Le Congrès des députés espagnol (Chambre basse du parlement) devrait débattre, mercredi, d'une proposition de loi sur la reconnaissance de la responsabilité de l'Espagne dans l'utilisation d'armes chimiques, par l'armée espagnole, contre les populations civiles dans le Rif au début du 20-ème siècle. Dans cette proposition de loi, émanant du groupe du parti catalan de la Gauche Républicaine (Esquerra Republicana, ERC), l'Etat espagnol est invité à reconnaître sa responsabilité historique et à prendre les mesures conséquentes pour indemniser les victimes de ces armes chimiques ou leurs ayants droit. Déposé à l'initiative des députés Joan Tarda i Coma et Rosa Maria Bonas i Pahisa, ce texte rappelle que "l'Etat espagnol a entamé au début du 20-ème siècle une guerre d'agression contre la population du Rif sans distinction entre civils et militaires, utilisant systématiquement depuis 1921, en guise de vengeance contre le désastre d'Anoual (NDLR, défaite des Espagnols lors de la guerre d'Anoual), des armes non conventionnelles interdites en vertu des Conventions de La Haye de 1899 et 1907". Les auteurs de la proposition de loi relèvent que d'éminents historiens et chercheurs espagnols, comme Juan Pando, Maria Rosa de Madariaga, Carlos Lazaro et Angel Vinas, se sont basés sur les archives officiels de l'Etat espagnol pour confirmer que l'armée espagnole a fait usage à outrance d'armes chimiques pour mater la résistance des populations du nord du Maroc, sous le commandement de feu Abdelkrim Khattabi, entre les 1921 et 1927. D'autres investigateurs européens ont aussi confirmé l'utilisation de ces armes non conventionnelles par l'armée espagnole, comme les chercheurs allemands Rudibert Kunz et Rolf-Dieter Muller, qui ont consacré en 1990 un ouvrage à cette tragédie sous le titre "Gaz vénéneux contre Abdelkrim. L'Allemagne, l'Espagne et la guerre du gaz dans le Maroc espagnol". Les commandants de l'armée espagnole surnommaient "Bombes X" ou "Bombes spéciales", ces armes produites à partir de matières chimiques très dangereuses comme le Phosgène, qui est, à température ambiante, un gaz très toxique, le Diphosgène ou encore la Ypérite (gaz moutarde) et la Chloropicrine. L'historien britannique Balfour a indiqué dans une recherche minutieuse, basée sur les archives militaires espagnols, que l'aviation espagnole larguait des bombes chimiques sur les populations du Rif dans les jours de grandes concentrations comme les souk hebdomadaires et les fêtes, dans l'objectif d'exterminer le plus grand nombre de personnes. Cette stratégie militaire d'extermination des populations du Rif par le biais d'armes de destruction massive sans distinction entre civils et résistants a été approuvée par le roi d'Espagne à l'époque Alfonso XIII qui manifestait publiquement sont intérêt pour les armes chimiques. Des rapports officiels, élaborés pour le compte de l'ONU, par des experts de renommée internationale, tel que le Pr. Christine Margaret Gosden, titulaire de la chaire de médecine génétique de la "Royal University of Liverpool", confirment les effets mutagènes et cancérigènes des armes chimiques employées dans cette sale guerre. Les statistiques officielles marocaines attestent que 80 PC des patients atteints de cancers du larynx sont originaires du Rif, en plus de patients souffrant d'autres pathologies cancérigènes. La proposition de loi présentée au Congrès des députés demande à l'Etat espagnol de reconnaître sa responsabilité pour les actions menées par l'armée espagnole contre les populations du Rif entre les années 1922 et 1927, sur ordre du roi Alfonso XIII. Le texte invite aussi les autorités espagnoles à demander pardon aux populations du Rif à travers l'organisation d'actes de réconciliation, de fraternité et de solidarité avec les victimes, leurs descendants et l'ensemble des habitants du nord du Maroc. L'Etat espagnol est aussi invité à répondre aux demandes d'indemnisation qui pourraient être formulées, à titre individuel, par les victimes de cette agression ou par leurs ayants droit. Les promoteurs de cette proposition de loi demandent également au gouvernement espagnol de lancer, dans le cadre de la coopération hispano-marocaine, des programmes de développement dans le Rif, notamment dans les régions de Nador et Al Hoceima, en guise d'indemnisation collective pour les dégâts subis par les populations de ces régions. Le gouvernement espagnol est également appelé à doter les hôpitaux des villes de Nador et Al Hoceima d'unités d'oncologie pour traiter les patients qui souffrent toujours de pathologies causées par ces armes chimiques.