Il a fallu attendre, jeudi, la tombée du soleil pour s'assurer que le mois du ramadan sera entamé le lendemain en Espagne pour coïncider avec le 20 juillet. De nombreuses sources dignes de foi, des prédicateurs de mosquée et leaders religieux dans plusieurs régions d'Espagne l'ont confirmé à Albayane dans des communications téléphoniques. En général, ce mois est considéré comme la plus forte expression de l'attachement du musulman en pays d'accueil aux percepts de l'islam, aux valeurs de solidarité et de concordance et aussi comme un geste de sacrifice. Les associations musulmanes d'Espagne pullulent mais n'agissent pas selon les mêmes critères dans l'encadrement des fidèles. C'est la raison pour laquelle la communauté musulmane n'a pu constituer son propre Conseil Islamique qu'en avril de 2011. Il a fallu que les grandes associations et fédérations se mettent d'accord sur les statuts de cette institution. Jusqu'à cette date, chacune des ces entités disposait de son propre conseil, sa zone d'influence, ses alliances et fidèles. L'avènement du mois sacré du ramadan a été, ainsi, salué par un geste d'unanimité dans la mesure où toutes les associations et fédérations ont annoncé le début de ce mois au même jour sans manifester d'allégeance à aucune autre partie du monde musulman. Ce sont les mêmes entités qui ont contribué à la mise sur pied à l'issue d'une longue gestation du Conseil Islamique d'Espagne. Il s'agit de l'Union des Communautés Islamiques d'Espagne (UCIDE), la Fédération Musulmane d'Espagne (FEM), la Fédération Islamique de la Région de Murcie (FIRM), du Conseil Islamique Superior de la Communauté Valencienne (VISCOVA), la Fédération Islamique pour la Communauté Autonome des Iles Baléares, Fédération des Rassemblements Islamiques pour la Convivialité, Fédération des Communautés Musulmanes Africaines, Fédération Islamique d'Andalousie, Fédération des Entités Musulmanes de la Communauté Valencienne (FEMCOVA), Fédération Islamique de Catalogne (FIC) et Conseil Islamique Basque. Comme les membres fondateurs (entités de musulmans) représentent la majorité des collectifs de musulmans d'Espagne, le Conseil Islamique s'est converti ainsi en le principal organe de représentation des musulmans au royaume espagnol. Une large campagne de sensibilisation a été menée pour faciliter l'adhésion à ce conseil auprès du reste des associations et de fédérations de musulmans. En fait, à la différence de la France par exemple, la communauté musulmane d'Espagne est démunie de moyens de pression au plan politique pour faire prévaloir ses intérêts, défendre les droits des immigrés provenant des pays musulmans au plan professionnel et l'homologation de certaines de leurs coutures et traditions culinaires. Pourtant, il existe un accord de coopération entre l'Etat espagnol et la Commission Islamique d'Espagne, promulgué au Bulletin Officiel de l'Etat, le 12 novembre 1992, en reconnaissance à « l'enracinement de l'islam dans la société espagnole grâce à la forte présence des citoyens de confession musulmane et l'extension de leur credo ». Ce texte législatif représente une haute valeur pour la communauté musulmane qui était, jusqu'au début des années 90, quasi-ignorée sinon dénigrée. Le texte reconnaît que « la religion islamique, de tradition séculaire dans notre pays, (est) dotée d'une importance significative dans la formation de l'identité espagnole, représentée par différentes communautés de ladite confession, inscrites au registre des Entités Religieuses » (...). Cette reconnaissance a été accompagnée de la signature d'accords de coopération qui prévoit des droits individuels et collectifs. Parmi les droits collectifs, la législation espagnole prévoit le droit de culte et d'établissement de lieux de culte et cimentières propres, de s'affilier au Régime de la Sécurité Sociale, d'organiser et recevoir des offrandes et collectes, à l'exemption de certains imports et tributs, d'établir des centres et organiser des activités de caractère bénéfique ou d'assistance, d'entretenir des relations avec ses propres organisations et d'autres de confessions religieuses aussi bien en Espagne qu'á l'étranger, la garantie de tutelle sur la conservation et le développement du patrimoine culturel d'intérêt religieux et des questions en rapport avec l'alimentation propre. C'est grâce à ces accords que la communauté musulmane a pu disposer d'une plateforme juridique pour s'installer dans différentes régions et exercer en toute liberté ses pratiques religieuses conformément aux normes en vigueur. De nombreuses dispositions sont également prévues mais malheureusement ne sont pas prises en compte, par exemple, dans le domaine professionnel. Il existe en outre une convention, signée en 1992, selon laquelle le travailleur musulman a le droit d'exiger un horaire spécial en mois de ramadan, une réduction du nombre d'heures de travail, et prendre le ftour à l'appel du muezzin. Cette convention a été au départ respectée par les chefs d'entreprise lorsque le collectif marocain représentait 85% de la main d'œuvre étrangère. Deux décennies plus tard, le panorama du marché du travail a totalement changé et les conditions au lieu de travail sont imposées par l'entrepreneur qui se préoccupe uniquement de la productivité et le coût bas du produit. Aucun travailleur musulman ne peut, dans l'actuelle conjoncture que traverse le marché de l'emploi, revendiquer le respect à la lettre de l'esprit de cette convention ni le contenu des accords conclus entre l'Etat espagnol et la communauté musulmane. Ainsi, les conditions du marché du travail avec l'avènement du ramadan en ce juillet de 2012 sont totalement différentes de celles du début des années 90 lorsque l'Espagne était en plein décollage économique et nécessitait une forte main d'œuvre pour faire marcher son économie. Aujourd'hui, la communauté musulmane d'Espagne, composée majoritairement de marocains, est sérieusement affectée par la récession économique. Le taux de chômage au sein du collectif marocain est supérieur à celui de l'ensemble des autres catégories sociales. Si le chômage au niveau national représente 24,3% de la Population Active (4.65.269 personnes en chômage), ce taux bat tous les records lorsqu'il s'agit de repasser les données concernant le collectif marocain. Sur les 234.889 étrangers non communautaires touchant des indemnités de chômage, 70.697 sont marocains (30,09%). De même sur les 421.185 immigrés demandeurs d'emploi, 153.525 sont d'origine marocaine (36,86%). Compte-tenu de ces données, puisées dans des sources gouvernementales actualisées le 16 juillet courant, il est permis d'affirmer que la communauté musulmane est confrontée à de dures conditions de vie en ce début de ramadan. Le collectif marocain, fort de 848.109 membres (27,08% du total des étrangers non communautaires) représente près de 69% du total de la communauté musulmane d'Espagne. L'absence de statistiques fiables concernant cette communauté crée une grande confusion dans la mesure où certaines associations et fédérations avancent un chiffre de deux millions de fidèles alors que d'autres parlent de 1,6 million. Le chiffre le plus proche de la réalité démographique du collectif musulman serait de 1.250.000 personnes. D'ailleurs, de nombreux musulmans ont accédé à la nationalité espagnole. Autre difficulté à affronter par le musulman sont les hautes températures qui s'abattent sur certaines régions où le mercure monte jusqu'à 44 degrés. A Madrid, le thermomètre marquait à 13 :00 plus de 37 degrés à l'ombre. En dépit de ces aléas, le fidèle marocain (et musulman en général) fait montre chaque année au sein de la société espagnole d'un grand courage, donne une leçon de patience et de résistance au lieu de travail et assume avec abnégation son devoir de bon musulman. Ceci va se passer aussi cette année durant les 16 heures que dure la journée du jeûne, du shour à 05 heures 17 jusqu'au ftour à 21 heures 33, pendant les 30 jours du ramadan.