Durant le mois de ramadan, la femme marocaine résidant à Madrid assume un exceptionnel rôle en tant que chef de famille, agent économique et mère. Il est surprenant de constater le grand nombre d'immigrantes marocaines qui occupent l'espace public durant ce mois et assument des rôles qui sont généralement destinés à l'homme. Elle est visible et plus dynamique que durant les autres mois de l'année. Appartenant à la communauté musulmane la plus nombreuse, la femme marocaine s'investit énormément dans les activités entrepreniales, assiste aux cérémonies religieuses et culturelles, et, participe aux ftours collectifs. Comme commerçante, elle est activement présente, dès la prière d'Al Asr, aux alentours des mosquées et lieux de rassemblement des immigrés de confession musulmane. Sa spécialité est de reproduire une ambiance ramadanienne en offrant les produits alimentaires les plus prisés par ses compatriotes. Parmi ses clients, il y a aussi des fidèles d'autres nationalités et espagnols de confession chrétienne. Les crêpes marocaines (baghrire) et le pain du « tajine » sont les produits les plus sollicités. Quant aux gâteaux au miel (mkharka, chebbakia, makroute), elle préfère les exposer aux boucheries Hallal et aux super-marchés installés dans les lieux de culte. C'est un produit « délicat », a commenté à Albayane une marocaine qui étale sa production à l'entrée de la Mosquée Abou Bakr, au quartier de Tétouan de Madrid. Elle compte plus de trois décennies en Espagne mais se déclare fière d'avoir de fidèles clients et de servir « un produit sain et à des prix abordables en cette période de crise », assure-t-elle. « Nous devons faire preuve de solidarité à l'égard de nos compatriotes incapables de supporter le poids de la crise eux-seuls », ajoute Ommi Rahma qui fait de sa poussette un fonds de commerce. Elle n'est d'ailleurs pas la seule sur la place. La concurrence est « saine » puisque « toute la marchandise est entièrement livrée bien avant le ftour », affirme-t-elle. Les ftours collectifs sont aussi l'œuvre des femmes volontaires qui veillent à ce que tous les musulmans partagent ensemble le même repas. A la prière d'Al Icha, l'ambiance change radicalement. La mosquée est plus animée. Des familles entières viennent accomplir aussi les « taraouihes ». Les femmes, accompagnées de leurs enfants, investissent le super marché et l'exposition de livres. Les marocains « lisent peu pendant durant le ramadan », déplore Noureddine Bettioui, directeur de la maison d'édition marocaine Diwan et libraire qui expose à la mosquée Abou Bakr prés d'un millier d'ouvrages pédagogiques sur l'histoire, l'éducation religieuse, la cuisine marocaine, la traduction et l'alphabétisation. Des exemplaires du livre saint le Coran, essais de recherche sociologique et écrits sur la communauté marocaine en Espagne y sont également exposés. « Les ventes sont très basses, ce qui démontre le manque de tradition de lecture chez les marocains », ajouté cet éditeur qui a déjà mis le marché une dizaine d'ouvrages publiés sur la réalité sociopolitique au Maroc, l'intégration de la femme à Madrid et la condition de la femme de ménage immigrée à Madrid. Expliquant à Al Bayane la forte présence des femmes marocaines à la mosquée le soir, Bettioui soutient que « la nuit est plus dynamique pendant le ramadan et revêt un aspect convivial offrant à la femme la possibilité de se ressourcer à la mosquée, se réunir avec les autres membres de sa communauté marocaine et tisser plus de liens de confraternité. » Cette ambiance se reproduit également avec les mêmes rites et les mêmes acteurs dans d'autres lieux à forte concentration marocaine avec pour acteur principal la femme marocaine.