Un Espagnol (Pedro Almodovar), deux Mexicains (Guillermo Del Toro et Alejandro Gonzalez Inarritu) et une Américaine (Sofia Coppola) étaient donnés favoris pour la Palme d'or décernée dimanche soir au festival de Cannes, mais le dernier mot reviendra au jury présidé par Wong Kar-wai. Le cinéaste hongkongais et ses huit jurés (les acteurs Tim Roth, Samuel Jackson, Monica Bellucci, Helena Bonham-Carter et Zhang Ziyi, les réalisateurs Patrice Leconte, Lucrecia Martel et Elia Suleiman) sont réunis en conclave dans un lieu tenu secret et sous haute protection pour concocter leur palmarès. Selon un sondage de l'institut Médiamétrie réalisé samedi auprès de 720 festivaliers, "Volver" de l'Espagnol Pedro Almodovar est en tête des suffrages pour la Palme d'or (26,8%), juste devant "Babel" du Mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu (23,2%). Loin derrière, on trouve "Marie-Antoinette" de l'Américaine Sofia Coppola (6,4%) et "Le labyrinthe de Pan" (6%) du Mexicain Guillermo Del Toro. Ce dernier film, présenté lors du dernier jour de compétition samedi, a suscité un gros engouement sur la Croisette. Pour le panel de critiques de la revue Le Film français, qui ne prend pas en compte le "Labyrinthe", "Marie-Antoinette" est en tête avec six critiques qui l'ont aimé "à la folie", suivi de "Volver" et "Babel" (4 chacun). Mais les jurys s'ingénient souvent à déjouer les pronostics: en 2004, le jury présidé par Quentin Tarantino avait couronné le très controversé "Fahrenheit 9/11" de Michael Moore, et l'an dernier celui d'Emir Kusturica avait sacré "L'enfant" des frères Dardenne, alors que c'était "Caché" de Michael Haneke qui faisait figure de grand favori. Outre la prestigieuse Palme d'or, le jury devra également choisir les vainqueurs du Grand Prix, des prix d'interprétation, du Prix de la mise en scène, du Prix du scénario, du Prix du jury, de la Palme d'or du court métrage et de la Caméra d'or du meilleur premier film. L'actrice Penelope Cruz, stupéfiante de vérité dans le film d'Almodovar, et Gérard Depardieu, touchant dans "Quand j'étais chanteur" de Xavier Giannoli, qui lui offre son meilleur rôle depuis longtemps, semblaient bien placés pour décrocher les prix d'interprétation, récompense que le Français a déjà reçue en 1990 pour "Cyrano de Bergerac". Ce serait la première fois depuis 2001 qu'un acteur français remporte ce prix : Benoît Magimel avait alors obtenu cette récompense pour son rôle dans "La pianiste" de Michael Haneke. Le suspense ne sera levé qu'à l'annonce du palmarès lors de la cérémonie retransmise en direct du Grand Théâtre Lumière du Palais des Festivals à partir de 19H15 en clair sur Canal+. Le festival de Cannes 2006 sera ensuite clôturé par la projection, hors compétition, de "Transylvania" de Tony Gatlif. Ce film reprend une trame chère au réalisateur gitan, celle du road movie musical qui lui avait valu le prix de la mise en scène en 2004 avec "Exils". Gatlif emmène cette fois-ci ses acteurs (Asia Argento, Amira Casar, Birol Unel) dans un tourbillon musical dans le berceau de la musique tzigane, la Transylvanie, en Roumanie. Les musiques tziganes, leur vitalité, leur richesse, jouées par des anonymes extirpés d'une masure ou d'un café délabré, rythment ce film qui conte l'itinéraire d'une jeune femme enceinte (Asia Argento) qui part retrouver un amour, le perd, et se perd dans la musique, les espaces infinis de Transylvanie et l'errance tzigane. Le principe de liberté guide le film, au risque d'une direction d'acteurs relâchée. "On n'a pas besoin de quelque chose d'écrit quand on tourne avec Tony (Gatlif)", a fait valoir Birol Unel dimanche devant la presse.