Près de 35,8 millions d'électeurs se sont rendus aux urnes, dimanche à partir de 08 :00 jusqu'à 20 :00 pour désigner leurs nouveaux élus pour les quatre prochaines années. Il s'agit des dixièmes élections législatives depuis la restauration de la démocratie en Espagne, en 1978, mais aussi d'un difficile examen de conscience pour l'ensemble de la société. Les électeurs sont divisés sur le choix entre deux types de gouvernements : un socialiste, qui a échoué dans l'application d'un modèle basé sur la préservation de l'Etat du bien-être basé sur l'égalité des chances pour tous (autochtones et étrangers) et le renforcement des droits de l'homme ; et un autre de droite, qui aspire à sacrifier l'Etat du bien-être au profit d'un modèle néo-libéral basé sur des coupes budgétaires, la protection de l'entreprise et la réduction drastique des prestations sociales. Les pronostics donnent comme favori le candidat du Parti Populaire (PP : conservateur), Mariano Rajoy, bien qu'il soit un homme peu charismatique, le plus âgé de tous les candidats à la présidence de gouvernement depuis la restauration de la démocratie et précédé de l'image de celui sur lequel pèse l'ombre de José Maria Aznar, qui l'avait désigné comme son successeur, en 2004, sans se soumettre à des élections primaires au sein du PP. Les élections se sont déroulées dans une conjoncture totalement défavorable aux socialistes. Traditionnellement, le PP jouit d'une majorité sociologique stable, composée de toutes les tendances et courants de droite. En principe, ce parti dispose de 8,5 millions d'électeurs contre neuf millions pour le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE - majorité sortante). Seulement, les enjeux se décident au niveau du comportement des électeurs de chaque parti. Ceux du PP se distinguent par une discipline exemplaire depuis la création de ce parti à la fin des années 80. Cette réserve d'électeurs demeure invariable. Par contre, le PSOE et la gauche en général, doit faire face à sa propre majorité sociologique. Les militants socialistes en colère, à cause surtout du chômage, l'incertitude au marché du travail et la réduction des prestations sociales, décident généralement de s'abstenir du vote. C'est la raison pour laquelle, durant la campagne électorale, les dirigeants socialistes avaient investi énormément d'énergie dans les appels à leurs militants d'aller aux urnes. La Coalition de la Gauche Unie, qui groupe les courants de l'extrême gauche, appelle au vote responsable en vue d'obtenir une meilleure représentation au parlement. Viennent les courants qui agissent dans l'orbite de la gauche mais se déclarent en rupture avec les grands partis tout en tentant de gagner le soutien des indécis. Enfin, intervient le nouveau phénomène du 20 Mai, un mouvement social qui s'est emparé de la place publique en faisant campagne contre un gouvernement conventionnel, le bipartisme institutionnel et la banque en général. Leurs slogans consistent à reproduire les grandes revendications sociales et génériques en appelant à la lutte contre la corruption, la discrimination des jeunes au marché du travail et l'accès au logement et à l'égalité des chances. Ce mouvement, une nouvelle forme de protestation contre le néo-libéralisme se situe en marge de tous les courants politiques et c'est la raison pour laquelle il a appelé les citoyens à bien « réfléchir avant d'émettre le vote » aux « sauvages coupes budgétaires qui ont affecté les services sociaux les derniers mois ». Dans de précédentes analyses, Albayane avait décelé les différents clivages, présenté les programmes des différentes forces politiques et analysé la place accordée aussi bien aux relations entre l'Espagne et le Maroc qu'aux immigrés. Ce qui interpelle tout observateur indépendant, comme c'est le cas des correspondants de médias étrangers, est que l'Espagne bascule dans différends sens. D'une société, citée comme le meilleur modèle de l'Etat du bien-être, elle est actuellement à la merci de grands cataclysmes sociaux entraînés par la crise économique à tel point que le gouvernement socialiste sortant n'avait pas hésité à faire recours à des recettes néo-libérales. Le prix payé a été très élevé en termes de popularité de son président, José Luis Rodriguez Zapatero, qu'en termes de notoriété pour l'Espagne qui est désormais citée comme le grand malade de l'Union Européenne. Avec 22% de la population active en chômage, une prime de risque de la dette publique à près de 500 points (en comparaison avec le bon du trésor allemand à dix ans) et des taux d'intérêt de 7% du bon du trésor, l'Espagne se trouve sérieusement menacée par une récession économique. Durant les dernières semaines, Albayane avait publié de nombreuses analyses sur le risque que court l'économie espagnole et les difficultés de récupération du marché du travail à l'horizon de 2013. A côté du changement de gouvernement, les citoyens auront également à vivre avec la nouvelle situation de leur pays qui va dégringoler à des rangs plus bas dans le ranking des nations avancées. La crise s'est généralisée touchant également le budget réservé aussi à l'organisation des élections. Ce sont 538.884 citoyens qui ont été sollicités à être soit membres soit suppléants aux 59.876 bureaux de vote pour superviser l'opération électorale à laquelle participent 35.779.208 citoyens, dont 200.000 jeunes qui votent pour la première fois et 707.000 de plus que les précédentes élections législatives de 2008. Les électeurs devaient décider entre les 593 listes en lice pour le Congrès des députés, avec un total de 4.359 aspirants (2.261 hommes et 2.098 femmes ) et entre les 597 listes pour le sénat auxquelles font partie 720 hommes et 493 femmes. D'après le ministère de l'Intérieur, près de cent mille membres des forces et corps de sécurité de l'Etat ont été mobilisés pour garantir le déroulement normal de la journée de vote. Ce qu'il faut surtout savoir est que les 350 députés qui sont élus, dimanche, vont commencer à toucher leur salaire à partir de lundi 21 novembre qui est égal à 2.813,87 euros par mois, soit 312 euros de moins par rapport aux députés élus en 2008, à cause de la mesure de réduction des salaires des parlementaires de 10% de caractère général en 2010. Toutefois, le salaire du député peut être majoré pour ceux qui vont occuper une responsabilité au sein du parlement. De manière, le salaire du Président de la chambre (qui sera élu le 13 décembre) passera à 9.121 euros. Les deux vice-présidents toucheront un supplément salarial de 1.209,6 euros par mois, les porte-parole auront un complément de 2.667,5 euros alors que les présidents de commissions bénéficieront d'un complément de 1.434,31 euros par mois. Les députés qui sont originaires d'une circonscription autre que Madrid recevront un supplément mensuel de 1.823,86 euros. Le nouveau parlement espagnol se constituera le 13 décembre prochain, selon le bulletin officiel mais ce qui est à relever est que les élections constituent une importante source de financement pour les partis politiques. L'Etat accorde une subvention de 21.633,33 euros pour chaque siège obtenu par les partis politiques à la chambre basse (21.633,33 euros pour le sénat) et 79 centimes (83 centimes pour le sénat) pour chaque vote obtenu mais à condition que ces suffrages se soient traduits en sièges dans leurs circonscriptions. Seuls les partis politiques qui ont plus de 15 députés sont en mesure de former des groupes parlementaires.