Voter sans montrer son visage au personnel électoral demeure une pratique rare. Et parfois interdite. Comme, par exemple... au Maroc, un pays musulman à 99 %. Vendredi, à l'occasion des élections législatives, La Presse a croisé dans les bureaux de scrutin de Casablanca plusieurs électrices portant le foulard islamique, qui couvre la tête, mais aucune vêtue de la burqa ou du niqab. C'est que les citoyens qui veulent exercer leur droit de vote doivent présenter leur carte d'identité nationale assortie d'une photo et leur carte d'électeur. Il faut que l'on puisse voir leur visage pour le comparer à leur photo officielle. Cette règle ne connaît pas d'exception. « Ce n'est pas possible de vérifier l'identité de quelqu'un sans voir son visage », affirme Asmaa Debbagh, élue municipale du parti Justice et Développement, une formation d'inspiration islamiste. Mme Debbagh, qui porte le foulard, relève que ces cas problématiques surviennent très rarement au Maroc puisque les femmes qui se voilent complètement le visage vivent souvent en retrait et s'intéressent peu à la politique. On se dévoile aux États-Unis... Aux États-Unis, là où la communauté musulmane est dispersée, cette question ne semble pas poser problème. « De manière générale, il est illégal d'imposer un code vestimentaire précis aux électeurs », dit Imad Hamad, directeur des relations publiques de l'American Arab Anti Discrimination Committee. Dans l'ensemble, dit-il, les organisateurs des élections font preuve de compréhension. Par exemple, au Michigan, là où se trouve la plus forte concentration d'Américains d'origine arabe, les femmes peuvent venir voter sans problème avec leur voile, pourvu que leur visage soit découvert. « Elles n'ont qu'à montrer deux pièces d'identité, précise M. Hamad. Leur permis de conduire et autre chose. » Les cas où les femmes ont le visage presque entièrement voilé par un niqab ou une burqa seraient très rares aux États-Unis. « J'ai entendu des cas où des femmes entièrement voilées se sont présentées au bureau de vote, reprend Imad Hamad. Une employée du scrutin leur a alors demandé de dévoiler leur visage. Elles l'ont fait sans problème. » ... mais pas au Royaume-Uni À l'opposé, en Grande-Bretagne, les niqabs sont acceptés dans les bureaux de vote. Les électeurs, inscrits d'avance sur la liste électorale, n'ont qu'à donner leur nom pour pouvoir voter. S'ils se trouvent sur la liste, bingo. Aucune carte n'est exigée. Dans ce contexte, le port du niqab est un détail. Salwa Begum, 22 ans, peut en témoigner. Elle porte le niqab depuis quelques années. Aux dernières élections, elle n'a causé aucun émoi en arrivant au bureau de vote le visage voilé. « J'avais apporté avec moi une lettre reçue par la poste confirmant que j'étais sur la liste électorale, explique l'étudiante. Les gens du bureau de vote l'ont regardée et ont coché une case à côté de mon nom. C'est tout. » Les porte-parole de la communauté musulmane britannique que La Presse a joints étaient cependant prêts à céder du terrain à ce sujet. « Le niqab n'est pas un élément fondamental de l'islam, affirme Ajmal Masroor, de la société islamique de Grande-Bretagne. Les femmes devraient être prêtes à le retirer dans certains cas, par mesure de sécurité, par exemple. Ce serait stupide de leur part de refuser. » Même son de cloche de la part de Rajnaara Akhtar, une militante qui défend le port du voile islamique. À ses yeux, ces femmes ne sont pas si exigeantes. « Dans le contexte d'un bureau de vote, ce serait facile pour elles de prouver leur identité sans enfreindre leurs convictions religieuses, dit-elle. Elles n'auraient qu'à retirer leur voile dans un isoloir devant un membre du personnel, de préférence de sexe féminin. » Marc Thibodeau est envoyé spécial de La Presse à Casablanca Mali-Ilse Paquin est notre correspondante à Londres