A quelle levure, l'hôtel de ville d'Agadir, sera-t-il levé, à l'issue des prochaines communales ? C'est une question intrigante que ne cesse de se poser aussi bien aux avertis qu'aux profanes dans la capitale du Souss. Cette même question ne se posait guère, il y a quelques décennies, dès lors que la ville d'Al Inbiât était, de tout temps, considérée comme le bastion inconquis de l'USFP. Il est bien vrai que cette formation politique allait s'essouffler aux abords de l'actuel millénaire, au vu d'un fléchissement certain qu'elle accusait, depuis la fin des années 90, permettant, à coup sûr, la montée en force de sérieux outsiders, notamment le MP, le RNI ou encore l'UC. Cette décadence allait, en fait, trouver son explication, somme toute logique, dans deux facteurs essentiels, à nos yeux. Tout d'abord, il ne fait pas de doute que des rixes internes, entre certains ténors fort motivés par un leadership démesuré, ne faisaient qu'affaiblir les rangs du parti et, du coup, recroqueviller un électorat assurément démobilisé. Le second fait réside en l'effritement des valeurs de cette sensibilité chez certains dirigeants qui, une fois blottis dans les méandres de la gestion des affaires publiques locales, ils ont été tentés par les opportunités qu'ils pouvaient en tirer sans compter. Au fil des années, cet étiolement allait ternir encore davantage l'image locale d'un parti qui, à partir de 1976, détenait les rênes d'une communauté, connue pour son tempérament de refus, de résistance et de vertus, durant des décades de l'Histoire contemporaine. Cependant, en 2003, surgissait, comme par enchantement et au grand bonheur des siens, un certain Tarik Kabbage, jusqu'ici astreint à une besogne associative, au sein de Nadi Al Madina qui, au demeurant, se piquait une attitude plutôt critique et souvent acerbe, à l'encontre de la gouvernance communale. En effet, l'adjonction de ce postulant aussi bien vierge que légitime, puisqu'il renvoyait à son père Abbas Kabbage, ancienne figure de proue dont le legs militant du mouvement national allait impacter sa progéniture, était perçue comme une réelle délivrance de cette déconvenue dans laquelle se débattait le parti en chute libre. Le nouveau maire de la ville, fortement adopté par les milieux soussis, incarnait, effectivement, ce retour aux racines marquées par les principes de probité et du sérieux. Des qualités indéniables qui viennent de faire défaut aux prédécesseurs discrédités, certes, mais il va sans dire que le « sauveur » des meubles d'une maison usfpiste, ayant pris l'eau de toutes parts, allait pareillement se faire distinguer par des états d'âmes causant beaucoup plus de récalcitrants que de partisans, dans les rouages d'une posture de gestion aussi délicate, censée être avenante et fédératrice. C'est ainsi que son premier mandat avait assuré, de toute évidence, une nette amélioration au plan de la préservation et la rationalisation des deniers publics, sanctionnée, sans nul doute, par la réalisation des projets structurants de proximité, en particulier l'édification des maisons de quartiers et des aires de jeux pour enfants, la mise en place des espaces verts en goutte à goutte, des corridors, des giratoires…, la restauration de la citadelle, du souk Al Had, la corniche…Nonobstant, d'aucuns constateraient, non sans désolation, les rapports frictionnels qui ont constamment caractérisé la présidence avec ses adjoints et un certain nombre de partenaires opérateurs, occasionnant souvent le boycott des sessions et des réunions du bureau au niveau du conseil et provocant, de ce fait, le ralentissement voire l'annihilation de nombre de projets. Il faut dire aussi que cette nouvelle approximation, aidée d'une certaine sympathie tirée des réactions favorables de ses présumés détracteurs, en particulier l'ancien wali et l'ex premier vice-président, allait procurer au président sortant un deuxième mandat, remporté cette fois-ci, haut la main. Compte tenu de certains accrocs qui ont émaillé les relations avec ses anciens adjoints, le président reconduit avait préféré leur tourner le dos et se fier aux islamistes qui, pour la première fois dans les annales électorales, ont pu accéder aux sièges de la commune. Cette cohabitation conjoncturelle, loin d'être blâmable, du reste, tardait, pour autant, à fructifier toutes les attentes d'une métropole aux exigences galopantes. Jusqu'ici, ces nouveaux alliés, à l'effectif très réduit et à l'expérience communale limitée, n'avaient quasiment aucune incidence sur le cours décisionnel du conseil communal. Doté d'un caractère inaliénable et d'une emprise incontestable, le maire s'emmitoufle, en vérité, dans un train-train de vie communale insipide, en fracture avec une opposition en perpétuelle dérobade. Toutefois, la percée explosive des lampistes lors des dernières législatives, avec la conquête de deux sièges dans la circonscription d'Agadir Ida Outanane au suffrage direct, outre le siège issu de la liste nationale, allait, à coup sûr, donner libre cours à de sérieuses interpellations parmi les acteurs politiques dans la région, en particulier «les rosistes» qui, plus de 36 ans, avaient bastionné Agadir en fief indétrônable. S'achemine-t-on, alors, vers un détrônement imminent en faveur du PJD dont les premiers jalons ont été semés dès le mandant précédent ? L'USFP, serait-elle en mesure de maintenir son invincibilité décennale, par le truchement d'une autre trouvaille Providence du ciel, tel que fut le phénomène Tarik Kabbage qui semble faire sonner le glas d'une genèse cyclique ? D'autres forces politiques, auront-elles les moyens de prétendre à une place au soleil dans cette course infernale où les nouvelles donnes sociopolitiques se manifestent de plus belle, après l'adoption de la Constitution et le mouvement du printemps démocratique ? Débouchera-t-on sur une configuration composite où les alliances de raison seraient déterminantes, sans monopole ni exclusive ? Autant de questions qui, sans conteste, préoccupent une communauté soussie mise à contribution, plus que jamais.