A la veille de la présentation du projet de budget 2012 au Parlement, les propositions de la CGEM pour la loi de Finances semblent avoir l'air plus convaincant. Dans son mémorandum, d'une cinquantaine de pages, présenté devant la presse, lundi à Casablanca, l'organisation patronale épingle l'incohérence des politiques sectorielles et fait le procès de la politique budgétaire et fiscale menée jusqu'ici. Au fond, en matière fiscale, le patronat marocain ne fait que reprendre son «catéchisme» baissier, alors qu'aujourd'hui, le contexte étant à la rigueur, ses propositions de baisse de l'IS, par exemple, reposent sur du vent «libéral». En revanche, le «mémo» en question, assez bien documenté, passe en revue les insuffisances qui caractérisent les stratégies sectorielles, la cacophonie qui règne dans le système de formation-emploi, le déficit de la Caisse de compensation, l'ampleur de l'informel et la perte de compétitivité de l'entreprise marocaine. Par rapport à la protection sociale et aux caisses de retraites, la CGEM alerte sur les dérives financières de la CNSS, CMR et CNRA et appelle à des mesures urgentes de restructuration. Autrement, la petite écorchure d'aujourd'hui risque de devenir une «gangrène» incontrôlable des finances publiques. Sur tous les volets de la politique économique et sociale, la CGEM admet volontiers que l'actuel gouvernement n'est plus en mesure d'apporter des solutions draconiennes et efficientes. «La mise en œuvre des grandes réformes ne peut être entamée par un Gouvernement sortant», précise l'organisation dans son document. Ces réformes concernent aussi bien «le système des retraites que celle de la caisse de compensation et bien d'autres, sur lesquelles la CGEM s'est déjà exprimée l'année dernière». La CGEM admet tout de même que ses «propositions s'adressent aussi bien au gouvernement actuel qu'au prochain qui sera issu des législatives du 25 novembre 2011». L'organisation patronale entend insister sur «l'urgence de répondre à nos attentes par le démarrage de tous les projets de réforme à partir de 2012, tant par le gouvernement actuel, que son successeur dans le cadre d'une loi de finances rectificative». «Il s'agit pour nous de trouver des solutions qui permettent à la fois de soutenir la croissance, d'augmenter le volume des investissements et de rationnaliser la gestion des ressources, l'ultime objectif étant la création de l'emploi», souligne Mohamed Horani, le président de la CGEM. Or, en matière de création d'emplois, la machine coince souvent faute d'un système de formation-emploi en parfaite adéquation avec les besoins de la sphère économique. L'actuel (et ancien) système, tel qu'il fonctionne et tel qu'il est piloté par l'OFPPT, est inefficient voire improductif. En tout cas, en matière de formation continue, via les fameux CSF -contrats spéciaux de formation- la CGEM n'y croit plus et elle a même retiré son adhésion du système en place. «D'après les estimations réalisées par l'Instance Nationale d'Evaluation (2010), organe du Conseil Supérieur de l'Enseignement (CSE), environ 20 millions de nos concitoyens seraient sous qualifiés ou sans qualification aucune. Cette situation n'est pas prête d'être redressée», lit-on dans le mémorandum de la CGEM. Selon ce document, «il n'existe pas de dispositif de formation professionnelle de requalification ou de reconversion à l'initiative de l'individu et les mécanismes de la formation en cours d'emploi existants (CSF) sont en panne depuis près de 10 ans », ajoute le document. Sur le dossier de l'informel et la concurrence déloyale dont souffrent les entreprises structurées, la CGEM note qu'il s'agit bien des plus fortes préoccupations des chefs d'entreprises. Ses propositions pour éradiquer ce mal ou tout au moins en réduire l'impact paraissent, cependant, sans rapport avec les conditions présentes ou prévisibles dans un futur même idéal. Les mesures proposées (incubation, fonds d'aide à la création, financement adapté, incitations fiscales... maintes fois ressassées, s'apparentent plus à un serpent de mer qu'à un véritable remède. Quant à l'idée de taxer les fortunes, le syndicat des patrons n'est pas prêt à applaudir à un projet qui émane pourtant de l'humanisme et de la solidarité que d'une simple mesure supplémentaire de taxation des riches. Dans ces incantations, le gouvernement sert plus de bouc émissaire et l'entreprise demeure le maillon faible de l'économie marocaine.