Le Maroc n'est pas en crise. Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al Maghrib, l'air serein, en est convaincu. Les finances publiques du pays présentent, dans l'ensemble, un profil satisfaisant, à l'exception de la rubrique « dépenses de compensation » qui ont plus que doublé. En gros, l'année 2010 affiche des avancées significatives, en termes de croissance de PIB et de bonne tenue des principaux indicateurs de l'économie nationale. A lire le communiqué de la banque centrale du royaume, publié à l'occasion de la présentation du rapport annuel de l'Institut d'émission devant S.M le Roi Mohammed VI, on a cette illusion que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pourtant, lorsqu'on regarde les chiffres de prés, 2010 fut, sans aucun doute, une année de rupture avec les tendances observées au cours des quatre dernières années. Explosion des dépenses (qui ont plus que doublé par rapport à 2009, en lien bien entendu avec les subventions de compensation), quasi stagnation des investissements et un déficit budgétaire en aggravation de l'ordre de 35,2 milliards DH ou 4,6% du PIB, en dépit de l'accroissement de 2,5% des recettes. Deux points semblent déranger le banquier central du Maroc : les dépenses de compensation et la masse salariale. On pourrait même ajouter un troisième, celui de la soutenabilité budgétaire. En effet, au chapitre des dépenses globales du Trésor, chiffrées à 227,5 milliards DH, leur expansion de 5,6% s'explique essentiellement, selon le rapport, par la hausse des charges de compensation qui sont passées de 13,3 milliards DH en 2009 à 27,2 milliards DH en 2010. Comme expliqué dans le rapport, cette montée fulgurante des dépenses provient essentiellement de l'inflation des cours du pétrole et des prix des céréales. Deux produits, dont le coût à l'importation pénalise la balance commerciale et affaiblit la balance des paiements du pays. L'autre point qui semble chagriner M. Jouahri, est la masse salariale. Bien que globalement les dépenses de fonctionnement se sont inscrites en baisse de 4,7% à 116,5 milliards, la masse salariale, toute seule, a bouffé 78,4 milliards DH, soit 10,3%. Le FMI, pour sa part, a toujours exigé que les salaires de la fonction publique ne doivent atteindre le seuil de 10% du PIB. Sur la dette du Trésor, qui passe de 47% en 2009 à 50% du PIB en 2010, le rapport de Bank Al Maghrib, dans un encadré à l'allure franchement optimiste, souligne qu'en dépit de « la rupture par rapport à la tendance baissière observée au cours des cinq dernières années … Le scénario observé dans le cadre de l'évaluation de la soutenabilité de la dette du Trésor présente les conditions permettant d'assurer le maintien du niveau de la dette à moins de 50% du PIB à l'horizon 2020. » Par rapport aux relations commerciales et financières avec l'étranger, le rapport de Bank Al Maghrib a tenté de mettre en exergue certains points forts de l'année 2010. D'après les commentaires des auteurs du rapport, on déduit que le Maroc n'a pas subi d'impact de la crise économique mondiale. Le déficit structurel de la balance commerciale a été ramené à 19,5% du PIB au lieu de 20,6% un an auparavant. En fait, ce sont les soldes excédentaires des voyages et des transferts courants qui ont permis ce rattrapage. Ainsi, malgré le déficit du compte courant (4,3% du PIB en 2010 vs 5,4% en 2009), les avoirs extérieurs nets sont restés quasiment stables à 192,7 milliards DH. Le rapport de la banque centrale précise que les réserves de changes représentaient 7 mois d'importations de biens et services, au lieu de 7,6 mois en 2009. Un autre point fort de l'année 2010, selon le rapport de l'Institut d'émission, c'est la maitrise de l'inflation. « Malgré le redressement des cours mondiaux des matières premières, l'inflation, mesurée par l'accroissement de l'indice des prix à la consommation (IPC), s'est établie à 0,9% au lieu de 1% une année auparavant, soit le niveau le plus bas depuis 2001 », pourrait-on lire dans le rapport. Dans le communiqué de BAM, il est souligné que «l'économie nationale a réalisé en 2010 une performance meilleure que prévue », grâce à « la vigueur de la demande intérieure et à la reprise de la demande extérieure ». Au-delà du caractère un peu dépassé des chiffres, compte tenu de l'évolution que connait l'économie marocaine cette année 2011, le rapport laisse croire que le Maroc est loin des turbulences économiques qui soufflent sur la planète et que, de toutes les façons, le Maroc ne risque pas de vivre une crise économique ou financière. Tant mieux. Mais, parce qu'il y a un mais, la gravité de la situation économique chez nos partenaires immédiats (France, Espagne et Italie) ne risque-t-elle pas de battre en brèche l'optimisme de nos officiels.