Le passage à une économie verte constitue une occasion historique pour positionner le Maroc dans des secteurs industriels nouveaux et renforcer sa compétitivité par la création de champions nationaux à l'export dans les filières technologiques vertes, a indiqué le président du Conseil économique et social (CES), M. Chakib Benmoussa. "Nous considérons que le passage vers une économie verte est une grande opportunité de développement d'un savoir-faire industriel dans les technologies vertes permettant ainsi de structurer et de fédérer l'ensemble des efforts déployés à ce jour dans la vision du développement durable", a souligné M. Benmoussa dans un entretien accordé à la MAP. Ce modèle économique permettra d'intégrer d'une manière irréversible les exigences environnementales et sociales dans l'ensemble des maillons des secteurs économiques ainsi que de contribuer à assurer une croissance durable qui préservera les intérêts des générations futures, a-t-il poursuivi. "Les initiatives importantes lancées à ce jour dans les différents secteurs économiques, en particulier dans la stratégie de mobilisation des ressources hydriques, la préservation de l'environnement et des forêts et le développement des énergies renouvelables, contribueront sans doute à la réduction des importations des énergies fossiles, la rationalisation de la consommation d'énergie, la préservation des ressources hydriques et l'atténuation de la dégradation des écosystèmes naturels du pays", a estimé le président du CES. L'analyse par le Conseil des retombées socio-économiques et environnementales des programmes nationaux montre que les quatre secteurs (énergies renouvelables, efficacité énergétique, assainissement et épuration des rejets liquides ainsi que la gestion des déchets solides ménagers) recèlent un potentiel important de création de richesses et d'emplois, a-t-il expliqué. Il a, en outre, affirmé que ces secteurs contribueront à la réduction des effets négatifs sur l'environnement et sur le social notamment dans les régions défavorisées. Quant aux investissements projetés dans ces quatre secteurs analysés, ils vont dépasser les 200 Milliards de DH avec un potentiel identifié de création d'emplois de plus de 90.000 postes à l'horizon 2020, a-t-il ajouté, en estimant que la concrétisation de ces opportunités économiques et sociales est conditionnée en grande partie par le développement d'une politique industrielle claire et d'un plan d'anticipation des besoins en compétences et d'expertise dans les nouvelles technologies vertes. M. Benmoussa relève toutefois que les investissements verts souffrent de l'insuffisance des investissements privés du fait de la faible attractivité de ces secteurs et d'un dispositif réglementaire incomplet et non effectif en matière d'environnement. Dans l'optique d'encourager le secteur privé national et international à investir dans la filière des énergies renouvelables, le CES recommande de définir et communiquer aux investisseurs les zones de développement des énergies éoliennes (ZDE), les conditions tarifaires de vente et de commercialisation de l'électricité issue des énergies éoliennes, solaires et de la biomasse, selon les différentes gammes de puissances (â 2MW, et 2MW). Il préconise aussi de renforcer les mécanismes de financement public-privé via des formules avantageuses pour le "verdissement" des différents secteurs économiques, avec un intérêt particulier pour le segment PME-PMI et TPE. Les banques ont aussi un rôle important à jouer pour soutenir les PME-PMI et TPE nationales via le développement de produits financiers dédiés aux projets d'énergies renouvelables pour soutenir la dynamique lancée par l'Etat, avec l'intégration de l'évaluation des risques environnementaux et sociaux dans les procédures d'octroi des crédits. Dans le même sillage, le périmètre d'actions de la Société d'investissement énergétique (SIE), acteur clé de l'Etat dans le financement des grands projets des énergies renouvelables, devrait être élargi aux petites et moyennes puissances et aux entreprises industrielles PME et PMI locales souhaitant investir dans les différents maillons de la chaine de valeur de ces filières. Une révision de la fiscalité existante contribuera aussi à accélérer ce processus à travers les mécanismes de subvention des sources d'énergie fossile comme le gaz, notamment par une réduction progressive et respectueuse de la contrainte socioéconomique. Il faut aussi, selon lui, rendre effectif l'ensemble de l'arsenal juridique existant, activer la mise en place du principe du Pollueur-Payeur et promulguer la loi cadre relative à la Charte nationale de l'environnement et du développement durable. Pour sa part, l'entreprise marocaine doit aussi renforcer son engagement dans l'esprit du développement durable par l'implémentation de dispositif opérationnel de responsabilité sociétale et environnementale. Concernant le renforcement des mécanismes de gouvernance de cette stratégie, M. Benmoussa recommande de mettre en place un comité interministériel qui aurait pour missions de proposer les orientations stratégiques en matière d'économie verte, d'assurer la veille et d'évaluer les différents programmes engagés tout en mesurant leurs retombées économiques, sociales et environnementales. Vu que la concrétisation du potentiel d'emplois du secteur des énergies renouvelables (estimé à plus de 23.000 emplois à l'horizon 2025) est conditionnée par un niveau important d'intégration des diverses filières industrielle, M. Benmoussa plaide pour la déclinaison du programme d'intégration des filières de l'éolien, du photovoltaïque, du solaire thermique à concentration (CSP) et de la biomasse dans la politique industrielle au niveau national et régional. Le président du CES souligne, par ailleurs, la nécessité de création de pôles de compétences régionaux de recherche, de développement et d'innovation dans le dessein d'encourager l'innovation nationale par le dépôt de brevets d'invention et la valorisation par l'incubation de startups et le transfert de technologies.