Le palais de la communauté des Etats de Serbie et du Monténégro, construit au temps de la splendeur yougoslave du maréchal Tito, est un vaisseau fantôme dérivant non loin des berges belgradoises de la Save. Les couloirs sont quasiment déserts au-delà du colossal escalier de marbre. Des fonctionnaires désoeuvrés traversent un hall immensément vide. Ils vivent leurs dernières heures de travail alors que le Parlement du Monténégro s'apprête, samedi 3 juin, à Podgorica, à proclamer officiellement l'indépendance du pays après la victoire du oui au référendum du 21 mai. L'Europe voit la naissance d'un nouveau micro-Etat, de 650 000 habitants, plus grand que Malte (400 000 habitants), mais aux côtés duquel les républiques baltes, entrées comme Malte en 2004 dans l'Union européenne, font figure de géantes. Cette indépendance, qui réveille les rêves séparatistes dans certains Etats fédéraux comme l'Espagne ou la Belgique, le premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, nationaliste sourcilleux, répugne toujours à la reconnaître. La venue, vendredi, à Belgrade, du chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, n'y a rien fait. Le premier ministre s'est gardé d'admettre explicitement le résultat de la consultation populaire remportée par les indépendantistes (55,5 % des voix). M. Kostunica a en revanche critiqué l'Union européenne - "marraine" de la communauté serbo-monténégrine en 2003 -, jugée "responsable aussi bien des règles du référendum que de la proclamation des résultats". "Le gouvernement serbe n'a d'autre choix que d'annoncer que la Serbie (...) devient le successeur de l'Etat de Serbie-Monténégro", a-t-il concédé. Homme de loi, le premier ministre ne pourra faire autrement que de reconnaître sa défaite, mais à reculons. Conscient de ces fortes réticences, Javier Solana n'a pu que souhaiter que "les relations entre la Serbie et le Monténégro soient à l'avenir constructives". Le Monténégro espère pouvoir être admis aux Nations unies dès l'automne. Radomir Diklic, conseiller diplomatique du président de Serbie-Monténégro, pronostique toutefois que "le Monténégro aura des problèmes avec Belgrade dans le cadre de ces relations d'Etat à Etat". Sans parler de la propriété des missions étrangères ou des installations militaires, des milliers de jeunes Monténégrins bénéficient de bourses pour étudier à Belgrade. Comme de nombreux Monténégrins viennent s'y faire soigner. Autant d'avantages que M. Kostunica ne sera pas spécialement enclin à perpétuer.