Le rideau est tombé, dimanche soir, sur la 5e édition du Festival Imourane organisée du 29 août au 1er septembre dans la commune rurale d'Aourir (14 km au nord d'Agadir), clôturant ainsi une manifestation où convergent le ressac de la mer, des fragments de l'Histoire et des bribes de légendes. L'organisation de ce Festival, placé sous le signe «Imourane : Mémoire et développement», s'inscrit dans le prolongement du moussem dit Almoggar d'Imourane que les tribus des Ida Outanane ont célébré des siècles durant et qui couronnait traditionnellement le cycle des moussems dans le Souss au terme des saisons de récolte et de cueillette, explique d'emblée à la MAP Khalid Skouti, de l'Association festival Imourane pour le patrimoine et la culture. Ce moussem auquel affluaient par milliers les tribus voisines de la région de Tamraght est organisé au lendemain de la clôture du moussem de Sidi Ahmad Oumoussa, le premier vendredi de chaque septembre, rappelle-t-il, notant que cette 5ème édition se propose, de ce fait, de lier le présent au passé en œuvrant à assurer à la région d'Aourir et Tamraght un rayonnement régional, national et international à la faveur des potentialités culturelles et touristiques prometteuses qu'elle recèle. Il soutient que le moussem était porté, jadis, par les habitants de Tamraght qui recueillaient les dons et les aides auprès des villages avoisinants. Une bête était alors sacrifiée à l'ouverture du moussem au mausolée de Sidi Ahmad Aït Iazza où une veillée religieuse était également organisée. Mais les célébrations avaient aussi leur côté profane puisque le moussem était une occasion de réconciliation entre les tribus et offrait un espace d'échanges et de rencontres avec les jeunes des différents douars et qui, souvent, scellaient des mariages au terme de cette manifestation, relève l'interviewé. Sur la signification du nom Imourane, Skouti fait état d'une pluralité d'interprétations. Le terme serait dérivé, pour certains, du mot amazigh «Amourrane» qui renvoie à la force et à la résistance, alors qu'il renvoie, pour d'autres, à «Mourane», une ancienne et obscure divinité amazighe de l'amour, ou encore au pluriel de «Imiri» qui signifie l'amant en parler local. Toutefois, s'empresse-t-il d'ajouter, Imourane ne serait, en toute vraisemblance, qu'une déformation du nom d'un militaire portugais appelé «Ben Mirao» ayant tenté, au début du 16e siècle, d'édifier un château sur l'actuel grand rocher connu par le nom d'Imourane. Selon Omar Hamouche, membre du Conseil communal de Tamraght et secrétaire général de la même Association, ce rocher, qui s'étend dans la mer sur une longueur de 50 mètres sur 55 et qui était à l'époque séparé de la terre ferme, porte encore des vestiges du château de «Ben Mirao», témoins de la présence portugaise. Il assure aussi que ce rocher faisait office d'un fort portugais équipé de canons et d'armes à feu pour repousser la population locale qui n'avait pas tardé à soutenir la campagne du Jihad menée par les Saâdiens, sous la conduite de Mohamed Cheikh, en vue de libérer les côtes et récupérer les champs fertiles attenant à l'actuelle Imourane et qui étaient connus notamment pour la qualité des carottes qui y étaient cultivées. A ce propos précisément, Ahmed Saber, doyen de la faculté des lettres d'Agadir, fait observer que la célébration du moussem d'Imourane renvoie historiquement au début du 16e siècle qui marque le début de l'occupation portugaise du fort d'Agadir, appelé à l'époque «Agadir Laârba», en référence à un souk hebdomadaire qui s'y tenait chaque mercredi. Pour lui, la tenue de ce moussem marquait en fait la célébration par les tribus locales de leur victoire sur l'occupation portugaise au terme d'une série de batailles qui se sont déroulées entre 1505 et 1506, soutenant que cette victoire aurait été ensuite associée dans l'imaginaire populaire à une considération particulière pour le rocher d'Imourane avec tout ce qu'il continue de charrier en terme de mystères et de légendes, dont la plus tenace est l'attrait irrésistible qu'exerce un trou dans le rocher sur les jeunes filles en âge de se marier. Et pour cause, «le Rocher du diable» comme le surnomme certains a connu, tout au long des trois jours du festival, une affluence ininterrompue des visiteurs de tous âges et de différentes régions, dont certains sont mus par la curiosité des lieux, d'autres viennent écouler des marchandises, alors que d'autres sont attirés par la beauté des paysages. Dans le lot, d'autres visiteuses, des jeunes filles en l'occurrence, s'agglutinent autour du trou «magique» pour s'exposer aux embruns de sept vagues successives, dans l'espoir de se défaire d'une poisse supposée et convoler en juste noce. Alors que les you-yous s'élèvent à la sortie de chaque fille de ce trou, de l'autre côté du rocher, l'activité bat son plein entre odeurs d'encens ou de grillades, criée des vendeurs des fruits et légumes, voix étouffées de haut-parleurs vantant tel ou tel produit, tonnerres de baroud de fantasia, Au-delà de cet aspect festif, nombre d'observateurs, de visiteurs et d'acteurs locaux se demandent déjà sur la place et l'avenir du Festival d'Imourane dans le paysage touristique local, surtout que cette région se trouve dans le cadre du grand projet d'aménagement de la station balnéaire de Taghazout et le long d'une côte de près de 100 km de plages connues pour être parmi les points d'attraction les plus forts du tourisme, notamment celui lié aux sports de glisse.