines comme peuvent le penser certains qui vont vite en besogne. Je puis avancer que c'est tout à fait le contraire et l'avenir nous dira qui a raison et qui a tort. D'ici là portez-vous bien.