Le président russe Vladimir Poutine a ignoré lundi les critiques des Occidentaux sur les législatives russes, qui lui ont donné une victoire écrasante, y voyant un "signe de confiance" du peuple russe et une "légitimité" renforcée pour le Parlement. La "victoire" de Russie unie - qui a engrangé 64% des suffrages - est "un signe de confiance", a dit le chef de l'Etat qui dirigeait la liste du parti au pouvoir et a transformé de facto cette élection en plébiscite sur son nom et sa politique. Prenant la parole devant une rangée d'ingénieurs en blouse blanche au prestigieux centre de construction spatiale NPO Lavotchkine près de Moscou, il n'a laissé aucune place au doute alors que la presse russe et la communauté internationale contestent la légitimité du scrutin. "La légitimité du Parlement russe a sans aucun doute augmenté", a-t-il affirmé. Suivant un raisonnement sinueux, il a expliqué que les partis élus à la nouvelle Douma (chambre basse) représentaient 90% des suffrages exprimés, contre 70% dans la Douma sortante. Les partis qui ne franchissent pas la barre de 7% sont recalés. "Il est évident que les Russes ne laisseront jamais leur pays s'orienter vers une voie destructrice comme cela s'est passé dans certains pays de l'espace post-soviétique", a-t-il dit dans une allusion aux révolutions démocratiques d'Ukraine et de Géorgie, synonymes de chaos pour Moscou. Electeurs payés, soldats poussés à voter, journalistes chassés de bureaux et arrêtés: les témoignages sur des fraudes et pressions ont pourtant continué d'affluer lundi, sur fond de critiques internationales. "Je ne pense pas que quiconque ait le moindre doute sur le fait que ces élections ont été les plus malhonnêtes et les plus sales de toute l'histoire moderne de la Russie", a déclaré l'opposant Garry Kasparov, ancien champion du monde d'échecs devenu l'un des plus farouches adversaires du Kremlin. La petite mission parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui a pu observer le scrutin dans quelques bureaux a aussi dénoncé le déroulement des élections. "Elles n'ont pas répondu à nombre d'engagements et de critères que nous avons à l'OSCE et au Conseil de l'Europe", a déclaré Göran Lennmarker, président de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à Moscou. La principale mission d'observation de l'OSCE, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH), dont le siège est à Varsovie, avait, quant à elle, boycotté le scrutin, en évoquant les entraves mises par Moscou. Prenant la tête de la critique en Europe, l'Allemagne a estimé que les élections n'avaient pas été "libres, équitables et démocratiques", pendant que d'autres capitales faisaient part de leur "inquiétude" et demandaient des "clarifications. Le président de la Commission électorale centrale Vladimir Tchourov, un proche de M. Poutine, a assuré pour sa part qu'aucune violation de nature à remettre en cause la légitimité du scrutin n'avait été commise. "Il ne pouvait y en avoir", a-t-il affirmé. Derrière Russie unie, les communistes n'ont obtenu que 11,6%, les ultranationalistes proches du Kremlin (LDPR) de Vladimir Jirinovski 8,2% et Russie juste, (gauche pro-Kremlin) 7,8%. Cette victoire assure à Vladimir Poutine une assise politique pour continuer à exercer une influence au-delà de la présidentielle de mars 2008 à laquelle il ne peut se présenter, en vertu de la Constitution. Continuant à entretenir le suspense, il n'a rien dit lundi des échéances à venir alors que les candidatures à la présidentielle doivent être annoncées d'ici au 23 décembre. Le chef de l'Etat a même ouvert la voie à de nouvelles spéculations en invitant à dissocier dans le temps les législatives de la présidentielle, trop proches selon lui.