Contrairement aux faux préjugés véhiculés dans les médias et meublant la mémoire collective, les Marocains débarquent en Espagne dans des conditions légales et à travers des circuits officiels. Plusieurs instruments législatifs interviennent dans leur installation dans le pays voisin, soit à travers des contrats de travail in situ, soit par le biais du regroupement familial ou pour des raisons d'études. C'est le département de visas aux consulats espagnols qui prend en charge la gestion des procédures d'attribution des autorisations d'entrée des marocains sur le territoire de leur pays. La présence des immigrés marocains en Espagne est régulée par une série d'accords bilatéraux et conventions internationales dont la finalité est de leur garantir les conditions optimales de résidence et de travail. Depuis 1980, l'immigration fait partie de l'éventail des délicats contentieux dans les relations entre le Maroc et l'Espagne bien qu'un rosaire d'instruments réglementaires soit mis en marche depuis 1956 pour rendre plus faciles les déplacements de leurs respectifs citoyens. De ce fait, le Maroc est le pays avec lequel l'Espagne a conclu le plus important nombre d'accords, de conventions et de mémorandums en matière migratoire. Déjà, les gouvernements des deux pays ont procédé, le 10 juin 1964, à un échange de notes sur la suppression de visas des passeports des diplomates et personnalités officielles alors que l'immigration ne constituait guère un thème notoire dans les relations bilatérales. Depuis la fin des années 70, les deux pays sont unis par la Convention sur la Sécurité Sociale, le texte-cadre qui représente la plus grande signification dans la coopération en matière de conditions de travail et d'emploi pour préserver les droits des travailleurs des deux pays. En vertu de ce texte, signé le 8 novembre 1979 et entré en vigueur le 1 er octobre 1982, les deux gouvernements ont déterminé les grandes lignes de la coopération dans le domaine professionnel et en matière de main d'œuvre « respectant le principe d'égalité de traitement entre les nationaux des deux pays conformément aux législations de Sécurité Sociale de chacun d'eux » afin que leurs travailleurs exercent ou avaient exercé une activité professionnelle dans l'un des deux Etats pour qu'ils aient « une meilleure garantie des droits qu'ils ont acquis ». Ce texte est promulgué au Bulletin Officiel de l'Etat Espagnol (BOE) numéro 245 en 1982 sous le titre « Instruments de ratification du 5 juillet 1982 de la Convention sur la sécurité sociale entre l'Espagne et le royaume du Maroc ». Dans la rédaction de cet accord, les deux parties se sont référées à la doctrine internationale en cette matière particulièrement l'article 1 de la Convention de New York du 26 septembre 1951, dite Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, complétée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967 ou la Convention 118 de l'Organisation Internationale du Travail concernant l'égalité de traitement en matière de sécurité Sociale de 1962. La Convention bilatérale sur la Sécurité Sociale qui comporte 47 articles a été revue en 1981 pour modifier les articles 6, 33 et 44. L'article 7 énumère la quasi-totalité des activités professionnelles et détermine le champ de son application en ce qui concerne l'Espagne à deux niveaux. A un premier niveau, l'article comprend les dispositions légales du régime général de la Sécurité Sociale, relatives à la maternité, la maladie commune ou professionnelle, l'incapacité professionnelle transitoire et accidents, que ce soient ou non de travail, l'invalidité provisoire ou permanente, la vieillesse, la mort ou la survie, la protection de la famille, la rééducation et réhabilitation d'invalides, l'assistance et les services sociaux. Au second niveau, l'article énumère les dispositions légales concernant les régimes spéciaux de Sécurité Sociale de la mer, agraire, des mines du charbon, des travailleurs ferroviaires, employées de ménage, travailleurs indépendants ou autonomes, représentants commerciaux, d'étudiants, artistes, écrivains ou de toreros. La Convention garantit la conservation des droits et cotisations à la Sécurité Sociale (Article 8) et aux prestations pour accidents de travail (article 26). Au début des années 90, les deux gouvernements furent obligés devant l'entrée en Espagne à partir du territoire marocain de citoyens de pays tiers, à élargir le champ de coopération en matière de politique migratoire avec la conclusion, à Madrid le 13 février 1992, de « l'Accord relatif à la Circulation de Personnes, au Transit et à la Réadmission d'Etrangers entrés illégalement » dans chacun des deux Etats. Il s'agit du premier de la nouvelle génération d'accords qui vont définir les contours de la nouvelle politique migratoire en Espagne en introduisant le concept de sécurité dans la doctrine de lutte contre les flux migratoires irréguliers à travers le Détroit de Gibraltar. L'accord, désormais dépassé par les événements, avait pour objectif de barrer la voie devant la nouvelle figure du « sans-papiers » de pays tiers et impliquer directement le Maroc dans la vigilance de la frontière sud de l'Espagne. Au préambule de ce texte, promulgué au BOE le 30 mai 1992, les deux parties expriment leur « préoccupation commune » d'instaurer un nouveau mécanisme de coordination et d'agir pour « mettre fin au flux migratoire clandestin d'étrangers entre l'Espagne et le Maroc ». Au début des années 90, la circulation des personnes entre les deux pays s'effectuait sans restriction. Toutefois, les forces de sécurité espagnoles commençaient à s'affronter aux premières vagues d'immigrés subsahariens qui provenaient de la rive sud du Détroit de Gibraltar. L'accord était venu pour définir les conditions dans lesquelles interviennent la « réadmission » et l'expulsion d'immigrés de pays tiers entrés « illégalement sur le territoire » d'un pays à travers de celui de l'autre. Concrètement, deux ans plus tard, l'application de manière globale en Europe de l'Accord de Schengen, à compter du 1 er juillet 1995 qui éliminait les contrôles frontaliers entre les Etats signataires, avait conduit à la création de nouvelles difficultés devant les flux de la population frontalière entre le Maroc et l'Espagne et l'imposition d'un visa d'entrée aux citoyens marocains. Adhérant à la nouvelle politique migratoire européenne, les deux gouvernements ont conclu le 6 février 1996 un Accord en matière de permis de résidence et de travail qui va réduire encore plus l'entrée des marocains pour pouvoir résider et travailler en Espagne. Pour régulariser les flux migratoires entre les deux rives du Détroit de Gibraltar, les deux pays se sont mis d'accord sur les conditions de recrutement des travailleurs saisonniers à travers un Accord administratif signé le 30 septembre 1999 à Madrid, lequel fut complété deux ans plus tard par la conclusion, dans la même ville le 25 juillet 2001, d'un accord sur la régulation de la main d'œuvre. L'accord définit la figure de l' « immigré marocain » en Espagne dans son article 2 qui dit que « l'expression travailleurs migrants désignera les citoyens marocains autorisés à exercer une activité rémunérée pour le compte d'autrui sur le territoire espagnol ». Les deux parties ont exprimé le désir d'ordonner l'arrivée de la main d'œuvre marocaine pour exercer dans des activités bien déterminées par le biais des circuits officiels et conformément aux besoins du marché espagnol (Article 3). Les candidats postulant pour un emploi en Espagne seront sélectionnés par une commission mixte et informés des conditions de contrat, de durée de l'emploi, du secteur et de la zone géographique où ils devront exercer l'activité qui leur sera attribuée pendant leur séjour temporaire en Espagne. A cause des tensions qui avaient secoué les relations bilatérales durant le deuxième mandat de José Maria Aznar, comme président de gouvernement (2000-2004), les deux Etats n'ont pas pu ratifier dans l'immédiat cet accord. Pour intervenir en une des périodes les plus délicates des rapports entre Rabat et Madrid, cet accord devait en principe instaurer les bases du cadre le plus efficient d'une véritable coopération en matière migratoire pour ordonner les flux de travailleurs réguliers à partir du Maroc et éliminer les circuits irréguliers de la main d'œuvre employée dans l'économie informelle. En contrepartie, une série de mémorandums, conventions et accords ont été signés entre les ministères de l'intérieur des deux pays dans la perspective de veiller à la limitation des flux migratoires provenant du Maroc, freiner l'entrée dans l'espace européen de migrants irréguliers de pays tiers et lutter contre les réseaux de trafic d'êtres humains. Ce processus a évolué parallèlement à la construction d'un arsenal de textes législatifs qui s'inspirent de la doctrine communautaire basée sur l'harmonisation des politiques nationales en matière de migration. Eu égard aux décisions, aux normes et à la jurisprudence communautaires qui ont eu une grande incidence sur l'application des accords et conventions passés entre les deux pays, il a été conclu, le 26 février 1996, un Accord sur la création d'une association entre l'Union Européenne (UE) et le Maroc pour instaurer les bases d'une coopération sociale et culturelle. Dans ce contexte, il suffit de rappeler quelques décisions prises en cette matière dans les années suivantes au sein de l'UE et qui concernent indirectement les relations hispano-marocaines. - Le Conseil Européen de Tampere (15-16 octobre 1999) a demandé à ce que se soient développées, en étroite coopération avec les pays d'origine et de transit d'immigrés, des campagnes d'information sur les possibilités réelles de l'immigration légale et que soit interdite toute forme de traite des êtres humains. - Le Conseil Européen de Nice (7-10 décembre 2000) avait invité à développer la coopération opérationnelle entre les services compétents des Etats membres en matière de vigilance des frontières extérieures de l'UE particulièrement les frontières maritimes dans le but d'améliorer le contrôle sur l'immigration clandestine. - Le Conseil Européen de Séville (21-22 juin 2002) a proposé que soit adoptée une clause sur la gestion commune des flux migratoires et la réadmission obligatoire concernant l'immigration clandestine dans tout futur accord de coopération ou d'association que l'UE compte conclure avec tout pays extracommunautaire. En ce qui concerne le Maroc, les mesures communautaires ont eu un objectif multiple. D'abord, l'UE insiste sur le fait de donner un réel contenu au Traité de Schengen, en vigueur depuis juillet 1995. Dans le domaine de sécurité, l'UE apporte une aide financière à Rabat de 40 millions d'euros pour subventionner une campagne de lutte contre l'immigration irrégulière. Dans le domaine politique et de droits humains, l'UE s'engage à appuyer les réformes démocratiques entreprises dans le pays. Au niveau du dialogue régional sur le phénomène migratoire, elle apporte son soutien à l‘organisation de conférences régionales sur les migrations. Pour sa part, le Maroc a ratifié le 18 décembre 1990 la Convention Internationale des Nations Unies sur la Protection de tous les Travailleurs Migrants et les Membres de leurs Familles. En 2003, le parlement du royaume adopte une loi sur les migrations pour harmoniser sa législation avec la réglementation communautaire. L'harmonisation de la législation marocaine avec celle de l'UE et l'étroite coopération entre les autorités de Rabat et Madrid dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée occidentale consiste en la création de nouveaux mécanismes opérationnels qui permettent de contrôler et ordonner la circulation des personnes entre les deux pays. C'est dans ce cadre qu'intervient la régulation de l'émigration des marocains vers l'Espagne. La législation marocaine ne prévoit aucune discrimination entre les deux sexes ni restriction de voyage hors du territoire national. En traversant le détroit de Gibraltar, les marocains débarquent en Espagne pour résider, travailler ou étudier. Ils sont conscients du fait, le long de leur séjour, qu'ils seront soumis à la juridiction de l'autre Etat et leur situation en tant que ressortissant étranger sera résolue selon les lois nationales et en conformité avec la réglementation communautaire. Dans ce cas, la loi organique régissant les conditions de séjour et de travail des étrangers en Espagne est la principale référence pour connaître le cadre légal dans lequel se délimitent les conditions de résidence, de travail et d'insertion sociale en Espagne des citoyens de pays tiers. De manière que ce sont 848.109 marocains qui sont munis aujourd'hui d'autorisations de résidence en Espagne, selon les données démographiques actualisées le 22 juin, soit une augmentation de 4,9% par rapport à juin 2011. De même, 208.193 marocains sont affiliés à la Sécurité Sociale en Espagne (moins 5,9% par rapport à juin 2011). Il s'agit de statistiques qui démontent les faux préjugés colportés pour accuser les Marocains de s'introduire de manière irrégulière en Espagne.