Le mouvement de la femme s'est intensifié et se livre à une course contre la montre pour obtenir une représentation à hauteur du tiers au parlement dans la perspective de la parité, suite à la présentation du projet de loi organique de la Chambre des représentants qui fixe à 60 le nombre des femmes aux côtés des jeunes. Cette mobilisation est destinée à faire pression pour l'introduction d'amendements relatifs à la représentativité des femmes, fixé par ledit projet à 60 sièges sur la liste nationale aux côtés des jeunes. Aussi, dans le combat qu'il mène sur tous les fronts pour réclamer l'application des dispositions de la nouvelle constitution qui stipule le principe de la parité, le mouvement de la femme a-t-il a intensifié la cadence de ses protestations en organisant, en moins d'une semaine, deux sit-in devant le parlement, à l'occasion du démarrage de l'examen par la commission de l'intérieur, de la décentralisation et des infrastructures, du projet organique sur la chambre des représentants, “L'institution législative demeure le dernier rempart pour la défense du principe de la parité en ce sens qu'elle constitue le point de départ pour instaurer la représentativité de la femme dans les autres institutions démocratiques qui Œuvreront, en conséquence, à la mise en application des acquis contenus dans la nouvelle constitution au profit des femmes, tout en offrant l'appui constitutionnel et en contraignant les pouvoirs publics à mettre en place des textes juridiques prévoyant des dispositions de discrimination positive en mesure d'offrir des opportunités paritaires d'accès aux institutions élues “, a estimé dans une déclaration à la MAP, Mme Latifa Jbabdi, de la coordination nationale des femmes et députée du parti de l'union socialiste des forces populaires (USFP). Le projet de loi organique relatif à la Chambre des représentants prévoit de réserver 90 sièges à la circonscription électorale nationale afin de garantir une bonne représentativité aux femmes, à hauteur de 60 sièges, et aux jeunes de moins de 40 ans à raison de 30 sièges. Il fixe aussi un seuil de 3 pc pour l'élection au niveau de la circonscription électorale nationale. “Nous sommes engagés dans une course contre le temps pour remédier aux violations de la constitution relatives à la mise en place d'une liste mixte jeunes/femmes qui porte atteinte aux acquis des femmes et s'inscrit en faux contre le principe de la parité stipulée dans l'article 19 de la constitution qui contraint l'Etat à prendre les mesures juridiques pour son activation”, a-t-elle souligné. Les femmes contre la liste mixte La liste nationale a été adoptée en tant que mécanisme de promotion de la participation politique des femmes et d'augmentation de sa représentativité, à travers l'élection de 35 femmes à la Chambre des représentants à l'issue des législatives de 2002 et de 34 en 2007, pour aboutir à une augmentation de 10 pc de la représentativité des femmes. Si, en effet, la liste nationale est considérée comme acquis du mouvement féminin et mécanisme de discrimination positive, il n'en demeure pas mois qu'elle a suscité un large débat après la mise en place de la liste mixte femmes/ jeunes, qui ne garantit aux femmes qu'un taux de représentativité ne dépassant dans les meilleurs des cas 15 pc. Par conséquent, la liste mixte a été rejetée par la coordination nationale des femmes (18 associations et représentants de partis), qui a insisté sur la nécessité de réserver une liste uniquement aux femmes, tout en exprimant sa détermination à saisir la cour constitutionnel en cas d'approbation de la liste mixte. La coordination a décidé de même de procéder à la collecte d'un million de signatures dans le cadre d'un mouvement de protestation sur le réseau internet, pour défendre ses revendications légitimes relatives essentiellement à la préservation de la liste nationale féminine en tant que mécanisme de discrimination positive. “Nous n'accepterons pas moins du tiers dans la perspective de la parité, puisque nous ne pouvons avancer vers la parité sans réserver une liste nationale aux femmes uniquement (90 sièges), ainsi que son renforcement avec un taux de pas moins de 20 pc des listes locales “, a noté Mme Jbabdi, considérant que “ la liste perdra son essence, sa philosophie et son contenu en tant que mécanisme de discrimination positive au cas où elle devienne mixte “. Pour Mme Jbabdi, “ la non activation du principe de la parité rendent les dispositions de la loi organique de la chambre des représentants contradictoires avec les engagements du Maroc, tant dans le cadre de la convention internationale pour la lutte contre toute forme de discrimination qui prévoit dans son 4ème article la nécessité de mettre en place des mesures discriminatoires pour permettre aux femmes un accès paritaire aux institutions de décision, ou dans le cadre des objectifs millénaires de développement “. Et d'ajouter que “nous sommes aujourd'hui mobilisées au sein du mouvement de la femme pour faire entendre la voix de la femme marocaine et mettre les représentants de la nation, les groupes s parlementaires, les partis et le gouvernement devant leur responsabilité quant à la mise en application de la constitution et le respect de l'acquis de la liste nationale “. La liste nationale tributaire des compromis politiques Le projet de loi organique qui prévoit une liste nationale ne garantissant point un minimum du tiers des sièges pour la représentation de la femme, a suscité la désapprobation de la coordination féminine marocaine qui a exprimé dans un communiqué son étonnement et sa déception du contenu des compromis entre le ministère de l'intérieur et les partis au sujet de la représentation des femmes à la Chambre des représentants. La coordination a noté, dans ce sens, que “ les propositions ayant fait objet de compromis entre le gouvernement et les partis constituent une trahison envers la moitié de la société et une déviation de l'esprit et des dispositions de la constitution, outre du contenu des discours Royaux qui ont insisté sur la nécessité d'augmenter le taux de représentativité des femmes à tous les postes de décision politique”. De l'avis de Mme Khadija Rebbah, coordinatrice du Mouvement pour la démocratie de parité, “les compromis réalisés autour de la loi organique de la chambre des représentants en dehors de la coupole du parlement entre le ministère de l'intérieur et les partis politiques s'inscrivent en faux par rapport aux dispositions constitutionnelles qui insistent sur la parité”. “Le parement est donc dans l'incapacité de rompre avec les pratiques du passé et continue à œuvrer pour parvenir à des compromis au détriment des lois et des dispositions constitutionnelles et au mépris des revendications des femmes qui consistent, non seulement en l'application des textes, mais également en le respect de l'esprit de la nouvelle constitution”, a-t-elle dit. Pour Mme Hayat Lahbaili, membre du secrétariat du mouvement pour la démocratie de parité, “ le pari de l'application de la constitution a enregistré un recul dangereux marqué par le déni des droits des femmes, dont l'acquis de la liste nationale, outre le fait que la loi organique de la chambre des représentants et la loi organique sur les partis n'ont pas évoqué la représentation de la femme, tant à l'intérieur des appareils des partis politiques qu'au niveau des listes locales pour les élections législatives”. Elle a considéré que le combat mené par le mouvement de la femme est un appel aux parlementaires, hommes et femmes, pour assumer leur responsabilité en ce moment crucial pour l'avenir du pays, ajoutant que la démocratie sans la participation des femmes est une démocratie amputée puisque la femme constitue la moitié de la société. Le pari de l'augmentation de la représentativité des femmes dans le domaine politique demeure, en effet, tributaire de la traduction dans les faits de l'esprit des réformes et des dispositions de la constitution, à la faveur d'une ferme volonté politique et d'un engagement fort pour la consécration de la démocratie, la modernité, des droits et des libertés fondamentales et de l'égalité entre les hommes et les femmes.