Le président, qui a demandé encore un sursis, devra rendre des comptes en septembre. GEORGE W. BUSH a un nouvel objectif en Irak : retirer les troupes américaines. Il l'a souligné à plusieurs reprises, hier, en présentant un rapport intérimaire exigé par le Congrès sur la situation dans le pays. Mais les voies qui mènent à ce résultat n'ont pas changé : elles passent par une « victoire » aux contours de plus en plus flous. « Le débat n'est pas avec ceux qui veulent ramener nos troupes à la maison, car c'est un but partagé par tous les Américains, a insisté le président lors d'une conférence de presse. Le vrai débat est entre ceux qui pensent que la bataille est perdue ou n'en vaut pas la peine, et ceux qui croient qu'elle peut et doit être gagnée. » Affirmant qu'il souhaite « parvenir à un rôle plus limité pour les États-Unis en Irak », Bush a réaffirmé que « le meilleur moyen est de s'employer à ce que notre stratégie réussisse. » La décision, a-t-il martelé, ne sera pas prise à partir des sondages politiques, mais « sur les recommandations du général Petraeus », commandant du déploiement américain, et pas avant septembre prochain. Poussé dans ses retranchements, le président a refusé d'exclure l'envoi d'autres renforts si l'état-major le lui demandait. Au fond, rien n'a vraiment changé dans son argumentaire, sinon l'accent mis, à des fins de communication, sur son désir de sortir du guêpier la tête haute. Pour cela, il doit gagner du temps, et c'est tout l'objectif de la manoeuvre d'hier. « Je demande au Congrès d'allouer à nos militaires le temps et les ressources dont ils ont besoin pour réussir », a plaidé Bush. Le Sénat et la Chambre des représentants débattent depuis le début de la semaine des moyens de lui forcer la main et d'accélérer le moment de vérité. En avril, les élus avaient accepté de donner six mois à sa « nouvelle stratégie » d'envoi de renforts pour observer une amélioration sur le terrain. Aujourd'hui, beaucoup pensent qu'il est inutile d'attendre jusqu'en septembre, y compris une dizaine de sénateurs républicain ayant rompu les rangs avec leur parti. Des résultats « insuffisants » Le « rapport d'évaluation initiale » publié hier par la Maison-Blanche vise à gagner ce précieux délai, qui s'annonce comme le dernier avant une profonde remise en question à la rentrée. En 25 pages, le Conseil de sécurité nationale dresse un tableau en demi-teinte. La situation sécuritaire « reste complexe et extrêmement difficile », malgré « une diminution des violences communautaires » à Bagdad et dans la province d'Anbar. Sur le terrain politique, aucune des attentes américaines n'a été remplie : « La volonté et la vision politiques font défaut », reconnaît le rapport. Sur les dix-huit « jalons » fixés par le Congrès, les résultats provisoires sont jugés « satisfaisants » dans huit domaines parmi les moins importants, « insuffisants » dans huit autres plus cruciaux et « inégaux » dans les deux derniers. En janvier, George Bush avait justifié l'envoi de renforts par le calcul suivant : faire baisser la violence était une précondition pour donner au gouvernement irakien la marge de manoeuvre nécessaire aux réformes. L'absence presque totale de progrès sur les élections provinciales, la politique de réconciliation, la loi sur le pétrole ou l'indépendance des forces de sécurité portent donc un coup sérieux à sa démonstration. Les seuls points positifs mis en relief hier par le président ont été le déploiement de trois brigades à Bagdad et l'investissement de 7,3 milliards de dollars dans la sécurité. Mais le rapport pointe en particulier l'élimination des milices et du contrôle politique sur les forces irakiennes comme des sujets de préoccupation. En septembre, « nous verrons plus clairement comment les progrès se développent et nous serons en meilleure position pour juger si des ajustements sont nécessaires », a plaidé Bush. Mais la crédibilité de la Maison-Blanche est mise à mal par des mois d'allégations optimistes ou fausses. Dans sa chronique du New York Times, Nicholas Kristof rappelait hier que le président avait déjà vanté des « progrès réels », des « progrès réguliers », voire « incroyables » ou « enthousiasmants » à au moins cinq reprises depuis octobre 2003. Les analystes soulignent aussi qu'à force de peindre un tableau de l'Irak trop beau pour être vrai, l'Administration s'est piégée elle-même : contrainte d'apporter la preuve de ses allégations, elle a dû accepter la fixation de ces « jalons » qui révèlent aujourd'hui la mesure exacte de son échec.