Le dossier des victimes marocaines de la barbarie espagnole ressurgit. Le Maroc demande à l'Espagne d'ouvrir un dialogue "serein et responsable" sur le dossier de l'utilisation des armes chimiques pendant la guerre du Rif, dans les années 1920, a indiqué, lundi, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Saad Eddine El Othmani. Ce dialogue doit se faire dans le cadre de l'accord stratégique global entre les deux pays et prendre en compte le développement qu'ont connu les relations bilatérales, a précisé M. El Othmani lors de la séance hebdomadaire des questions orales à la Chambre des représentants, estimant que Madrid "n'aurait aucune objection" pour le lancement d'une telle initiative. Le Maroc est engagé dans la défense de ce dossier qui relève "de la responsabilité de l'occupant", a-t-il poursuivi, faisant remarquer que les gouvernements marocains successifs ont adopté la même position sur cette question "qui est au-dessus des différences et des considérations politiques". Le prédécesseur d'El Othmani, Taïb Fassi Fihri avait exhorté les parties espagnoles à réparer les préjudices subis par les soldats marocains engagés dans la guerre civile d'Espagne (1936-1939). Et quid du sort des victimes de l'utilisation par l'Espagne d'armes chimiques au cours de la guerre du Rif (1921-1927) ? «Le gouvernement estime que le moment est venu pour que justice soit rendue aux soldats marocains engagés dans la guerre civile d'Espagne (1936-1939) et à leurs ayants-droit, notamment en ce qui concerne l'amélioration de leurs conditions matérielles». C'est en ces termes qu'avait répondu l'ancien ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Taïb Fassi Fihri à une question sur les droits des familles des soldats tués ou portés disparus lors de la guerre civile d'Espagne, formulée par le groupe parlementaire de l'Istiqlal (Unité et Egalitarisme) et le groupe socialiste au Parlement. «Le Maroc invite l'Espagne à une nouvelle lecture audacieuse de la mémoire commune, dans la sérénité et loin de tous préjugés, selon une démarche scientifique pour éclairer les zones d'ombres de ce pan d'histoire commune», avait souligné l'ancien ministre. Le nombre de ces combattants reste indéterminé. Toutefois, des estimations marocaines oscillent entre 100.000 et 130.000 alors que des sources espagnoles font état de 80.000 soldats, avait fait remarquer M. Fassi Fehri. Dans le lot, figurent environ 9.000 enfants, avait précisé l'ancien ministre. Au cours de la guerre du Rif (1921-1927), l'Espagne avait mené une guerre d'agression contre la population du Nord. L'armée ibérique avait utilisé systématiquement, en guise de vengeance contre la débâcle espagnole lors de la bataille d'Anoual, des armes chimiques non conventionnelles. Ces armements non conventionnels étaient interdits par les conventions de la Haye de 1899 et 1907. En 2007, le parti catalan Gauche républicaine (Izquierra republicana) avait présenté une proposition de loi appelant l'Etat espagnol à assumer sa «responsabilité» dans l'utilisation de ces armes chimiques et demander «pardon» aux victimes de ces actions militaires. Des études espagnoles dédiées à la recherche historique avaient confirmé l'emploi de ces armes chimiques par l'armée espagnole dans le Nord du Maroc. L'appel de Rabat sera-t-il entendu de l'autre rive pour épurer l'héritage colonial qui concerne aussi les victimes de l'utilisation des armes chimiques dans le Rif?